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EAN : 9782070370412
248 pages
Gallimard (19/07/1978)
3.86/5   336 notes
Résumé :
Comme tous les héros de Marguerite Yourcenar, Alexis s'interroge pour mieux comprendre le monde et mieux se comprendre lui même. Il cherche à sortir d'une situation fausse qui est l'échec de son mariage. Une longue lettre forme tout le récit où il prend sa femme à témoin du vain combat qu'il a mené contre son penchant naturel et sa vocation véritable. Le Coup de Grâce se situe dans les Pays baltes en 1919-1920. Par-delà l'anecdote de la fille qui s'offre et du garço... >Voir plus
Que lire après Alexis ou le traité du vain combat - Le coup de grâceVoir plus
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Ses mots sont des flèches qui jamais ne manquent leur cible. Sous sa plume, d'une grande précision, se dessine un véritable atlas des sentiments. Sans jamais verser dans le sentimentalisme.

Le coup de grâce, pris en étau entre le front bolchevik et celui de la baltique, renoue avec les thèmes chers à Yourcenar. de même que dans le vain combat que perd le jeune Alexis au coeur de la capitale austro-hongroise corsetée de la belle époque, Il y est question d'amour non partagé, d'amitiés particulières et de tragique.

Le personnage principal et narrateur instruit le lecteur d'une période révolue et les efforts d'objectivation du lecteur doivent être constants. Dans sa Préface, Yourcenar prévient qu'il appartient au lecteur de reconstituer, de mettre en doute, de traquer les indices au-delà de l'intermédiation du narrateur, de ses omissions qui sont des vérités et de ses aveux qui sont des mensonges.

Le style, classique, est économe, janséniste même, selon le mot de Bernard Pivot. Pas la moindre surabondance dans la syntaxe de celle qui écrit Alexis, son premier roman paru en 1928, à moins de trente ans. Les penchants, les pulsions et les pudeurs, leurs imbrications inexprimables, leurs ombres et lumières, leurs versants et leurs élans sont disséqués à coeur ouvert par cette chirurgienne des âmes avec froideur et justesse.

« Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour ». C'est ce qui fait à la fois son magnétisme, son alchimie ou à l'inverse, le manque de chaleur, le propos définitif et le sérieux vertigineux de sa plume que peuvent ressentir certains lecteurs. Cependant, une lecture attentive révèlera, tissées dans la dentelle du style, quelques pointes d'ironie.

En outre, il faut bien reconnaître que les personnages de ces deux romans ne sont pas des plus lumineux. Eric, officier allemand et balte, prisonnier de sa roideur, ne se veut pas capable d'émoi pour Sophie et tous deux finissent par s'infliger des souffrances aux accents kunderiennes ; quant au frêle Alexis, je me le figure livide, les yeux gris et les lèvres à peine rosées, ses veines bleues coulant en filigrane sous sa peau si fine (la première de couverture folio poche, une peinture d'Egon Schiele, lui offre un visage).

Si pour Eric l'histoire s'écrit désormais au passé, pour Alexis le jeu reste ouvert, et l'auteur de souligner, en songeant à une suite pour la longue lettre du vaincu, que la vie est beaucoup plus souple qu'on ne le pense lorsqu'on a vingt-quatre ans.

Mais il y a toujours chez ces personnages la volonté, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, de faire preuve d'honnêteté dans leur introspection ; c'est cette petite musique de Yourcenar qui fait vibrer une à une les cordes de nos émotions.
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Etonnante cette facilité de Marguerite Yourcenar à se glisser dans la peau de ses personnages, surtout masculins : Hadrien, Zénon, Alexis dans cet ouvrage ou Eric von Lhomond encore dans le coup de grâce.

Etonnant aussi chez elle cette faculté d'autopsier le processus de pensée de l'homme, au sens de mâle de l'espèce humaine, dans sa relation au monde, dans sa relation à l'autre. L'autre étant souvent féminin naturellement, mais pas seulement, tel Antinous pour Hadrien.

Son approche des sentiments est très intellectualisée, un peu trop même. Elle lui confère une froideur presque scientifique. Cette maîtrise imposée ôte à mon sens à l'expression du sentiment sa spontanéité, sa sensualité qui donne de la chaleur à l'épanchement amoureux. Comme elle le dit elle-même : "Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour".

