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La tempête qui depuis de nombreux jours sévit sur l'ensemble du littoral breton, l'envie de débuter l'année en compagnie d'un de mes auteurs préférés : la lecture de « Naufrages » d'Akira Yoshimura est bien de circonstances !

Isaku est un jeune garçon de neuf ans, l'aîné d'une fratrie de quatre enfants. Il habite un village isolé à flanc de montagne avec la mer en contrebas. Élevé à la dure par une maman qui le rudoie, Isaku souffre depuis six mois de l'absence de son papa parti travailler dans un port éloigné pour une période de trois ans. L'argent versé au début de son contrat a maintenu jusqu'à présent la famille à flot mais les réserves alimentaires, achetées dans un village situé à trois jours de marche, seront bientôt épuisées.
Au rythme des saisons, Isaku trime comme un adulte pour améliorer le quotidien de ses proches. Seul dans sa barque, le brave petit bonhomme suit à distance les hommes du village : pêcher le maquereau à la main ou le poulpe au crochet nécessite un savoir-faire, l'apprentissage est laborieux.

Depuis longtemps déjà la survie de ces habitants du bout du monde dépend d'un stratagème monstrueux orchestré chaque automne sous l'autorité du chef du village. A l'époque du rougeoiement des feuilles, celui-ci confie à Isaku une astreinte périodique vraiment particulière : alimenter le feu, la nuit entière, sous deux grands chaudrons remplis d'eau de mer et disposés sous abri au niveau de la grève.
S'il permet aux femmes de récupérer au petit matin le sel, ce travail nocturne est avant tout destiné à induire en erreur les équipages pris dans la tempête, à entraîner les bateaux sur les récifs qui bordent le littoral.
Fier d'avoir maintenant la confiance des adultes, Isaku alimente consciencieusement le foyer de l'espérance…

La souffrance est sans conteste le dénominateur commun aux romans de cet écrivain disparu en 2006 et « Naufrages », d'inspiration légendaire, n'échappe pas à la règle.

Tel un peintre impressionniste, Yoshimura insuffle avec bonheur des petites touches colorées à ces paysages entre terre et mer. Une phrase, un court paragraphe, suffisent à stimuler l'imagination du lecteur et cette profusion de contrastes, de lumière, contrebalance la noirceur et la cruauté de l'histoire.

Laissez-vous tenter par ce roman à la beauté cruelle !
Durant l'année qui commence et même au-delà, ses paysages sublimes et son atmosphère ancestrale vous reviendront de temps à autre en mémoire.

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"Comme il pleut ce soir,
N'est-ce pas mon hôte ?
Là-bas à la côte,
Le ciel est bien noir,
La mer est bien haute !
On dirait l'hiver ;
Parfois on s'y trompe...
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Oh ! marins perdus
Au loin dans cette ombre
Sur la nef qui sombre
Que de bras tendus
Vers la terre sombre !"
...

Ces quelques vers de la "Tempête en mer" de Victor Hugo que vous apprécierez je l'espère autant que je les apprécie et qui, je trouve, font écho de façon troublante au récit de Akira Yoshimura car de tempêtes il en est question tout au long de cette histoire.

L'écriture sobre, épurée, presque rêche de l'auteur, caractérisée par un certain minimalisme qui accentue la noirceur et la mélancolie qui émanent de ce récit dont la lente progression se fait invariablement au rythme des saisons, m'a immédiatement touchée. Un récit qui n'est volontairement pas daté et qui pourrait être intemporel mais que certains détails laissent à supposer qu'il se déroule dans les années 1870 au commencement de l'ère Meiji.

Une histoire puissante, poignante, qui nous embarque dès les premières pages vers les rivages lointains d'un petit village côtier au Japon, isolé de tout, perdu entre la mer et la montagne, dont les habitants vivent essentiellement de la pêche. Une vie de dur labeur, éreintante, rythmée par le passage des saisons, des tempêtes et des marées.

Le personnage principal est Isaku, un petit bonhomme âgé de 10 ans, aîné d'une fratrie de trois enfants, dont nous partageons le quotidien durant deux années consécutives. Chaque jour qui passe il récupère les débris des épaves charriés par la mer et malgré son jeune âge il travaille dur comme un homme pour aider sa mère, une femme revêche et peu aimante, qui se retrouve seule après que son père soit parti "se vendre" pour une durée de 3 ans auprès d'une compagnie maritime dans le port d'un village éloigné car c'est malheureusement monnaie courante pour les hommes et les femmes de ce village que de se vendre pour contrer la misère dans laquelle ils vivent.

