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Ses mots sont des flèches qui jamais ne manquent leur cible. Sous sa plume, d'une grande précision, se dessine un véritable atlas des sentiments. Sans jamais verser dans le sentimentalisme.

Le coup de grâce, pris en étau entre le front bolchevik et celui de la baltique, renoue avec les thèmes chers à Yourcenar. de même que dans le vain combat que perd le jeune Alexis au coeur de la capitale austro-hongroise corsetée de la belle époque, Il y est question d'amour non partagé, d'amitiés particulières et de tragique.

Le personnage principal et narrateur instruit le lecteur d'une période révolue et les efforts d'objectivation du lecteur doivent être constants. Dans sa Préface, Yourcenar prévient qu'il appartient au lecteur de reconstituer, de mettre en doute, de traquer les indices au-delà de l'intermédiation du narrateur, de ses omissions qui sont des vérités et de ses aveux qui sont des mensonges.

Le style, classique, est économe, janséniste même, selon le mot de Bernard Pivot. Pas la moindre surabondance dans la syntaxe de celle qui écrit Alexis, son premier roman paru en 1928, à moins de trente ans. Les penchants, les pulsions et les pudeurs, leurs imbrications inexprimables, leurs ombres et lumières, leurs versants et leurs élans sont disséqués à coeur ouvert par cette chirurgienne des âmes avec froideur et justesse.

« Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour ». C'est ce qui fait à la fois son magnétisme, son alchimie ou à l'inverse, le manque de chaleur, le propos définitif et le sérieux vertigineux de sa plume que peuvent ressentir certains lecteurs. Cependant, une lecture attentive révèlera, tissées dans la dentelle du style, quelques pointes d'ironie.

En outre, il faut bien reconnaître que les personnages de ces deux romans ne sont pas des plus lumineux. Eric, officier allemand et balte, prisonnier de sa roideur, ne se veut pas capable d'émoi pour Sophie et tous deux finissent par s'infliger des souffrances aux accents kunderiennes ; quant au frêle Alexis, je me le figure livide, les yeux gris et les lèvres à peine rosées, ses veines bleues coulant en filigrane sous sa peau si fine (la première de couverture folio poche, une peinture d'Egon Schiele, lui offre un visage).

Si pour Eric l'histoire s'écrit désormais au passé, pour Alexis le jeu reste ouvert, et l'auteur de souligner, en songeant à une suite pour la longue lettre du vaincu, que la vie est beaucoup plus souple qu'on ne le pense lorsqu'on a vingt-quatre ans.

Mais il y a toujours chez ces personnages la volonté, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, de faire preuve d'honnêteté dans leur introspection ; c'est cette petite musique de Yourcenar qui fait vibrer une à une les cordes de nos émotions.
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Etonnante cette facilité de Marguerite Yourcenar à se glisser dans la peau de ses personnages, surtout masculins : Hadrien, Zénon, Alexis dans cet ouvrage ou Eric von Lhomond encore dans le coup de grâce.

Etonnant aussi chez elle cette faculté d'autopsier le processus de pensée de l'homme, au sens de mâle de l'espèce humaine, dans sa relation au monde, dans sa relation à l'autre. L'autre étant souvent féminin naturellement, mais pas seulement, tel Antinous pour Hadrien.

Son approche des sentiments est très intellectualisée, un peu trop même. Elle lui confère une froideur presque scientifique. Cette maîtrise imposée ôte à mon sens à l'expression du sentiment sa spontanéité, sa sensualité qui donne de la chaleur à l'épanchement amoureux. Comme elle le dit elle-même : "Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour".

Il est beaucoup question d'états d'âme de la part de ses héros dans l'évocation de ce combat qu'est la vie, en quête de plénitude plus que du bonheur, estampillé trop convenu. Ces personnages évoluent dans un univers écartelé entre les aspirations du corps, certes bien gouvernées, les convenances imposées par le milieu social et l'élévation intellectuelle, seule à pouvoir supprimer les barrières qui cloisonnent nos sociétés. On verse toutefois peu dans les croyances. le spirituel est trop hasardeux.