Il est beaucoup question d'états d'âme de la part de ses héros dans l'évocation de ce combat qu'est la vie, en quête de plénitude plus que du bonheur, estampillé trop convenu. Ces personnages évoluent dans un univers écartelé entre les aspirations du corps, certes bien gouvernées, les convenances imposées par le milieu social et l'élévation intellectuelle, seule à pouvoir supprimer les barrières qui cloisonnent nos sociétés. On verse toutefois peu dans les croyances. le spirituel est trop hasardeux.

Mais la maîtrise de la langue vient au secours de cette analyse quelque peu déprimante. Pas un mot superflu, chacun est lourd de signification. Pas une phrase creuse. Pas un paragraphe qui ne soit construit. La syntaxe de Marguerite Yourcenar, qu'elle façonne en orfèvre, est l'escabeau qu'elle place sous nos pieds pour accéder à la puissance de son univers sémantique.
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Ce livre débute par un roman intitulé « Alexis ou le traité du vain combat », celui que Marguerite Yourcenar a écrit à vingt-quatre ans, soit le même âge que le personnage éponyme, Alexis. Ne comptabilisant qu'une centaine de pages, il est représentatif de la retenue, de la sobriété mais également de la finesse dont est empreinte l'écriture du narrateur.

Car lorsqu'il entreprend d'écrire une lettre explicative après son départ, c'est bien Alexis le narrateur ; quant au destinataire, Monique, il s'agit de la femme avec laquelle il est uni par ce qui n'est pas un mariage d'amour ; Alexis étant homosexuel. Dans cette lettre, Alexis reconstitue son histoire personnelle en commençant naturellement par le passé ; il raconte alors qu'il est entouré de la présence rassurante des femmes, celles-ci occupant une place privilégiée dans son éducation. On apprend ensuite qu'il combat ses désirs qu'il juge criminels et que, « contaminés par eux », il choisit de quitter le domicile familial afin de ne pas les révéler à sa mère, pieuse de surcroît. L'action de fuir le domicile va donc de pair avec l'action de fuir ses « désirs malsains ».

Dans ce contexte où il est en proie à un sentiment de culpabilité toujours plus fort, Alexis trouve néanmoins une échappatoire dans son activité de musicien ; en effet, la musique lui permet d'exprimer les sentiments complexes sur lesquels il ne saurait mettre de mots ou, plus exactement dans son cas, les sentiments qu'il réprime au quotidien.

Au final, par le biais D Alexis, nous apprenons les conséquences multiples qu'entraînaient le fait d'être homosexuel au début du XXème ; en l'occurrence, Alexis se voit contraint d'abandonner une femme admirable pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais qu'il perçoit davantage comme sa mère que comme une vraie épouse. En découle à nouveau un sentiment de culpabilité, même si Alexis se justifie par une phrase pertinente vers la fin : « j'aime encore mieux la faute (si c'en est une) qu'un déni de soi si proche de la démence ».

Quant au deuxième roman, le sujet n'est pas aussi original (pour l'époque) et même assez éculé (une tragédie amoureuse) : dans le cadre de la guerre civile russe, une jeune femme s'appelant Sophie va être prise d'une passion Racinienne pour Eric, un officier qui, en comparaison du feu que symbolise la passion de Sophie, semble avoir un coeur de glace. Par rapport à Alexis, on a bien un fil rouge avec la thématique de l'homosexualité, puisqu'Eric incarne un militaire proche de son compagnon de guerre, Conrad qui est aussi le frère de Sophie. Aussitôt, la frontière entre la camaraderie entre guerriers et l'amour est ténue, comme le veut la tradition de l'antiquité grecque avec Achille et Patrocle par exemple. Par ailleurs, chez Yourcenar, cela rappelle un peu la relation d'Hadrien et d'Antinoüs dans les mémoires d'Hadrien.

Enfin, voilà, ce livre ne témoigne pas autant de l'érudition de Yourcenar que « les mémoires d'Hadrien », mais il s'avère néanmoins intelligent dans la façon dont il traite de la condition de l'homosexuel au XXème.
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Une PLUIE d'étoiles pour cette oeuvre de haute volée.

Yourcenar, unique, offre ici son premier roman. Elle a une vingtaine d'années lorsque lui vient ce récit, Alexis en est le narrateur. Il rédige une lettre d'une centaine de feuillets où il livre ses secrets sans jamais les nommer.