Autour d'Isaku gravitent les habitants de ce village, des hommes et des femmes très pieux et superstitieux qui ne doivent leur salut qu'aux navires de commerce qui font ponctuellement naufrage (tous les 5 à 6 ans) et viennent s'échouer sur les rochers le long du rivage, attirés par les feux des chaudrons de sel que les habitants font cuire sur la plage les nuits de tempête. Des hommes et des femmes qui dans leur désespoir, n'ont pas d'autre choix que de piéger et piller les malheureux équipages qui osent s'aventurer dans leurs eaux, se rendant ainsi coupables de crimes dont ils tentent quelque part de s'absoudre dans les nombreuses cérémonies, rituels, prières qui régissent leur quotidien.

Ce qui m'a interpellée dans ce récit c'est la résignation qui caractérise l'ensemble des personnages qui acceptent le sort qui est le leur mais ce que j'en retiens surtout c'est cette petite lueur d'espoir qui subsiste jusqu'à la dernière page grâce à l'amour que porte Isaku à ce père absent, un amour indéfectible comme le ressac des vagues qui apporte chaque jour son lot de trésors et fait battre le coeur pur de ce jeune garçon qui fait preuve d'une grande sagesse et de beaucoup d'humilité pour son jeune âge.

Un beau roman que je vous invite à découvrir si comme moi vous aimez l'océan et les histoires un peu tristes...
Merci encore Tretrizoustan...
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Il y a des romans qui vous emportent loin, très loin, aux antipodes géographiques et temporels laissant s'effeuiller les phases de la vie quand la misère mijote dans le chaudron du temps.
Celui-ci est de cette trempe et réserve son lot d'étonnants rebondissements.
J'ai ressenti de la joie et souvent du malheur à m'évader avec Isaku le petit pécheur dans les saisons de son existence.
Printemps-été-automne-hiver ont laissé place à sardines-encornets-maquereaux-poulpes, inévitables quand la famine tracasse et que manger rythme les carcasses.
Dès huit ans, remplacer son père dans son travail parti se vendre ailleurs pour faire vivre sa famille est devenu son quotidien cadencé par sa mère sévère.
Rien, ni personne, n'est à envier dans cet univers agressif et pourtant, il se dégage une sensation de sérénité extrême où l'on accepte sa condition sans ciller et quelques soient les souffrances, les plaintes sont tues, les contraintes sont acceptées et serviront vraisemblablement d'enseignements aux générations futures.
Ce conte philosophique, où soufflent la tempérance et l'humilité, enseigne à ne pas se réjouir trop vite d'une aubaine et à savoir gérer ses acquis.
Isaku, à la demande du chef du village, passe quelques nuits à faire griller du sel dans des marmites, le feu vif ainsi produit attire les bateaux qui s'échouent, les villageois peuvent donc les dépecer pour profiter de la cargaison.
L'ignorance et la naïveté étant les alliés du « bien mal acquis ne profite jamais »,
la petite communauté perdue au fond de la baie devra supporter les conséquences de ses actes. L'auteur dispose de ce talent de traduire les petits bonheurs comme les grandes horreurs avec de telles nuances que, quelque soit le dénouement, il nous noue les entrailles.

En débutant ce roman, je n'ai pas imaginé, dans une certaine mesure pouvoir discerner une sorte de similitude avec la situation actuelle de confinement dû au Covid 19 et à son issue.
Et pourtant…C'est sûrement pour cette raison qu'au terme de cette lecture, je me découvre bien moralisateur, néanmoins, comme disait Confucius :
« L'expérience est une lanterne qui n'éclaire que celui qui la porte. »
Faites la vôtre !
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Isaku a neuf ans et vit dans un petit village coincé entre la mer et des montagnes escarpées.
La vie y est rude et dictée par les saisons, la pêche, la vente de sel et de maigres récoltes.
Pour survivre, des villageois sont contraints de se vendre pour quelques années à l'autre bout de l'île. C'est la cas du père d'Isaku, parti pour trois ans le laissant avec sa mère prendre soin de ses soeurs et de son frère.

