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Francine Levy (Traducteur)
EAN : 9782253156116
537 pages
Le Livre de Poche (10/12/2003)
3.72/5   9 notes
Résumé :
Nous sommes en l'an 999 : la "sauvage et lointaine Europe" est plongée dans l'attente de l'An Mil où, peut-être, le fils de Dieu reviendra sur terre.
À Tanger, l'opulent négociant juif Ben-Attar s'embarque pour une aventureuse expédition avec ses deux épouses, son associé musulman et un rabbin. La nef du Maghrébin traverse l'océan et le mène, par la Seine, à une petite ville nommée Paris.
Le but de ce périple : faire comparaître son bien-aimé neveu Abo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce long roman historique hébreu repose sur une fort mince intrigue et n'est pas à considérer comme un roman d'action. A la fin du X°s, la bonne entente de trois associés qui vendent en Europe des produits du désert et du Maghreb est mise en danger par la bigamie de l'un d'eux, bigamie qui répugne à l'épouse européenne d'un autre. Pour régler cette question, les marchands d'Afrique du Nord font le voyage de Paris et de Worms pour plaider leur cause devant des tribunaux rabbiniques. D'où le mot "voyage" (מסע) dans le titre original du roman, présenté dans l'édition française comme "traduit de l'hébreu", mais ne donnant que le titre anglais en référence. "L'an Mil", qui apparaît comme la destination du voyage, se réfère à l'époque où les événements se déroulent, entre 995 et 999 de l'ère chrétienne, "vers l'accomplissement du millénaire" (אל תום האלף), date dépourvue de signification pour la plupart des héros non chrétiens du roman. L'Europe que parcourent les personnages ne semble pas en proie aux terreurs millénaristes, auxquelles il est peu fait allusion. L'auteur recycle ce mythe des "terreurs de l'an Mil", qui fut forgé plusieurs siècles après. Il présente la vie des Juifs marocains et espagnols de ces temps-là comme un paradis, autre mythe historique qui sert de toile de fond au roman (le mythe séfarade de la tolérance islamique). C'est du point de vue des gens du Sud, qui voient l'Europe comme un continent arriéré et fanatique, "moyen-âgeux", autre mythe, que le récit se fait. Si le roman historique suppose des faits inventés sur une trame historiquement vraie, c'est raté. Seul fait avéré, mais absent du roman, la décision légale (takanah) prise pour les seuls Juifs ashkénazes par Rabbenou Gerchom ben Yehoudah (Metz, 960 Mayence, 1028), leur interdisant la polygamie (que la Bible autorise) et donnant aux épouses l'initiative du divorce (réservée avant au seul mari). A quoi bon ce voyage et toute cette histoire si la question principale est déjà réglée ? Bref... Ces trois mythes, celui de l'An Mil, du "Moyen-âge" arriéré de l'Europe, du paradis islamique de Séfarad, fondent encore aujourd'hui les représentations bien-pensantes, et le succès de la littérature israélienne en Occident se fabrique avec l'idéologie des médias et des éditeurs, qui savent choisir entre les auteurs convenables à traduire, et les autres, qui ne seront pas traduits. Amos Oz et A. B. Yehoshua ne sont peut-être pas les meilleurs auteurs possibles à présenter au public.

Malgré tout cela, minceur de l'intrigue, longueurs inutiles, mensonges bien-pensants, ce roman n'est pas mauvais. D'abord, le récit, toujours au plus près des sensations et des sentiments des personnages, de tous les personnages, évite tout manichéisme et nous fait entrer dans les bonnes raisons de chacun. Comme toute la sympathie va à la culture arabe et judéo-arabe, nous sommes conduits à entrer dans les raisons de la polygamie, de l'esclavage, du voilement des femmes, comme nous comprenons les attitudes inverses quand la narration se transporte en Occident, où les personnages féminins ont le contrôle. Cela se fait grâce au point de vue interne, appliqué à tous les personnages, Africains comme Européens. La rançon de cette objectivité romanesque, c'est évidemment la longueur excessive du volume, qui prend la peine d'entrer dans tous les détails.

