Mais quel enchantement ! La poésie de Yeats est si belle, si belle, qu'on dirait qu'il a lui-même inventé l'art de la poésie. Sous leur apparente simplicité, ses poèmes distillent des images saisissantes avec une très grande subtilité.
D'abord, il y a l'Irlande, "l'esprit d'une nation entière" selon le jury Nobel, et le charme de ses vieilles pierres (notamment sa propre maison) est décrit dans nombre de poèmes. Mais Yeats traite également du sang versé pour son indépendance, et parle avec émotion de ses amis tombés. Même sans avoir les références pour tout saisir, l'émotion qu'il fait naître est universelle.
Yeats écrit également pour sa famille, dans des poèmes pleins de tendresse, et même parfois de drôlerie.
Enfin et surtout, l'enchantement vient de la dimension mythologique de sa poésie : les nymphes, les sorcières et les licornes vous entrouvrent la porte des légendes celtiques, dans un symbolisme que l'on n'est pas obligé de comprendre totalement pour être émerveillé !
Traduction absolument parfaite de Guy Chain.
Challenge Nobel
Challenge ABC
Challenge Globe-trotter
LC thématique de novembre 2021 : ''Faites de la place pour Noël”
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L’AUBE
Je voudrais être aussi ignorant que l’aube
Qui contemplait de là-haut
Cette vieille reine mesurant une ville
Avec l’épingle d’une broche,
Ou les hommes décrépits qui observèrent
Depuis leur pédantesque Babylone
La course des planètes insouciantes,
Et les étoiles blêmir au passage de la lune,
Prirent leurs tablettes et firent des calculs ;
Je voudrais être aussi ignorant que l’aube
Qui se dressa simplement, son chariot chatoyant branlant
Sur les épaules brumeuses des chevaux ;
Je voudrais être — car le savoir n’est qu’un fétu de paille —
Aussi ignorant et exubérant que l’aube.
p.58
LA MORT
Espoir ni peur n'assistent
Un animal mourant ;
Un homme attend sa fin
En redoutant et en espérant tout ;
Il est mort bien des fois,
Il est ressuscité bien des fois.
Un grand homme dans son orgueil
Face à des meurtriers
N'a que dédain pour
La substitution du souffle ;
Il connaît la mort à fond –
L'homme a créé la mort.
p.100
QUE VIENNE LA NUIT
Elle vivait dans l’orage et les querelles,
Son âme avait un tel désir
De ce que la fière mort peut apporter
Qu’elle ne pouvait supporter
Le bien commun de la vie,
Mais elle vivait telle un roi
Emplissant le jour de ses noces
D’étendards et de flammes,
De trompettes et de timbales,
Et du canon impétueux
Pour congédier le temps
Et que vienne la nuit.
p.44
Bien que j'aie vieilli au fil de mes errances
Par monts et par vaux,
Je veux trouver où elle est partie,
Embrasser ses lèvres et lui prendre les mains ;
Marcher dans l'herbe haute et mouchetée,
Et cueillir jusqu'à la fin des temps
Les pommes d'argent de la lune,
Les pommes d'or du soleil.
Et moi, qui me considère béni des cieux,
En voyant que l'amour et l'amitié me suffisent,
J'ai choisi cette maison pour l'amitié d'une vieille voisine
Et je l'ai modifiée et agrémentée pour l'amour d'une jeune femme
Et je sais que ces pierres resteront leur monument et le mien,
Que vienne la prospérité ou le déclin.
Rendez-vous ce mercredi 4 octobre : deuxième épisode de notre série Dans les pages, où des écrivains se promènent dans la librairie pour nous parler de leurs livres préférés. Au programme : G. Simenon, F. Aubenas, J. Vallès, Antigone d'Anouilh (on ne peut pas oublier "Le quatrième mur" ) et le grand poète irlandais W.B. Yeats.
Merci Sorj et @editionsgrasset7893
Arthur Scanu à la réalisation au montage et à la prise de son et Antoine Daviaud au mastering
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