Nous suivons ainsi la vie Isaku de ses 9 jusqu'à ses 12 ans.
Le récit est ponctué par le cycle des saisons et cela lui confère un rythme et une musicalité.
Chaque année est marquée des mêmes événements :
le roman débute avec l'automne et le rougeoiement des feuilles annonçant la pêche aux poulpes ; lorsque les montagnes perdent leur couleur, la mer commence à s'agiter, une étrange cérémonie peut commencer avec l'intervention d'une femme enceinte, sorte de prière pour qu'il y ait un naufrage ;
à partir de là, deux chaudrons pour la cuisson du sel seront chauffés toute la nuit sur la plage ; suivront les premières neiges, le Nouvel-An, la floraison des pruniers dans le village éloigné du leur, la fonte des neiges, la vente du sel ;
à la mi-mars, un rituel pour obtenir une bonne pêche ; il y aura encore la pêche aux sardines, puis aux encornets, ensuite aux maquereaux, la récolte de la ramie, la vente des maquereaux sales contre des céréales, la fête des morts....

Tous ces événements se répètent, d'année en année, et nous voyons qu'ils ne suffisent pas à survivre, le village est à la merci d'une mauvaise pêche.
Survivre implique aux chefs de famille et aux filles à se vendre pour quelques années.

Depuis des générations, et c'est dicté par les traditions ancestrales, on espère, attend et facilite les naufrages.
Ceux-ci permettent au village de ne pas disparaître.
La cote est escarpée, les récifs sont nombreux, pour tromper un navire en difficulté, l'on cuit toutes les nuits le sel dans deux chaudrons sur la plage sous de grands feux qui ne peuvent s'éteindre, afin d'attirer les bateaux vers les récifs et s'emparer ainsi de leur précieuse cargaison (riz, saké, sucré blanc, chandelles, tabac,...) et de vivre quelques années plus à l'aise.
Ces naufrages sont rares, cachés et bien entendu illicites.

Je suppose que l'action se déroulé au moyen-âge, Akira Yoshimura nous décrit toutes les superstitions et traditions, les croyances quant à la mort, à l'âme des défunts, à la réincarnation, aux présages qu'apporte un arc-en-ciel, il nous détaille la cérémonie des funérailles, comment les couples se forment, les interdits (ni rire, ni parler pendant cinq jours après le Nouvel-An), comment sont considérés les suicides, etc

Le livre s'attache à Isoku qui endosse des responsabilités d'adulte, sui va grandir vite, qui va découvrir une à une les traditions, on verra ses relations avec sa mère, sévère, qui lui impose une discipline de fer et lui inspire de la crainte, mais qui montre parfois de la tendresse pour lui. Isoku est jeune encore mais son coeur bat pour Tami, une jeune fille qu'il espère un jour pouvoir épouser.

Ce qui est assez remarquable c'est la faculté qu'a l'auteur a ne pas nous faire juger ces actes qui s'apparentent à du piratage, tant il nous fait plonger dans cette vie difficile, cette survie. Quand on a tout, il est facile d'avoir un comportement moral !
Ici, les valeurs sont celles du travail, du travail pénible, du sens du devoir, du respect des ancêtres.

C'est un récit sur la lutte, l'importance de la communauté, il est beau et déchirant.
Il a moins de deux cent pages pourtant, mais est extrêmement dense et en même temps sobre, l'auteur se contente d'énumérer les faits, nul besoin de développements pour nous faire comprendre la vie du village.

La fin est tragique et émouvante.

C'est un grand livre et je voudrais remercier Sachka qui me l'a conseillé.




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Les journées n'étant pas extensibles en heures, il me faut malheureusement parfois renoncer à certaines tentations croisées sur babel ou du moins les mettre en attente.
« Naufrages », c'est une tentation due à Sachka qui a su trouver les mots pour me faire refaire un pas vers la littérature Asiatique, littérature avec laquelle je n'ai aucune affinité.
Merci Joëlle pour la découverte de ce bouquin que je n'aurais jamais eu l'excellente idée d'ouvrir sans ton billet.
J'y suis allé à petits pas, j'en suis sorti à regret.