Mais la maîtrise de la langue vient au secours de cette analyse quelque peu déprimante. Pas un mot superflu, chacun est lourd de signification. Pas une phrase creuse. Pas un paragraphe qui ne soit construit. La syntaxe de Marguerite Yourcenar, qu'elle façonne en orfèvre, est l'escabeau qu'elle place sous nos pieds pour accéder à la puissance de son univers sémantique.
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Une PLUIE d'étoiles pour cette oeuvre de haute volée.

Yourcenar, unique, offre ici son premier roman. Elle a une vingtaine d'années lorsque lui vient ce récit, Alexis en est le narrateur. Il rédige une lettre d'une centaine de feuillets où il livre ses secrets sans jamais les nommer.

L'attachement à cette pudeur trouve probablement son explication dans la préface de Yourcenar quand elle affirme :"l'obscénité s'use vite, forçant l'auteur qui l'utilise à des surenchères plus dangereuses encore pour la vérité que les sous entendus d'autrefois. La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et reste facilement compatible avec un certain conformisme ". A méditer !

Alexis, jeune époux et jeune père, livre une lettre d'adieux à sa tendre épouse Monique, qu'il considère d'ailleurs plutôt comme une soeur. Il reprend le fil de son enfance, de sa jeunesse, puis de sa vie de jeune homme pour expliquer à sa femme la raison de son départ (son homosexualité) sans jamais la nommer, et annoncer la forme de son départ (sans jamais l'expliciter).

Ce roman est merveilleusement écrit: tout en douceur, sans colère, avec une humanité à l'opposé de la mièvrerie. le personnage d'Alexis, est une pierre précieuse défait de sa gangue de violence.

Il demande pardon, non pas pour son départ mais d'être resté trop longtemps !!!

De la littérature comme on en lit TRES rarement. Yourcenar honore l'humanité, répare, même si la tragédie se dessine parfois sous sa plume.

Yourcenar, en reine de la littérature, dans mon panthéon. ASSURÉMENT ! .

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Ce sont deux nouvelles très différentes que l'on découvre dans ce livre. Dans Alexis, écrit sous la forme d'une lettre adressée à sa femme Monique, on découvre les raisons qui font qu'Alexis quitte Monique. Petit aparté, la connotation des prénoms est marquante. Pouvez vous imaginer une héroïne s'appelant Monique dans un roman actuel… difficile non ? Enfin bref Alexis écrit à Monique. Et nous sommes au siècle dernier. Il se trouve qu'Alexis aime bien Monique mais préfère les hommes. Et qu'au siècle dernier, cela n'était pas facile à vivre. Alors cette lettre est toute en délicatesse. Alexis tente d'expliquer, de rationaliser, de comprendre, de justifier ce qui lui arrive. Même si parfois on a du mal avec certaines justifications (genre la maman serait en partie responsable) …
C'est très bien écrit. On compatit à la fois avec Alexis qui vit un enfer du fait de ses préférences sexuelles mais aussi avec Monique qui n'y est pour rien. Sachant que Yourcenar n'avait que 24 ans lorsque cette nouvelle a été rédigée, on ne peut que s'incliner. Quel talent !


La seconde nouvelle est plus conventionnelle. Erich est un officier allemand qui raconte l'histoire de son non-attachement vis-à-vis de la soeur de son meilleur ami Conrad (pour lequel on peut penser que ses sentiments ne sont pas seulement amicaux). Cette soeur est très amoureuse d'Erich. Mais Erich est un homme qui a peu de sentiments et de convictions. Ce qu'il reconnait aisément. Et la situation qui aurait pu n'être qu'un malheureux incident va empirer car c'est la guerre. Une guerre, pré seconde guerre mondiale dans les états baltes. La situation va tourner au drame. Cette nouvelle, quoique bien écrite, m'a parue très noire, trop tragique. Mais par contre quel style !
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Dire que l'écriture est magistrale, est-ce utile? OUI, et mille fois OUI, pour que tous ceux qui comme moi n'avaient lu que quelques extraits de son oeuvre lisent ces deux nouvelles. Cette lecture fut un régal et un émerveillement, lorsqu'on réalise qu'une si jeune fille pût écrire "Alexis ou le traité du vain combat": la longue lettre-confession d'un époux à sa femme, par laquelle il se confie et explique pourquoi il la quitte. Splendide.
La deuxième m'a également saisie et émue: le destin de deux êtres, faits pour se rencontrer mais sans y parvenir, avec la terrible guerre civile russe de 1919 comme toile de fond.
LA littérature dans ce qu'elle a d'exceptionnel.
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C'est un livre étonnant - parce qu'il a été écrit en seulement 18 jours; aussi que par le fait que son auteur était une auteure débutante de vingt-quatre ans, et le roman étonne par sa profondeur et la connaissance de la vie ...