Enfin, l'auteur étant un Israélien séfarade, son roman s'engage dans le débat qui oppose en Israël les Juifs d'origine européenne, dits ashkénazes, et ceux qui viennent du bassin méditerranéen, dits séfarades. Ce livre est donc une sorte de manifeste séfarade, par lequel A. B. Yehoshua retourne contre l'élite politique et culturelle ashkénaze de son pays, tout le sentiment de supériorité qu'elle fait sentir aux autres. Il le fait avec une douce ironie, un humour bienveillant envers ses personnages et leurs pensées, qui rappellent fortement "Joseph et ses frères" de Thomas Mann. Et comme ce grand beau roman de Thomas Mann, "Voyage vers l'An Mil" a d'interminables longueurs et distille souvent un ennui amusé.

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Voici un roman historique qui aurait pu être passionnant : les liens et les dissonances entre Juifs sépharades et ashkénazes, entre deux millénaires, et entre deux continents. Problème : c'est que tout cela est distendu sur 538 pages… Ecrit au présent, sans doute pour donner un peu de suspense à l'action, mais le procédé a ses limites. de plus, presque tout est au style indirect, sans quasiment aucun dialogue, ce qui est bien aride. Il y a bien un peu de sexe, souvent triste d'ailleurs (263, 502), il y a bien un peu d'humour, avec des allusions au Paris d'aujourd'hui glissées dans les descriptions de de la ville de 998 ap. JC. (l'Arche de la Défense et la Concorde p.150), les déjà anonymes cimetières de Verdun (302), avec aussi les pensées parfois fort naïves et égocentriques de tous ces mâles persuadés que « tout le monde serait parfaitement heureux » avec un 2e mariage (81), et puis surtout les arguties rabbiniques qui créent un petit air de Solal par moment. Mais tout cela est bien maigre pour maintenir l'attention. Pour couronner le tout, historiquement l'histoire est contestable, car on sait bien aujourd'hui que fort peu de gens à l'époque savaient qu'on changeait de millénaire (17, 96)... Quoi qu'il en soit, au prix de flashbacks un peu torturés, le lecteur a compris au bout d'une centaine de pages qu'il s'agit, pour un riche marchand juif de Tanger, Ben-Attar, d'aller défendre sa bigamie auprès de la nouvelle femme de son neveu, veuf et associé Aboulafia, qui a épousé une ashkhenaze vivant à Paris mais d'origine allemande, de la future Worms (Wermaizah) où visiblement on ne rigole pas tous les jours. La femme ne veut plus que son beau mari soit complice d'une telle hérésie. Alors Ben-Attar affrète un navire, y charge un rabbin chargé de défendre la règle méridionale, deux dromadaires, ses deux femmes (dont on ne saura jamais les noms) et toutes sortes de marchandises propres à séduire ces gens des ciels couverts. Il remonte l'Atlantique et la Seine et gagnera son procès à Paris, grâce à l'éloquence du rabbin qui saura rappeler, dans un mélange d'hébreu, d'arabe et de latin, les polygamies de Salomon ou d'Abraham (233). Mais Ben-Attar accepte d'être jugé une nouvelle fois à Wermaizah – et là, cela se passe mal, après un long voyage en chariot (285)… La seconde épouse y apparaît trop lubrique lors de son entretien avec l'arbitre (368). Ben-Attar est excommunié – et la malheureuse finit par mourir sur la route du retour, sans doute du tétanos (451). Un médecin converti au christianisme, qui ne peut la sauver, prédit des pogroms pour l'An Mil (426). Mais les voilà bientôt sur la route du retour, l'association commerciale sauvée puisque Ben Attar n'est plus bigame, et avec en plus des esclaves « nordiques » à vendre en Afrique (517). Une étoile seulement pour ma critique... !