« Naufrages », c'est la vie d'un village de pêcheurs Japonais, coincé entre mer et montagne, à travers le regard d'Isaku, petit bonhomme de neuf ans qui va devenir soutient de famille après que son père soit parti « se vendre » pour une période de trois ans pour nourrir sa famille (concept toujours à la mode puisque tous les jours nous nous vendons pour un salaire, mais ce n'est pas le sujet, pardon)...
Avec la pêche pour seul moyen de subsistance et de revenu, le village tente de provoquer des naufrages pour améliorer l'ordinaire.
L'océan et la montagne en font voir de toutes les couleurs aux villageois. Des pourpres du ciel qui enflamment l'océan, lui donnant les teintes dorées et rouges des feuilles couvrant la montagne, ces ambres qui annoncent la fin de la saison de la pêche, des gris prémices des tempêtes à venir. On va aux naufrages comme on va aux moissons. Et puis ces nuages bleus qui peu à peu éclaircissent les jours plombés et donnent à l'océan des tons argentés. Les bancs de maquereaux et de sardines sont de retour. Au rouge des feuilles qui s'étaient parées d'un blanc cotonneux avant de se mettre à nu, succède le vert de l'espoir, de l'en vie.
Trois ans vont être rythmés par les nuances de la palette de dame nature, trois ans pendant lesquels j'ai partagé le quotidien de la famille d'Isaku sans forcément toujours comprendre ni accepter ce fatalisme, cette soumission à la tradition et à l'ordre établi. J'ai partagé leurs émotions, leurs craintes, leurs quelques instants de sérénité, presque de bonheur. J'ai respiré avec eux, j'ai senti le poisson fumé, l'odeur de la graisse qui brûle et puis celle de la peur, celle de l'océan, de la forêt, tous ces parfums qui révulsent ou qui ravissent. L'odeur du sel m'a brûlé une peau burinée par le soleil, sillonnée par le vent, séchée par la terre.
Et puis des vagues et des vagues et encore des vagues, d'océan, d'émotions.
C'est écrit (ou traduit) avec ce qu'il faut de poésie pour attraper l'amateur que je suis et ne pas faire fuir l'allergique. Il y a bien cette retenue (légendaire ?) Asiatique mais pas plus qu'il n'en faut, les masques tombent et le coeur s'ouvre malgré les regards extérieurs.
En fait, il y a ce qu'il (me) faut de pudeur et ce qu'il (me) faut de « lâcher prise » pour apprécier vraiment un bouquin qui me raconte une histoire.


J'allais oublier… il y a une fin qui ramène à une actualité brûlante qui là aussi me laisse perplexe quant à cette docilité dont nous faisons preuve quand « l'autorité » et la peur se joignent, comme toujours depuis la nuit des temps, pour nous faire aller là où on veut qu'on aille, mais là aussi c'est une autre histoire…
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Superbe rencontre avec un écrivain! Je ne regrette absolument pas ma lecture, ce livre est magnifique, même si les sujets abordés sont graves voire tragiques. Ce roman nous conduit au Japon, très probablement au 18ème ou 19ème siècle, dans un pauvre village de pécheurs ou se perpétue depuis toujours des traditions étranges, qui ne dérangent pas les villageois. L'histoire est intéressante, l'écriture est belle et agréable. Ce roman est presque un coup de coeur, et tout au moins une lecture que je conseille.
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Naufrages est un court récit, un conte qui ne peut qu'émouvoir le lecteur. On y fait la connaissance d'Isaku, un petit garçon de neuf ans dont le père est parti travailler dans un village lointain en échange d'une somme d'argent pour aider sa famille. Isaku est donc avec sa mère chargé de prendre soin de son frère et ses deux petites soeurs. Il part donc chaque matin à la pêche et grandi bien vite, loin de l'innocence de l'enfance.

Il nous fait découvrir son village et ses croyances :
"La mort d'un homme, sur le moment, attristait la famille et le reste du village, mais on croyait au retour des âmes et on se résignait vite. La vie était un don des dieux et des bouddhas, et quand venait la mort, l'âme humaine partait aux confins de la mer, pour ensuite revenir dans le ventre d'une femme afin de revivre dans le corps d'un bébé. La mort n'était pour l'âme qu'une période de profond repos précédant son retour, et les villageois croyaient que se lamenter trop longtemps troublait la paix de l'âme du mort. Dans le cimetière, on dressait les pierres tombales et les stûpas face à la mer pour favoriser le retour des âmes au village."