L'intrigue du roman est la confession d'un coeur souffrant, et peu importe qu'il s'agisse des penchants vicieux d'une personne qui a renoncé à une alliance prolongée avec sa femme pour se livrer aux plaisirs auxquels les instincts mènent ce malheureux Alexis, le protagoniste de la narration. Il expose sa propre âme au lecteur, évalue sans pitié ses actions et n'essaie pas de se justifier, admettant sa dépravation et expliquant pourquoi il a fait ce choix - arrêter de se battre avec sa propre nature et s'éloigner d'une existence mesurée dans le mariage.

Le roman represente une lettre du héros à sa femme qu'il quitte. Mais il me semble que l'intrigue est secondaire ici. L'important est que les émotions d'Alexis soient en phase avec ce que les gens vivent face à des déceptions dans la vie, et la forme littéraire de l'histoire d'Alexis est impeccable.

Il est très difficile d'atteindre ce niveau de passion et de franchise, d'écrire pour ceux qui lisent avec leur coeur. L'un des meilleurs livres jamais lus.
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Ce livre débute par un roman intitulé « Alexis ou le traité du vain combat », celui que Marguerite Yourcenar a écrit à vingt-quatre ans, soit le même âge que le personnage éponyme, Alexis. Ne comptabilisant qu'une centaine de pages, il est représentatif de la retenue, de la sobriété mais également de la finesse dont est empreinte l'écriture du narrateur.

Car lorsqu'il entreprend d'écrire une lettre explicative après son départ, c'est bien Alexis le narrateur ; quant au destinataire, Monique, il s'agit de la femme avec laquelle il est uni par ce qui n'est pas un mariage d'amour ; Alexis étant homosexuel. Dans cette lettre, Alexis reconstitue son histoire personnelle en commençant naturellement par le passé ; il raconte alors qu'il est entouré de la présence rassurante des femmes, celles-ci occupant une place privilégiée dans son éducation. On apprend ensuite qu'il combat ses désirs qu'il juge criminels et que, « contaminés par eux », il choisit de quitter le domicile familial afin de ne pas les révéler à sa mère, pieuse de surcroît. L'action de fuir le domicile va donc de pair avec l'action de fuir ses « désirs malsains ».

Dans ce contexte où il est en proie à un sentiment de culpabilité toujours plus fort, Alexis trouve néanmoins une échappatoire dans son activité de musicien ; en effet, la musique lui permet d'exprimer les sentiments complexes sur lesquels il ne saurait mettre de mots ou, plus exactement dans son cas, les sentiments qu'il réprime au quotidien.

Au final, par le biais D Alexis, nous apprenons les conséquences multiples qu'entraînaient le fait d'être homosexuel au début du XXème ; en l'occurrence, Alexis se voit contraint d'abandonner une femme admirable pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais qu'il perçoit davantage comme sa mère que comme une vraie épouse. En découle à nouveau un sentiment de culpabilité, même si Alexis se justifie par une phrase pertinente vers la fin : « j'aime encore mieux la faute (si c'en est une) qu'un déni de soi si proche de la démence ».

