Nouvelle lecture d'un poète Nobelisé, après le Français Perse (non ce n'est pas une oxymore) et l'Italien Quasimodo (non ce n'est pas un pseudo de Victor Hugo), voici l'irlandais Yeats . La découverte se fait via une sélection de poèmes de différentes époques, sélection faite par le traducteur Yves Bonnefoy.
L'exercice est particulièrement intéressant quand il s'agit de découvrir Yeats parce qu'il aura beaucoup varié dans son art, autant dans la forme que dans les thèmes, partant du romantisme, passant par l'engagement envers le nationalisme irlandais et terminant sur une recherche d'épurement du style pour rapprocher la poésie de la langue réaliste. La sélection des poèmes permet de rendre ces différents moments de la vie de l'auteur, j'ai été particulièrement touché par son engagement politique, d'autant qu'il le rend notamment à travers son attachement à Maud Gonne, figure féminine du mouvement nationaliste qu'il poursuivra de son assiduité mais qui repoussera toujours ses avances. L'amour malheureux est un thème privilégié de la littérature en général et encore plus sans doute propice à la poésie. Mais quand il se mélange comme ici à la lutte politique, le mélange des genres oblige l'auteur à développer son style dans plusieurs directions.
La préface qui tourne notamment autour de la difficulté du traducteur est intéressante même si parfois ardue. Elle rend sensible le dilemme entre fidélité au style et fidélité au sens, auquel Bonnefoy tient beaucoup alors que beaucoup de ses confrères choisissent plus volontiers en poésie la fidélité afin d'essayer de retranscrire en priorité une musicalité qui leur semble être l'apanage de ce domaine en littérature.
Content d'avoir pu découvrir un homme de son siècle au travers de ses poèmes, un homme qui aura sans doute connu l'aboutissement de sa vie plus dans l'indépendance de l'Irlande effective en 1922... que dans l'attribution du prix Nobel juste une année plus tard.
Nous retrouvons dans ce recueil les thèmes chers à Yeats. Picorer quotidiennement un poème pris au hasard procure beaucoup de bonheur, même si certains sont parfois un peu obscurs. le bémol de ce livre : l'appareil sensé nous aider. L'introduction de Bonnefoy est bien souvent absconse, et j'ai eu le sentiment désagréable d'être prise pour une imbécile lorsqu'il explique son rôle de traducteur. Je n'ai pas toujours bien compris ses choix de traduction. Et les notes en fin d'ouvrage sont parfois inexistantes ou bien minces pour certains poèmes.
Très petite pièce de Yeats (même pas 20 pages) mais au thème et à la construction très intéressante. L'auteur imagine ce qui se dit parmi les gens qui ont suivi le Christ (hors les apôtres) entre le moment de sa mort et celui où la résurrection est annoncée.
En prenant pour personnages des archétypes (le Grec, le Juif, le Syrien), Yeats en profite pour mener une réflexion sur les religions et la relation au divin (avec également une procession dionysiaque célébrant la résurrection du dieu des libations et du vin). Plusieurs passages sont percutants, pointant les doutes face à la révélation, faisant aussi des parallèles entre résurrection et réincarnation.
Reprenant le thème de la religion et des mythes, cher à Yeats dans sa poésie, son théâtre est bien plus abordable et mène à de profondes interrogations...
Malheureusement la très grande brièveté de la pièce ne permet pas d'aller au bout des choses. Les promesses entrevues me donnent envie d'aller rechercher d'autres pièces de l'auteur irlandais.
La critique de Rosy est parfaite, il n'y a rien à ajouter.
Cet auteur se déguste à petites doses, on en reprend toujours un peu puis encore un peu.
mais c'est bien sur en VO qu'en plus du sens il y a la musique de la langue et encore plus de magie.
J'ai découvert cet auteur à l'occasion d'un séjour à Dublin et c'est devenu un de mes auteurs favoris.
Maud is gone
For ever gone
O my Darling, O my Darling
Maud Gonne,
elle ne lui a pas donné d'amour, un Tristan sur la grève.
elle lui a donné des mots à ce poète, Irlandais entre deux cultures, pour chanter une langue que les hommes ne connaissaient pas;
entre les mythologies, les religions, les sciences occultes, toute une vie pour capturer par l'illusion de l'impossible des formes magiques,
pour fuir le triomphe de l'imbécile,
pour fuir qui pense comme tout le monde.
Dans les caractères dessinés sur les sables, un homme mystérieux qui lui ressemblait comme un frère; un autre lui, le plus différent, l'anti-lui, qui lui dévoila tout ce qu'il cherchait; peut-être…
Un homme d'âme et de corps,
un de ceux qui au petit matin des nuits de plaisir se retrouvent aussi mou qu'un ver, et avec un nouvel accroc à leur manteau mortel.
Un homme libre, qui a hérité la fierté de ceux qui ne sont liés ni à une cause ni à un état, ni à ceux qui sont méprisés, ni à ceux qui méprisent.