L'attachement à cette pudeur trouve probablement son explication dans la préface de Yourcenar quand elle affirme :"l'obscénité s'use vite, forçant l'auteur qui l'utilise à des surenchères plus dangereuses encore pour la vérité que les sous entendus d'autrefois. La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et reste facilement compatible avec un certain conformisme ". A méditer !

Alexis, jeune époux et jeune père, livre une lettre d'adieux à sa tendre épouse Monique, qu'il considère d'ailleurs plutôt comme une soeur. Il reprend le fil de son enfance, de sa jeunesse, puis de sa vie de jeune homme pour expliquer à sa femme la raison de son départ (son homosexualité) sans jamais la nommer, et annoncer la forme de son départ (sans jamais l'expliciter).

Ce roman est merveilleusement écrit: tout en douceur, sans colère, avec une humanité à l'opposé de la mièvrerie. le personnage d'Alexis, est une pierre précieuse défait de sa gangue de violence.

Il demande pardon, non pas pour son départ mais d'être resté trop longtemps !!!

De la littérature comme on en lit TRES rarement. Yourcenar honore l'humanité, répare, même si la tragédie se dessine parfois sous sa plume.

Yourcenar, en reine de la littérature, dans mon panthéon. ASSURÉMENT ! .

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Deux courts romans sont réunis dans ce livre.
Alexis ou le Traité du Vain Combat est une longue lettre de rupture qu'adresse Alexis Gera à son épouse Monique. Malgré toutes les circonvolutions on comprend très vite la cause de cette rupture à laquelle Alexis ne donne jamais de nom. Aujourd'hui on appellerait ça un coming out. Pour essayer de se faire comprendre Alexis raconte sa vie, son enfance, ses années au collège, son éveil à la sexualité, sa carrière de musicien. Une vie personnelle bien sûr, et c'est certainement outrepasser les intentions de Marguerite Yourcenar que de chercher dans cette vie des explications générales à l'homosexualité, de faire D Alexis un archétype. Pourtant, quand on raconte une vie, on ne raconte que des acquisitions, et il se trouve que cette vie D Alexis est marquée par une relation privilégiée avec les femmes qui l'entouraient dans son enfance et en particulier avec sa mère. Dans la préface, écrite des années plus tard, Marguerite Yourcenar émet cependant des réserves sur cette explication. Et d'ailleurs, tout le long de cette lettre, Alexis ne prétend pas expliquer mais essaye simplement de se faire comprendre. Aussi, quand il évoque cette homosexualité, il parle d'instinct et même d'une « raison physiologique ». Alexis est également imprégné par la morale catholique et tout le vain combat qui est évoqué dans le titre est celui de l'âme contre le corps. Cette lettre de rupture, l'aveu D Alexis, celui de n'avoir jamais aimé, est le témoignage que l'esprit et le corps, aux aspirations parfois contraires, sont inséparables et que réprimer ses instincts c'est aussi étouffer son âme. La fin du roman contient aussi des vues assez pénétrantes sur le mariage sans amour. L'écriture est sobre et un peu fanée, comme pourrait l'être celle du dernier rejeton d'une vieille famille aristocratique. Bizarrement, on ne rencontre aucun homme dans cette lettre, toutes les relations homosexuelles sont passées sous silence. Par contre, quelques belles lignes sont consacrées aux femmes.
Le coup de Grâce est un roman aux allures plus traditionnelles, une histoire d'amour qui se passe aussi en Europe l'Est, durant la guerre russo-polonaise de 1920. Eric von Lhomond, un jeune officier au caractère froid, confinant à la cruauté, raconte, quelques années plus tard, l'amour non partagé que Sophie lui porte, alors que la guerre fait rage. Sophie étant la soeur de son meilleur ami d'enfance, Conrad. Eric ne cesse d'être admiratif de Sophie, toute son attention est portée sur elle, sur les évènements auxquels elle a dû faire face, sur ses sentiments, ses réactions, mais il n'avoue que du bout des lèvres ses propres motivations. Un roman qui mériterait une relecture, en se focalisant non pas sur ce que le narrateur raconte mais sur la manière dont il le raconte et surtout sur ce qu'il ne dit pas. La fin est vraiment terrible.
