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Il y a une littérature qui manque, celle de ceux et de celles qui se préoccupaient beaucoup trop de vivre pour avoir le temps de le raconter, de faire de la littérature.
Si bien qu'une part notable de l'expérience humaine, la plus importante peut-être, est absente du récit général, d'un savoir à acquérir certes « par procuration » mais qui est aussi incitation à vivre davantage et à ne pas rester spectateur de la vie des autres.
Il existe heureusement quelques exceptions qui font que certains individus, n'ayant à priori aucune vocation marquée pour l'écriture, se trouvent à l'occasion de quelques loisirs forcées, désireux de transmettre leur usage de la vie et des lieux à qui saura les entendre ; comme en passant dirait-on. Et puis retournent à l'essentiel, loin de toute idée de carrière.
Cet ouvrage fait partie de cette catégorie. Il fallut à son auteur une forte motivation pour se mettre à l'ouvrage. Comme une urgence.
Cette urgence, c'était le coeur du Paris ancien en voie de dissolution en ces années 50 du siècle dernier, où les traces de pas de François Villon et du Paris populaire commençaient à s'effacer définitivement du sol de la capitale alors même que ses derniers enfants perdus y noyaient leur jeunesse. Si bien que Jacques Yonnet considéra probablement comme un devoir de retransmettre au moins quelques bribes de ce savoir secret que son expérience lui avait acquise. Au contact d'une bien étrange population qui n'était telle que par son intimité même avec ces lieux où le temps agissait encore en profondeur, dans les bâtisses les plus vétustes frémissantes des secrets passés, dans ses ruelles aux pavés luisants d'humidité qui savaient si bien conserver la trace des siècles, dans ses bouges si favorables aux rencontres improbables et aux confidences murmurées dans l'ombre.
Rien de factice en cette « chronique » - Un livre pour initiés.
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Un Paris fantasmé ou bien réel ? Peu importe au final car c'est un Paris bien révolu plein de légendes et de mystères, un Paris poétique proche de celui des Surréalistes.
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De maléfices - l'ignoriez-vous ? - Paris tout entier est tissé. Dans les murs de chaque rue, dans les pierres des églises, dans le cours sinueux des rivières enfouies, dans les catacombes et dans les caves, sous les poutres de très vieux appartements, des histoires dorment, infusent les êtres et les choses de leur pouvoir.
Ces histoires, leurs sortilèges, Jacques Yonnet les a inlassablement poursuivis, au hasard des rues et des rencontres, dans les livres, les archives, les grimoires, auprès des historiens et des passants, des compagnons de bistrot, des gitans, des marlous, des ouï-dire... Avec tant de passion qu'elles sont venues à lui, petit à petit, ne révélant parfois qu'une forme confuse, soulevant plus de mystères qu'elles n'aident à en résoudre.
Petit à petit, péniblement - elles se laissent difficilement saisir, et plus encore écrire - il en a constitué ce livre, ce livre fascinant que Raymond Queneau tenait pour l'un des plus beaux jamais écrits sur Paris. D'autant plus beau, d'autant plus rare, qu'il ne se contente pas de légendes : à travers ses pages, c'est toute la vie d'un certain Paris qui se dessine, de l'Occupation aux années d'après-guerre. le Paris truculent des ignorés - artisans discrets, patrons et tenancières de bistrots, petits truands, prostituées, clochards, chiffoniers, ivrognes, artistes sans le sou, clandestins de la guerre, résistants, amoureux de la nuit, qui se croisent, se perdent, se retrouvent, et filent leurs propres histoires, banales ou étranges, sur l'infatiguable fuseau de l'histoire de Paris. Rive gauche, presque exclusivement.

