Adeline Yen nait dans une famille aisée de Chine. Lorsque sa mère meurt, elle est âgée de quelques semaines. On l'accuse, ouvertement pour certains, inconsciemment pour d'autres, d'avoir été celle qui a fait mourir sa mère. Commence alors pour cette petite fille une vie de luttes et de combats. L'amour de sa Grand tante Baba et le savoir la sauveront d'une existence encore plus dure...
Un livre touchant car autobiographique et une belle écriture font de cette lecture une expérience à part... l'auteur livre ici les dégâts d'une vie sans amour filial, la recherche de reconnaissance et le poids d'une place qu'on cherche à occuper, malgré tout. C'est aussi un bel exemple de persévérance et de pardon...
Adeline n'a jamais trouvé l'amour de ses parents, mais elle a toute notre amitié...
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Après la mort de sa femme qui a accouché d'une petite fille, le père de la famille Yen, aidé de Tante Baba sa soeur, élève ses cinq enfants - trois fils et deux filles. Après deux ans de veuvage, il tombe éperdument amoureux de Jeanne, une sino-française de dix ans sa cadette, flattée d'appartenir désormais à une famille de la petite bourgeoisie de Shanghaï. Hautaine et sûre d'elle, elle mène son mari et la famille à la baguette et prend rapidement en grippe les enfants du premier lit dont elle change les prénoms en les européanisant - en particulier la petite dernière Adeline qui devient son souffre-douleur. Rien ne trouve grâce aux yeux de cette belle-mère acariâtre qui se fait appeler Niang, et la petite fille grandit gardant toujours l'espoir d'être aimée, en recherche d'estime et d'une place dans la famille.
Feuilles d'automne est un récit familial dur et cruel, qui déroule près de 80 ans de l'histoire chinoise, de l'Empereur Qing aux évènements de Tienanmen, sans oublier la montée du Kuomintang et celle de Mao Zedong qui vont influencer le destin de la famille. Une famille qui va éclater entre Shanghai, Hong-Kong et la Californie, au gré des guerres et des révolutions. Grâce au récit qu'en fait Adeline, c'est la petite histoire qui s'inscrit dans la grande. L'histoire de cette famille, c'est également celle d'une résilience, d'une enfance malheureuse et solitaire, Adeline étant éloignée de sa famille, sans avoir de visites de ses parents quand elle est interne dans un pensionnat, toujours en quête d'affection auprès de la fratrie qui se déchire, choisissant le camp de Niang plus par peur que par amour.
Feuilles d'automne est le récit autobiographique d'Adeline Yen qui, en évoquant sa famille et ses tumultes souvent cruels, retrace l'histoire d'une renaissance grâce à sa résilience et évoque l'émergence d'une puissance humiliée par les occidentaux. C'est un récit qui permet d'en connaître un peu plus sur Hong-Kong, loin de la Chine continentale et sur les chinois qui ont émigré aux USA.
Un récit riche et émouvant.
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Comment sortir indemne de cette lecture ? Mon constat reste le même : certaines personnes ne devraient JAMAIS devenir parents. À quand un certificat de capacité pour éviter ce genre d'histoires ? Ce récit m'a profondément bouleversée. Une chose, commune à tous les enfants « maltraités », en ressort : l'amour d'un enfant pour ses parents est indélébile … Quoiqu'il arrive, quoiqu'il se passe … Et malheureusement, quoiqu'ils leur fassent.
On suit ici l'histoire d'Adeline qui a perdu sa mère dès sa naissance. Obnubilé par une jeune européenne, son père se remarie et offre à ses enfants une belle-mère. Et quelle belle-mère ! Intéressée, égoïste … En somme, un serpent dans un nid de coucou. Cette femme est la clef du malheur d'Adeline et du reste de la fratrie. Elle les maltraite, physiquement mais également et surtout moralement en les liguant les uns contre les autres. Adeline se verra être rapidement rejetée par toute la famille. Malgré les embûches déposées à ses pieds par sa belle-mère, elle grandira et deviendra anesthésiste. Pourtant, même en grandissant, jamais son but n'a changé : rendre ses parents fier d'elle. Et c'est ce but qui va l'amener à comprendre qui est véritablement sa famille : une chimère.