Un homme qui avait tellement de rêves qu'il a pu en faire un tapis sous nos pieds,
Poète, toujours en quête du Temps,
Pour écrire un vers, nécessaire pensée d'un moment,
un vers qui entraine éternellement nos âmes dans l'infini,
à la rencontre de l'homme qui a créé la mort.
On boira de la bière rouge et brune dans ce village heureux, vers Sligo, dans un pays qui n'est pas pour les hommes vieux, devant une pierre de rêve dont chaque brisure devient rivière ou avalanche,
là où le Temps nous oubliera certainement dans des titres de poèmes :
To a Wealthy Man who promised a Second Subscription to the Dublin Municipal Gallery if it were proved the People wanted Pictures.
En écoutant Byzantium de Michael Tippett,
Dans l'attente de la Seconde Venue.
La Rose, Ego Dominus Tuus, A un Enfant qui Danse dans le Vent , Les Lettrés, le Premier Chant de la Femme de Chambre, La Tour, Il Voudrait Avoir les Atours du Ciel, Malédiction d'Adam, Mort, Voguant vers Byzance, Lapis Lazuli, Les Oiseaux Blancs.
Ces poèmes m'ont largement assisté.
effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
QUAND TU SERAS BIEN VIEILLE...
Quand tu seras bien vieille et grise, dodelinant
Aux portes du sommeil près du feu : prends ce livre
Et lis sans te hâter, et rêve à la douceur
Qu'eurent tes yeux jadis, dans leurs ombres lourdes.
Combien aimaient alors ta grâce joyeuse,
Qu'ils aimaient ta beauté, de feint ou vrai amour ?
Mais un seul homme aima en toi l'âme viatrice
Et aima les chagrins du visage qui change,
Penche-toi donc sur la grille embrasée
Et dis-toi, un peu triste, à voix basse : « Amour,
Tu as donc fui, tu a erré sans fin sur la montagne,
Tu t'es caché dans l'innombrable étoile. »
AU BAS DES JARDINS DE SABLES
Au bas des jardins de sables je t'ai rencontrée, mon amour.
Tu passais les jardins de saules d'un pied qui est comme neige.
Tu me dis de prendre l'amour simplement, ainsi que poussent les feuilles,
Mais moi j'étais jeune et fou et n'ai pas voulu te comprendre.
Dans un champs près de la rivière nous nous sommes tenus, mon amour,
Et sur mon épaule penchée tu posas ta main qui est comme neige.
Tu me dis de prendre la vie simplement, comme l'herbe pousse sur la levée,
Mais moi j'étais jeune et fou et depuis lors je te pleure.
L' île sur le lac, à Innisfree :
Que je me lève et je parte, que je parte pour Innisfree,
Que je me bâtisse là une hutte, faite d’argile et de joncs.
J’aurai neuf rangs de haricots, j’aurai une ruche
Et dans ma clairière je vivrai seul, devenu le bruit des abeilles.
Et là j’aurai quelque paix car goutte à goutte la paix retombe
Des brumes du matin sur l’herbe où le grillon chante,
Et là minuit n’est qu’une lueur et midi est un rayon rouge
Et d’ailes de passereaux déborde le ciel du soir.
Que je me lève et je parte, car nuit et jour
J’entends clapoter l’eau paisible contre la rive.
Vais-je sur la grand route ou le pavé incolore,
Je l’entends dans l’âme du cœur.
Fou comme brume mêlée de neige
(Mad as the mist and snow)
Verrouille bien le volet
Puisque les vents se déchaînent.
Nous voyons vraiment clair ce soir
Et j'ai l'impression que je sais
Que tout là-dehors est fou
Comme brume mêlée de neige.
Horace ici, près d'Homère,
S'étale, et Platon dessous
Près d'un Cicéron grand ouvert.
Que de temps depuis que tous deux
Nous étions ignares, et fous
Comme brume mêlée de neige!
Vous me demandez, mon ami,
Pourquoi je soupire et frissonne ?
C'est de comprendre que même
Cicéron, et Homère qui
En savait tant, furent fous
Comme brume mêlée de neige.
LA ROSE DU MONDE
Qui rêva que la beauté passe comme un rêve ?
Pour ces lèvres de feu, dont tout l’orgueil
Est de porter le deuil de la merveille,
Troie a passé, flamme au loin, funéraire,
Et les enfants d’Usna ont succombé.
Nous aussi, et le monde qui peine, nous passons :
Mais là, parmi les âmes qui tournoient
Avant de s’effacer comme les eaux promptes
De l’hiver incolore, là, parmi
Les étoiles qui passent, cette autre écume,
Un visage survit, une solitude.
Inclinez-vous, Archanges, dans vos pénombres !
Avant vous, avant même que cœur ne batte,
Lasse et bonne une femme s’attardait
Près du trône de Dieu ; et Lui,
Il fit de l’univers un grand chemin d’herbe
Pour ses pas vagabonds.
Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?