Il me faudrait avoir lu plus de livres sur Paris pour me ranger en toute connaissance de cause à l'opinion de Queneau, mais ce livre-là est assurément magnifique. Un peu décousu au premier abord, mais peu à peu les fils se nouent, l'alchimie opère, irrésistible, portée par la fascination de l'auteur pour son sujet, par l'amour évident qu'il voue à ses personnages, et par une langue d'une superbe richesse, qui puise à pleines mains dans les ressources du parler populaire, de l'argot, de l'élégance et de la poésie.
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Voilà un bouquin qui sort – pour le moins – des sentiers battus. Inclassable. Une sorte de canevas de chroniques écrites sur 25 ans, de 1941 à 1966, à mi-chemin entre le roman, le recueil de nouvelles, le livre de contes et légendes et les conversations de pilier de bar. Les personnages réels, imaginaires, l'histoire de Paris rive gauche (de l'antiquité à l'occupation allemande, cadre des deux premiers tiers du livre) et les mythes et légendes urbaines qui se sont développées dessus s'entremêlent sans arrêt de telle manière que la frontière entre le faux et le vrai est assez difficile à fixer, et de toute évidence c'est fait exprès.
L'auteur, aussi à l'aise en langage soutenu qu'en argot de Paname, possède un très beau style et un lexique pour le moins fleuri, et certains passages sont de vrais morceaux de bravoure, l'humour n'étant pas en reste. Parfois, il en fait même un peu trop, il faut bien le dire.
C'est aussi assez foutraque, et j'avoue que si j'ai adoré le premier quart, le milieu du bouquin m'a parfois un peu déconcerté, avant que je retrouve dans le troisième tiers quasiment le même plaisir qu'au début.
Ça vaut le coup de le lire pour s'en faire une idée, en tout cas.
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Rue des Maléfices est un livre organique qui vit sa propre vie dans votre bibliothèque. Vous pouvez le relire quelques années plus tard et il aura légèrement changé. Comme les troquets de la Maube et de la Mouffe, vous y retrouverez des habitués, mais aussi des nouveaux venus. Et puis quand vous ne vous y attendrez pas surgira la magie, l'émerveillement, le fantastique, au détour d'un paragraphe magnifiquement écrit, puis disparaîtra comme le vieux d'après Minuit.
Au delà des histoires et des anecdotes dont il fourmille, ce livre a un magnétisme propre, il est une ville à lui tout seul, avec ses personnages et ses lieux. On s'y promène comme dans les quartiers de Paris. On va, on vient, on revient à certains endroits comme s'ils nous attiraient.
Il est essentiel à tous ceux qui aiment Paris.
PS : la rue des Maléfices existe toujours, elle s'appelle aujourd'hui la rue Xavier-Privas, dans le 5ème, et c'est une étrange ruelle piétonne. Allez-y !
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Jacques Yonnet, dans une langue savoureuse, nous fait part de sa vision du Quartier Latin (entre la Place Maubert et la Montagne Sainte-Geneviève) au temps de l'Occupation et des années d'après-guerre. Une incroyable brochette de personnages mystérieux ("Danse-Toujours", "Le Gitan", "Le Vieux d'Après Minuit", et bien d'autres...) aux pouvoirs occultes entrent et sortent du champ au gré de l'imagination fertile de l'auteur. On finirait presque par y croire, tellement c'est bien écrit. Un véritable chef-d'oeuvre que n'aurait pas renié l'auteur de "Nadja"...
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Surprenante lecture ! La quatrième de couv. nous informe que "Raymond Queneau regardait "Rue des maléfices" comme le plus grand livre jamais écrit sur Paris". Forcément, cela allèche....

L'auteur traine, et nous entraine, dans le paris des années 40 et 50 , celui des quartiers Mouffetard, Maubert, Cité, Saint louis, la Bièvre dans les bistrots qu'il fréquente assidûment et où il rencontre des personnages troubles, aux noms évocateurs : Danse-toujours, Pierrot la bricole, Dolly-longue-à-jouir; Pepe la lope, Fanfan sans charre...; un monde de poètes, de prostituées, de truands, de mendiants, de bistrotiers, d'êtres perdus arrivant parfois du bout de monde tout autant que du coin de la rue, sans compter le roi des gitans... et le vieux d'après minuit ; un monde où l'on conduit ses activités de résistant (qui passent au second plan dans le récit) ; un monde dont la généalogie remonte à François Villon...

Dans ce Paris là, Jacques Yonnet retrouve les traces d'une histoire qui remonte très loin au Moyen Age ; dans les récits et les légendes racontés par ses compagnons, dans les vieux livres des bibliothèques : des légendes qui surgissent dans les événements de son temps. Ces histoires d'autrefois imprègnent les murs et ne sont jamais parties, mais seuls les initiés les savent voir : la malédiction qui pèse sur tel ou tel lieu s'expliquant par une injustice qui a été commise; la trace sur un mur ou une porte d'une tragédie ancienne... et les nouvelles traces qui se créent sous ses yeux.
"la maison qui n'existait plus" , "les tatouages ennemis" , "le dormeur du pont au double" , "sainte patère" etc : jeteurs de sort, porteurs de poisse, exorciste, guérisseur ou autre sorcellerie : voila le Paris que nous dévoile Yonnet ( à moins qu'il ne débloque quelque peu par moment), le Paris d'une histoire longue où la magie et le merveilleux continuent d'être présents et de se déployer dans le quotidien ; où les hommes les vivent intimement chaque jour comme une chose naturelle . Mais plus pour longtemps...