Je ne peux décemment pas juger de ce roman comme je le ferais pour une fiction. Ici, il s'agit d'un témoignage brut … et brutal ! Car oui, se remémorer de tels souvenirs est une épreuve horriblement difficile et horriblement douloureuse. Adeline a eu la force de mettre des mots sur ces années de souffrances. Une façon peut-être d'achever le deuil de son rêve : avoir une famille unie.
À travers ces écrits, il en ressort une chose. C'est que durant toute sa vie, Adeline est resté une petite fille avide d'amour et d'affection. À l'âge adulte, lorsqu'elle regardait ses parents, c'était les yeux de cette même petite fille qui les regardaient. Car, on ne guérit pas d'un manque d'amour. On vit avec ! Car, on ne grandit pas lorsqu'on a manqué d'amour. Notre corps grandit, mais nos espoirs restent toujours les mêmes.
Mon opinion est brouillon … Elle part dans tous les sens, mais elle reflète vraiment mon état d'esprit en refermant ce livre. Comment peut-on être aussi mauvais ? Aussi sadique ?
On se dit que ses frères et soeurs étaient enfants, et qu'ils ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient … Et à l'âge adulte, pourquoi lui faire subir toutes ces atrocités ? Pourquoi ? Parce qu'elle était suffisamment naïve pour croire en l'amour ? Mais, si notre propre famille ne nous aime pas … alors qui, pourrait nous aimer ?
J'ai aimé ce témoignage, parce qu'Adeline n'a jamais cherché à nous larmoyer. C'était une brute révélation de faits … J'en reste bouleversée par tant d'ignominie, mais surtout par son courage. le vilain petit canard et devenu un beau cygne, même si jamais il n'effacera ses années de douleurs …
Certains, en lisant ce roman, se diront : « Mais, pourquoi elle y retourne ? » - Moi, je vous dirais : « Quand votre époux(se) vous a trompé, pourquoi y retournez-vous ? » - C'est la quête de l'amour. Chaque personne est différente et donc réagit différemment.
Être parent ce n'est pas un jeu ! Ce n'est pas une lubie, non plus ! Ce n'est même pas juste un besoin ! C'est une réflexion. Se questionner sur ses capacités à l'être … sur ses capacités à aimer autrui … C'est ça être adulte ! Être responsable et faire des choix responsables, même si parfois ces choix vont à l'inverse de nos souhaits. Parce que donner la vie, ne concerne pas que notre petite personne. Avant tout, ça concerne l'enfant à naître. C'est à lui qu'il faut penser … À lui, et à la vie qu'on va lui offrir.
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En ce soir d'été chaud et lourd, Père décida que nous irions tous prendre le frais dans le jardin. Jackie avait été dressé par un maître-chien allemand, Hans Herzog. Père voulait s'assurer des résultats.
— Vérifions un peu les progrès de Jackie ! L'un de ces petits canards qu'on a offerts aux enfants servira de test...
À ces paroles, je fus incapable d'avaler une bouchée de plus. Bien que Père eût l'air de s'adresser à notre frère aîné, j'étais paralysée d'horreur.
— Va à la cage et rapporte-nous un de ces canards !
Sur-le-champ je sus que la victime serait mon canard à moi.
[...]
Père sortit dans le jardin, PMY [Prunelle de Mes Yeux] dans sa paume. Je fus prise de nausée. PMY semblait si fragile, si vivant. Jackie accueillit son maître avec des jappements de joie. La nuit était resplendissante, la lune toute ronde, les étoiles brillantes. Père s'installa dans un transat, près de Niang, Tante Baba et Ye Ye. Les enfants étaient assis sur l'herbe. Père posa doucement PMY. Je fus parcourue de frissons. Mon cœur se brisait en mille morceaux.