Mais aussi comment le village survit en espérant qu'un ou plusieurs bateaux viennent s'échouer sur les côtes pour pouvoir récupérer la marchandises.
"La visite des bateaux, en évitant aux villageois de mourir de faim, était l'événement le plus heureux qui pouvait arriver, au même titre qu'une campagne de pêche exceptionnelle ou une bonne récolte de champignons ou autres végétaux dans la montagne, mais ailleurs, pour les gens des autres villages, c'était un crime passible des châtiments les plus extrêmes. Sans ces naufrages, le village aurait disparu depuis longtemps, laissant la place à une côte inhospitalière semée de rochers. Les naufrages avaient permis à leurs ancêtres de survivre sur cette terre, et les villageois se devaient de perpétuer la tradition."
Bref, les temps sont durs mais quand un bateau coule enfin, il apporte un peu d'espoir au village mais ceci ne sera que de courte durée....

J'avais découvert l'auteur avec Un été en vêtements de deuil qui m'avait déjà beaucoup plu et je dois dire que je suis à nouveau conquise par Naufrages. La plume de l'auteur est simple, plein de pudeur et de poésie.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Printemps, été, automne, hiver...et printemps”*

Un roman dur comme la pierre et d'une beauté âpre qui se lit d'une traite. Voilà encore un chef-d'oeuvre de l'immense Akira Yoshimura.
Un petit village côtier, encastré entre mer et montagne, une terre salée dans laquelle rien ne pousse et un destin qui s'en remet au hasard d'une bonne pêche ou d'un navire s'échouant sur la côte.
Telle est, au fil des saisons, la vie ou plutôt la survie de cette petite communauté de pêcheurs. Pour tous, le quotidien est rude et les enfants sont tôt mis à la tâche. Isaku n'a que 9 ans quand son père part travailler loin de sa famille. Celui-ci s'est ”vendu” pour trois ans et c'est Isaku, à présent, qui doit aller en mer pour nourrir sa mère, son frère et ses soeurs. Il est l'aîné et sa mère l'élève durement. le départ du père a signé pour Isaku la fin de l'enfance et de l'innocence. On lui demandera parfois d'entretenir le feu sur la plage pendant toute une nuit, ce feu qui n'a d'autre but que d'attirer les navires égarés dans la tempête vers les rochers afin qu'ils s'y brisent. Les villageois tuent alors les matelots et pillent la cargaison. Avec un peu de chance, il y aura de la nourriture à bord et de quoi survivre quelques saisons de plus.

La vie est un combat et chaque livre de Yoshimura semble nous délivrer ce même message: il faut accepter, accepter de perdre ce que l'on a, ceux que l'on aime. Accepter la solitude inhérente à notre condition humaine et s'y résigner. Trouver, enfin, tout au fond de soi, cette force que l'on appelle la résilience et rester vivant.

Conçu comme une succession de tableaux, donnant lieu à de splendides descriptions de la nature, ”Naufrages” est peut-être le plus esthétique des romans de Yoshimura. A la pureté des neiges hivernales, aux verts tendres du printemps, succède le flamboiement des feuillages d'automne. Les montagnes se teintent alors de rouge pour annoncer la saison des tempêtes et l'espoir des naufrages.
Le rouge au Japon est la couleur de la bonne fortune. On s'en revêt aux fêtes mais aussi pour repousser la maladie et les démons. Et plus le roman progresse, plus le rouge, telle une tâche de sang, celui des marins assassinés peut-être, s'étend sur le récit. Il est la couleur des kimonos qui amèneront l'épidémie de variole dans le village. Une couleur ”porte bonheur” qui deviendra couleur de mort. La variole, en Europe du moins, n'était-elle pas appelée vulgairement ”la maladie rouge”?
Lire ce roman en cette période de pandémie est peut-être une expérience plus forte encore, porteuse d'un message qui nous interpelle.

La dernière partie du roman nous tient en haleine et nous secoue. Ce sont la cupidité et le manque de prudence des dirigeants qui vont, comme souvent, entraîner la mort de beaucoup, en premier lieu des plus faibles, des plus innocents, des enfants.

S'il y a toujours, chez Yoshimura, un prix à payer pour ses fautes, un sacrifice à faire, ici la fin prend des airs de châtiment divin. ”A trop en vouloir on perd tout” et ”bien mal acquis ne profite jamais” sont des vieux dictons qui viennent à l'esprit du lecteur. Aussi, plus qu'un roman, ”Naufrages” est d'abord un conte moral et cruel, un récit inoubliable qui vous laisse comme un sentiment d'effroi.