Ce n'est pas un roman, ce n'est pas de l'histoire, de la sociologie ou du journalisme... mais le témoignage poétique d'un homme convaincu que l'imaginaire a plus de véracité et de force que le réel.
Le style et le vocabulaire sont tout à fait remarquables car alliant l'argot de cette époque, souvent traité de manière élaboré, au français le plus riche et le plus poétique, et même parfois un peu précieux.
En plus on apprend des mots ...
"Le soiffard dépourvu de vaisselle de fouilles jusqu'au prochain samedi midi consignait scrupuleusement, sur le carnet portant son blaze, les dettes contractées, qu'il réglait recta, dès que pourvu d'artiche"

"la pratique, après avoir rincé son hanap, l'emplissait soi-même à l'une des quatre cannelles virilisant autant de futs placés sur des tréteaux."

"il décarrait fissa, crouni de honte et le teint pivoine"

Un écrivain météore, qui n'a guère écrit par la suite ...
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La chronique intime d'un Paris occulte et souterrain sous l'Occupation.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/01/20/note-de-lecture-rue-des-malefices-chronique-secrete-dune-ville-jacques-yonnet/
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Jacques Yonnet écrit une chronique de la vie à (et de) Paris dans laquelle il est à la fois acteur et observateur. Il nous fait découvrir l'existence des petits gens" qui sont selon lui ceux qui ont et font la ville. Ces histoires
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Chronique d'une ville, Paris, dans sa partie magique, carnet étayé évoquant une Rive Gauche grouillante et populaire, Rue des Maléfices est l'exploration plus ou moins scrupuleuse de certains quartiers de la capitale, de leur passé historique, anecdotique et légendaire à la fois.
De quoi, de qui, Jacques Yonnet parle-t-il ? de Paris et des parisiens ? D'un quartier et d'une classe sociale ? Ou des fantômes d'une ville et des secrets de ses habitants ?
Quoi qu'il en soit, il n'est pas question de n'importe quel Paris, ni de n'importe quels parisiens. le Paris du narrateur-auteur se situe Rive Gauche, du côté de la Mouff (Mouffetard), de la Maub (Maubert), de la rue de Bièvre, de la Montagne Sainte Geneviève, d'autant de bas-fonds d'époque où l'on va de troquets aux “enseignes de bois d'épave“ à de sombres estaminets, boire autre chose que du petit lait. Les bistrotiers sélectionnent une clientèle “triée sur le volet“, biffins, clochards avinés, chiffonniers, truands au grand coeur, prostituées, toute une populace, colorée, et plaçant haut le verbe. Au sein de cette faune bigarrée, des personnages marquants, le Gitan, Danse-toujours, le Vieux d'après Minuit, Dolly-longue-à-jouir, Pépé la Lope, Vladimir aux genoux tatoués, les moines anthropophages, et tant d'autres, artisans aux activités disparues, bohémiens, rebouteux, exorcistes et jeteurs de sorts. Tous sont bardés d'histoires, de légendes, de chimères, pour résumer, de poésie, la leur propre ou peut-être celle qu'infuse l'auteur qui est, lui aussi, un véritable poète.
Une grande partie de Rue des Maléfices se situe pendant l'Occupation, le reste dans les années après-guerre, mais le contexte historique est secondaire, tout autant que l'activité de résistant de l'auteur, agent de liaison important et opérateur de radio clandestine.
Rue des Maléfices est un ouvrage rare, captivant, par son atmosphère et ses personnages, sans oublier ses rues, ses taudis, ses zones cachées. Il évoque un Paris que l'on connaît mal, un Paris de laissés pour compte, de mystères, voire de fantastique, qui n'a rien du Paris de carte postale plus familier.
La multiplicité d'anecdotes, l'ambiance de coulisses énigmatiques, de diableries voilées, compensent bien l'absence de continuité de la trame littéraire. Et la langue à la fois classique et truculente, en même temps plume littéraire et jargon argotique, ajoutent au plaisir de la lecture de cet opus.
Lien : https://lireecrireediter.ove..
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