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Belle fresque épique mettant bien en évidence le choc des civilisations
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[Dans un procès pour bigamie, le juge d'une communauté juive de Rhénanie s'attend à ce que la seconde épouse séfarade se plaigne de la première]
Ce que cette jeune femme affirme en effet, c'est que non seulement elle ne voit aucun mal à ce qu'elle-même soit doublée, mais elle désire, de son côté, doubler de même. Et par conséquent, alors qu'elle n'a rien à reprocher à la première épouse, dont elle a appris à apprécier la gentillesse et la patience tout au long du voyage, elle sent s'éveiller en elle une immense jalousie à l'égard du mari unique, qui a deux épouses, alors qu'elles n'ont, elles, qu'un seul époux. (...)
Mais par ailleurs, la colère et l'amertume de l'audacieuse Maghrébine emplissent le petit espace et ne laissent pas de place au doute : ce qui, pour la deuxième épouse, constitue une menace, ce n'est pas la duplication, c'est l'unicité. Egaré, éperdu, incapable de se dominer ni d'empêcher la curiosité de s'emparer de lui, l'arbitre pose alors une question étrange et fatidique, qu'il regrette avant même d'avoir fini de la prononcer :
"... un deuxième mari ? Comme qui, par exemple ?"
(...) "Mais comme vous, messire, comme vous, par exemple."
Précise et bien acérée, la flèche que l'on vient de lui décocher pénètre son âme et la remplit d'un plaisir inconnu en même temps qu'elle l'empoisonne d'un effroi nouveau. C'est maintenant, maintenant seulement, qu'il comprend le sens exact et la raison profonde de la rigidité judéo-rhénane, qu'il comprend pourquoi est aussi absolue l'interdiction que la communauté tout entière s'efforce de lui transmettre de derrière la draperie : "Doubler signifie multiplier ; et quand on multiplie, c'est à l'infini."
pp. 367-368
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"D'après quels critères les juges ont-ils été choisis ?" Il exige une réponse à la question qu'il répète à plusieurs reprises à messire Levitas, qui ouvre maintenant une petite porte et fait entrer trois hommes chétifs, vêtus de robes noires et poussiéreuses, portant chacun un grand rouleau de parchemin et une petite fiole de verre verdâtre. Ce sont des scribes, qui recopient des rouleaux de Torah, des phylactères et des saints écriteaux de portes. On les a recrutés dans les villages avoisinants pour qu'ils servent de juges.
"Des scribes ?" murmure le grand Rav andalou, profondément déçu à la vue de ces pauvres hères qui, à force de copier des textes, ont parfois la prétention d'en comprendre le sens. Mais messire Levitas pense beaucoup de bien de ses copistes.
p. 207
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Là-bas (à Tanger), Ben-Attar avait coutume de passer la première nuit du Jour de l'An chez sa première épouse. La deuxième, il la passait chez la seconde. Le repas d'avant le début du jeûne de Kippour était préparé par celle-là, tandis que celui qui le clôt, après la dernière prière de cette sainte journée, c'est chez celle-ci qu'il le prenait. Il commençait la construction de la cabane pour la Fête des Tabernacles dans la maison de la première épouse, et c'est à celle de la deuxième épouse que, le jour de Simhat Torah, il rapportait le petit rouleau de la Torah qu'il possédait. C'est ainsi qu'il agissait à toutes les fêtes, qui durent toutes deux jours et exigent naturellement la présence d'au moins deux épouses, toujours fraîches et bien disposées à venir en aide à l'homme qui, lui, est unique et risque d'être submergé par l'énorme quantité de mitsvot compliquées qu'il doit effectuer pour répondre convenablement aux exigences de sa foi.
p. 332
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Le mélange de plaisir et d'inquiétude qui envahit l'âme de l'épouse nouvelle déborde dans celle d'Aboulafia et finit par aboutir à Ben-Attar et au Rab Elbaz, qui deviennent impatients eux aussi d'arriver à temps à la ville sise sur le bord du Rhin, afin d'y accueillir comme il se doit la nouvelle année des Juifs, l'année 4760 qui, dans une centaine de jours, mettra au monde le jeune et sauvage An Mil du compte des chrétiens.
p. 312
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15 juin 2022 Claude Sitbon, évoque le souvenir de son ami A.B. Yehoshua, décédé avant-hier : “Il était pleinement francophone. Ses parents parlaient français et son épouse aussi.”
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