Encore une fois, je tiens à souligner l'extraordinaire traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle. C'est grâce à la précision et à la délicatesse de sa plume que l'on percoit si bien le souffle poétique qui habite l'oeuvre de Yoshimura, l'un des grands maîtres (pour moi le plus grand), de la littérature japonaise.

* j'emprunte ce titre de film, en hommage au réalisateur coréen Kim Ki-Duk, décédé il y a peu de la covid 19.
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Ou le retour de karma.
Contre toute attente (surtout la mienne) je mets 4 étoiles à ce bouquin, juste parce qu'il a le mérite d'être le premier roman japonais :
1/ que j'arrive à finir,
2/ sans avoir envie de lever les yeux au ciel devant la platitude des mots, du propos, des dialogues,
3/ sans me dire que le style est ennuyeux et sans saveur,
4/ en m'intéressant à l'histoire,
5/ et même aux personnages.


Je l'ai trouvée originale et intéressante, cette histoire d'un village de pêcheurs, enclavé entre mer et montagne, tellement pauvre qu'il compte sur le naufrage de navires sur leurs récifs pour assurer sa subsistance.


Chaque jour, et au gré des saisons et des rituels qui régissent l'entièreté de leurs vie, les villageois partent pêcher en mer, cultivent le peu de céréales qui poussent à cet endroit, cueillent de quoi agrémenter leurs repas peu nourrissants ; le peu de supplément récolté ou pêché sert au commerce avec d'autres villages, difficiles d'accès dans les terres, afin d'échanger un peu de riz. Et comme cela ne suffit pas, les membres les plus robustes de la famille sont vendus à des employeurs d'autres villages, qui utilisent leur force de travail pour un nombre d'années négocié. Les plus robustes étant vendus plus cher, la famille demeure avec les moins forts, qui doivent effectuer toutes les activités de survie au village.


Le récit est plutôt bien construit, malgré une ou deux répétitions plus malhabiles, puisque les saisons se répondent en s'enchainant. Au passage, on vit avec les villageois leurs us, coutumes et croyances ancestrales : la réincarnation, les rituels pour tout et n'importe quoi, les offrandes… On se raccroche à tout ce qu'on peut, et surtout en l'espoir de jours meilleurs. Et le meilleur espoir de jours meilleurs, vu l'emplacement du village, ne va pas venir des récoltes ou de la pêche. Il ne peut venir… que de la mer. Que des bateaux qui, pris dans la tourmente d'une mer d'hiver sombre et déchaînée, viendront s'échouer sur les rochers.


Alors, les villageois pourront tout récupérer. Même si pour ça il faut, s'il y en a, tuer tous les survivants. Même si pour ça il faut, discrètement, aider le destin en allumant des feux sur la plage pour attirer les navires… Même si pour ne pas mourir de faim, il faut souhaiter la mort des autres, et même la provoquer, et la donner. Même si piller des navires de l'Etat peut coûter cher, et que l'on ne sait jamais ce que l'on trouvera, dans les autres navires. Tout ce que l'on souhaite, envers et contre tout, ce sont des naufrages. Pour le meilleur… et pour le pire, parfois !


Merci Wooter, de m'avoir aidée à sortir ce livre de ma PAL en me proposant ce défi japoniaiserie : Tu m'as fait peur avec ton 2,5/5 mais, finalement, c'était pas si terrible - c'était même assez sympa. On va quand même se laisser digérer tous ces poulpes avant de recommencer, hein !
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Dans un petit village maritime au pied des montagnes, vit Isaku, petit garçon de neuf ans, sa mère et ses frères et soeurs ; leur père est absent pour une période de trois ans, il s'est vendu, ce qui signifie qu'il est parti travailler dans un village éloigné. Ces villageois, sans ressources qui connaissent la faim, ont d'une part cette solution pour que vive le reste de la famille et d'autre part, une tradition secrète : les villageois, la nuit venue, pendant la période hivernale, allument des feux sur la plage avec l'espoir de vois s'échouer un navire. Ces navires qui transportent du riz et d'autres marchandises sont une véritable manne, un miracle qui leur assure la nourriture indispensable à leur survie.
Un roman magistral.
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