Jackie reçut l'ordre de rester assis à deux mètres du caneton. Se trémoussant nerveusement, haletant, il finit par obéir, mais il avait du mal se contenir. Soudain, m'apercevant, PMY se dirigea vers moi en caquetant. Alors, Jackie bondit. D'un saut puissant, il happa la patte gauche de PMY entre ses mâchoires meurtrières. Père se précipita, furieux. Son chien ne lui obéissait pas. Jackie lâcha le caneton, mais c'était trop tard.
Je courus le ramasser. Sa petite patte palmée, tordue, pendant lamentablement. Jamais je n'avais ressenti un tel désespoir. Sans un mot, j'emportai PMY dans ma chambre, l'installai délicatement sur mon lit, l'enveloppai dans mon plus beau foulard et m'étendis près de lui. Je n'ai jamais oublié la nuit que je passai près de lui. Elle m'a marquée pour la vie. Cette tristesse qui me réduisait en miettes, je n'ai jamais pu la raconter à qui que ce soit. Personne au monde n'aurait pu comprendre, pas même Tante Baba.
PMY refusa de manger et de boire. Il mourut le lendemain matin. Un vieux panier à couture lui servit de cercueil. James et moi l'enterrâmes sous le grand magnolia en fleur. Aujourd'hui encore, ce parfum suave fait ressurgir en moi cette horrible impression d'avoir tout perdu.
En octobre 1970, je reçus de lui (un de ses frères) une lettre étonnamment aimable dans laquelle il me demandait de l'aider à trouver un poste dans l'hôpital où je travaillais. J'en fus tout d'abord enchantée. J'avais tellement soif d'affection ! C'était comme s'il m'avait tendu un rameau d'olivier. Je la montrai à Père, de passage avec Niang à Fontain Valley.
- Laisse-moi te poser une ou deux questions, me répondit-il. Es-tu heureuse dans ton travail ? T'entends-tu bien avec tes collègues ? Crois-tu avoir un brillant avenir devant toi ?
- Oui. J'adore mon travail et je ne me vois pas l'abandonner.
- Dans ce cas, je te déconseille vivement de répondre à la lettre d'Edgar. Je peux te prédire que tu n'as rien à y gagner. Nous connaissons tous les sentiments qu'il te porte. Plus tu réussiras, plus il sera jaloux. Tu t'es forgé une belle carrière. Continue, ne t'arrêtes pas en chemin. L'Amérique est un grand pays. Quel besoin Edgar a t-il de venir dans ton petit coin à toi ? Il a tout le reste du continent pour se trouver une niche
À l'âge de trois ans, ma grand-tante proclama son indépendance en refusant catégoriquement de se laisser bander les pieds. [...] Grand-Tante avait huit ans de moins que mon grand-père, Ye Ye. Elle était le bébé adoré de la famille. Elle refusa de manger et de boire jusqu'à ce que ses pieds fussent « libres et saufs », selon ses propres termes, et elle obtint satisfaction.
Le gouvernement lui octroya 15 yuans par mois pour ses dépenses et lui infligea le port d'un morceau de tissu noir sur sa poitrine portant l'inscription : "les six infâmes", termes désignant les capitalistes, les propriétaires, les droitistes, les paysans riches, les contre-révolutionnaires et les éléments criminels, qui n'avaient plus droit qu'aux emplois les plus vils et étaient systématiquement les derniers à être servis dans les files d'attente, surtout quand la nourriture manquait.
C'est à cette époque que le mah-jong passe-temps favori de Tante Baba fut décrété décadent. Au début son groupe de joueurs se réfugia dans un sous-sol pour jouer en secret, la nuit, toutes portes verrouillées. Chaque domino était enveloppé dans un étui pour amortir le bruit. Afin d'éviter toute mauvaise surprise, ils se relayaient pour faire le guet. Mais les risques étaient énormes et leur courage limité; ils préférèrent finalement renoncer et se mettre au bridge, les jeux de cartes étant encore tolérés.