Quant au deuxième roman, le sujet n'est pas aussi original (pour l'époque) et même assez éculé (une tragédie amoureuse) : dans le cadre de la guerre civile russe, une jeune femme s'appelant Sophie va être prise d'une passion Racinienne pour Eric, un officier qui, en comparaison du feu que symbolise la passion de Sophie, semble avoir un coeur de glace. Par rapport à Alexis, on a bien un fil rouge avec la thématique de l'homosexualité, puisqu'Eric incarne un militaire proche de son compagnon de guerre, Conrad qui est aussi le frère de Sophie. Aussitôt, la frontière entre la camaraderie entre guerriers et l'amour est ténue, comme le veut la tradition de l'antiquité grecque avec Achille et Patrocle par exemple. Par ailleurs, chez Yourcenar, cela rappelle un peu la relation d'Hadrien et d'Antinoüs dans les mémoires d'Hadrien.

Enfin, voilà, ce livre ne témoigne pas autant de l'érudition de Yourcenar que « les mémoires d'Hadrien », mais il s'avère néanmoins intelligent dans la façon dont il traite de la condition de l'homosexuel au XXème.
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Ce roman est constitué de deux histoires courtes : Alexis et le coup de grâce.

Alexis : roman épistolaire. Il s'agit d'une longue, très longue lettre destinée à Monique, sa femme. Il lui explique pourquoi cette rupture. La plume est très pudique, rien n'est dit clairement mais tout est suggéré.
Quand Bernard Pivot interrogera l'autrice sur le pourquoi d'un tel choix, elle répondra tout simplement : "parce que je n'aime pas mettre des étiquettes" .

Le coup de grâce : C'est l'histoire d'un amour non partagé. Sophie tombe amoureuse d'Erich, officier prussien pendant la guerre civile Russe. Celui-ci, pourtant ému par cet amour, rejettera la jeune femme. Mais son attachement pour son frère, Conrad l'obligera à la fréquenter et être témoin de cet amour qui ne cessera de grandir.
Encore une fois, si les sentiments de Sophie sont clairs, ceux d'Erich sont dissimulés et suggérés... Apparaît alors un homme froid, voire cynique.

Ce livre était mon tout premier roman de Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'académie française en 1980. Quand je referme le livre, je constate qu'il regorge de post-it !! Des phrases sublimes, des extraits touchants et surtout des passages qui m'ont profondément émue ... Excellente lecture donc !
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Un lent crescendo. Ou plutôt, pour la lectrice de cette longue lettre, une lente descente aux enfers. Lente mais inexorable... jusqu'à ce moment, où, brutalement, est annoncée comme évidence, sans plus de précaution: "le bonheur n'est pas venu, Monique".
Un nouveau clou est planté une page plus loin: "je cherche à revivre, le plus exactement possible, les semaines qui menèrent aux fiançailles, Monique, ce n'est pas facile. Je dois éviter les mots de bonheur ou d'amour, car enfin, je ne vous ai pas aimée."
Au delà même de l'amour du bonheur, les instants de prière en semble sont saccagés par un brutal: nous nous forcions aux pratique d'une dévotion exaltée". Et Dieu ne sera pas un recours: "ceux auxquels tout manques'appuient sur Dieu, et c'est à ce moment que Dieu leur manque aussi"

Descente au enfers: c'est confirmé! Elle est rendue plus poignante par le style souple, fluide, "l'acoustique du livre" qui est mentionnée en préface.
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Deux histoires différentes qui se rejoignent dans le thème: le malaise dans les relations amoureuses dans les années vingt. A l'époque, l'éducation de la petite noblesse enseignait des idéaux et ne permettait pas d'être différent.

La première histoire est une longue lettre D Alexis à Monique, dans laquelle il essaye d'expliquer leur mariage raté.

Dans le coup de grâce, Eric raconte ses relations difficiles et ambiguës avec Sophie durant la guerre civile qui a suivi la révolution russe dans les pays Baltes.

Ce qui fait la beauté du livre, ce sont les mots toujours si justes de Marguerite Yourcenar. Rien n'est dit et tout est dit à la fois. Il suffit juste de déguster le texte pour comprendre ses messages.
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