Les personnages de ces deux romans ont été inspirés par le couple Jeanne et Conrad von Vietinghoff. Un couple qui a eu beaucoup d'importance dans la vie de Marguerite Yourcenar, Jeanne lui ayant servi un peu de mère de substitution. Il y a donc une unité de lieu (Europe de l'Est) et de temps (années 1920) qui rassemble ces deux romans. Une unité de sujet également. Des sujets qui se répondent et se démodent difficilement, comme le traitement qui en est fait ou l'écriture. Classique, littéraire, une suite de phrases sublimes (surtout dans Alexis), avec assez peu d'innovations. le genre de romans irréprochables, sans véritable surprise dans la forme, mais toujours agréables à lire.
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Citations et extraits (114) Voir plus Ajouter une citation
Notre rôle, dans la vie de famille, est fixé une fois pour toutes, par rapport à celui des autres. On est le fils, le frère, le mari, que sais-je? Ce rôle nous est particulier comme notre nom, l'état de santé qu'on nous suppose, et les égards qu'on doit ou ne doit pas nous montrer. Le reste n'a pas d'importance ; le reste, c'est notre vie. J'étais à table, ou bien dans un salon paisible ; j'avais des instants d'agonie, où je me figurais mourir ; je m'étonnais qu'on ne le vît pas. Il me semble alors que l'espace entre nous et les nôtres devienne infranchissable : on se débat dans la solitude comme au centre d'un cristal.
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Cher Dieu, quand mourrai-je?... Monique, vous vous rappelez ces paroles? Elles sont au commencement d'une vieille prière allemande. Je suis fatigué de cet être médiocre, sans avenir, sans confiance en l'avenir, de cet être que je suis bien forcé d'appeler Moi, puisque je ne puis m'en séparer. Il m'obsède de ses tristesses, de ses peines ; je le vois souffrir, - et je ne suis même pas capable de le consoler. Je suis certes meilleur que lui, je puis parler de lui comme je le ferais d'un étranger ; je ne comprends pas quelles raisons m'en font le prisonnier. Et le plus terrible peut-être, c'est que les autres ne connaîtront de moi que ce personnage en lutte avec la vie. Ce n'est même pas la peine de souhaiter qu'il meure, puisque, lorsqu'il mourra, je mourrai avec lui.
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Woroïno était plein d'un silence qui apparaissait toujours plus grand, et tout silence n'est fait que de paroles qu'on n'a pas dites. C'est pour cela peut-être que je devins un musicien. Il fallait quelqu'un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu'il contenait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter. Il fallait qu'il ne se servit pas des mots, toujours trop précis pour n'être pas cruels, mais simplement de la musique, car la musique n'est pas indiscrète, et, lorsqu'elle se lamente, elle ne dit pas pourquoi. Il fallait une musique d'une espèce particulière, lente, pleine de longues réticences et cependant véridique, adhérant au silence et finissant par s'y laisser glisser. Cette musique c'était la mienne. Vous voyez bien que je ne suis qu'un exécutant, je me borne à traduire. Mais on ne traduit que son trouble: c'est toujours de soi-même qu'on parle.
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La mémoire des femmes ressemble à ces tables anciennes dont elles se servent pour coudre. Il y a des tiroirs secrets ; il y en a, fermés depuis longtemps et qui ne peuvent s'ouvrir, il y a des fleurs séchées qui ne sont plus que de la poussière de roses ; des écheveaux emmêlés, quelquefois des épingles. La mémoire de Marie était très complaisante ; elle devait lui servir à broder son passé.
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Le plaisir est trop éphémère, la musique ne nous soulève un moment que pour nous laisser plus tristes, mais le sommeil est une compensation. Même lorsqu'il nous a quittés, il nous faut quelques secondes pour recommencer à souffrir ; et l'on a, chaque fois qu'on s'endort, la sensation de se livrer à un ami. Je sais bien que c'est un ami infidèle, comme tous les autres ; lorsque nous sommes trop malheureux il nous abandonne aussi. Mais nous savons qu'il reviendra tôt ou tard, peut-être sous un autre nom, et que nous finirons par reposer en lui. Il est parfait quand il est sans rêves ; on pourrait dire que, chaque soir, il nous réveille de la vie.
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Savez-vous qui fut la première femme à entrer à l'Académie française ? Indice : c'était en 1980, et sur la très forte recommandation de Jean d'Ormesson.
« Mémoires d'Hadrien », de Marguerite Yourcenar, c'est à lire en poche chez Folio.
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