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Yourcenar l'explique assez vite à son lecteur : le souvenir pieux est un petit feuillet à glisser dans un missel et invitant, parmi quelques citations tirées des Écritures, à se souvenir devant Dieu d'un défunt ou d'une défunte. Tel est en somme le principe de son livre tout entier. Mais s'il y a ici de la piété, elle tourne le dos à la bondieuserie pour n'être que familiale, sans exclure d'ailleurs l'esprit critique, ni même une touche corrosive souvent savoureuse.

Avant d'être le portrait d'une famille, c'est celui d'une époque et d'une société, et même de la bonne société : l'aristocratie et la bourgeoisie industrielle de Belgique, au tournant des XIXème et XXème siècles. Souvenirs pieux tient ainsi à la fois du portrait de caractères, de la chronique sociale, de l'essai et de l'autobiographie. Yourcenar n'y cache ni son affection ni ses moqueries, voire plus rarement sa détestation d'un personnage. Elle ne dissimule rien non plus de ses questions de petite fille, à l'époque des faits, ou de vieille dame lorsqu'elle écrit ce texte. Il y a un dialogue permanent entre ce qu'était le monde de ce temps-là et celui qu'il a enfanté par la suite. le livre se transforme même parfois en une charge virulente contre l'idéologie du progrès qui a gouverné tout le XXème siècle avec les éclatants triomphes que l'on sait. L'auteure prend le parti de la liberté contre les conformismes, de l'harmonie du monde contre son exploitation effrénée, de la nature et de l'animal contre l'arrogance humaine. Pas trace de militantisme dans son propos, mais une délicate broderie de notations et de rapprochements, dessinant peu à peu une morale que je trouve admirable.

Certes, le lecteur se perd parfois dans les ramifications et les enchevêtrements de cette famille. L'architecture du livre favorise d'ailleurs cet égarement, en invitant à la flânerie et à la rêverie plutôt qu'à l'exploration sèche et méthodique d'archives parcellaires. Yourcenar n'a pas voulu que l'on confonde son oeuvre avec une austère entreprise de généalogiste : l'objet n'est pas pour elle de tracer au cordeau un réseau de filiations ou d'héritages, mais de redonner vie et souffle à quelques figures de son enfance ou de sa mythologie familiale, en des histoires émouvantes qui atteignent à l'universel. On mesure la nature de l'exploit, tant les histoires de famille sont en général aussi incompréhensibles que dénuées d'intérêt, dès lors que ce sont celles des autres. Mais voilà, c'est tout simple : ce qu'écrit Marguerite Yourcenar n'appartient pas au monde des autres.
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Dans Souvenirs pieux, Madame Yourcenar nous offre, de sa belle écriture, la vie romancée de sa branche maternelle.

Roman à structure fermée, il débute sur la naissance de l'écrivaine et le trépas de sa mère, quatorze jours plus tard. Ce qui amènera l'envoi d'un souvenir pieux, faire-part de décès agrémenté de versets de la Bible et d'un texte précisant la félicité de la défunte à rejoindre le Seigneur. le livre s'achève par les chapitres relatant la jeunesse et la vie de sa mère jusqu'à son mariage.

Entre ces deux parties, Marguerite Yourcenar décrit la généalogie maternelle en insistant pendant de longs chapitres sur deux de ses grands oncles, Octave Pirmez et son frère Fernand, dit Rémo.

Octave est un auteur belge, qui fut reconnu tardivement dans son pays. Très proche de son frère, il écrira sur sa vie pour lui rendre hommage. Car Fernand est un être passionné, typique du XIXème siècle. Il s'enflamme pour les nouvelles idéologies, progrès, liberté, socialisme, continuations de celles de la Révolution française. Dans ce milieu aristocratique et catholique, Fernand n'est pas accepté. Seul Octave le soutiendra, bien que pris dans son carcan social. Fernand se suicidera, « avec un pistolet qu'il ne savait pas armé », comme l'affirmera la famille soucieuse des qu'en-dira-t-on. Ces deux personnages typiques et presque romantiques influenceront l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, d'où ces passages très longs sur eux mais qui s'expliquent.

Souvenirs pieux permet à l'écrivaine de nous faire découvrir ce qui finalement constituera l'essence de sa production littéraire. Elle cherche également à montrer que la vie est loin d'être un chemin rectiligne, qu'elle est faite d'impasses et de longs trajets de contournements. Est-ce la raison pour laquelle Souvenirs pieux appartient à un triptyque appelé le Labyrinthe du monde ? Possible.

C'est un beau roman que nous propose l'auteure, pas le meilleur, mais que je conseille, ne serait-ce que pour l'écriture et la profondeur de la culture de cette grande dame qu'était Marguerite Yourcenar.
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Ce premier tome de la trilogie du Labyrinthe du Monde n'est pas le roman le plus connu de Marguerite Yourcenar. Il ne l'est pas du tout d'ailleurs, et s'est bien dommage. Un examen en surface mené par un lecteur pressé ne donne pas franchement envie de le lire. L'auteure – est-il besoin de rappeler qu'il s'agit de la première académicienne ? - se livre à une sorte de biographie rétrospective de sa famille maternelle.
Prenant pour point de départ sa naissance, elle se livre à un exercice ardu : retracer le parcours de plusieurs générations à l'affût de documents épars. Certes, il ne s'agit pas de n'importe quelle famille entre une petite noblesse et une bonne bourgeoisie. le cadre belge ne paraît que peu intéressant... et pourtant. Elle s'attache à une période cible : la naissance de cet État sans Nation. La démarche est originale car avec un souci généalogique et quelque peu historien, l'auteure veut nous plonger dans une époque et un milieu. le contexte livré par de petites esquisses narratives disséminées ça et là. Il est présent sans prendre la première place.
La romancière nous livre un panorama familial sans complaisance se livrant à une critique acerbe teintée de respect (encore que...). Mais bien au delà d'une réflexion sur des temps passés elle nous livre par petites touches l'esquisse d'une pensée qui est ancrée dans notre actualité contemporaine : l'écologie, la place de l'humanité, le rôle des femmes dans la société, le conformisme. le caractère de cette oeuvre est particulier, facile d'accès (le style Yourcenar) et mérite à être connu. Plus qu'à lire la suite. Encore que le lecteur satisfait pourra aisément s'arrêter à la fin de ce roman (qui se conçoit comme une oeuvre à part entière).
Lien : http://kriticon.over-blog.com
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A souffrance égale tout au long de leur vie, Marguerite Yourcenar aurait-elle eu moins de compassion à l'égard des hommes que pour les animaux. Sans doute rend-elle les premiers responsables des dommages irréversibles que subit la nature pour les envelopper de cet humanisme froid qui se fige dans ses lignes. En ce début de vingtième siècle qui connaîtra l'explosion d'un tourisme de masse, aussi dévastateur pour les paysages du monde que l'est l'industrialisation, elle se confirme dans ses ouvrages comme un précurseur de l'écologie. Les passages évoquant le parcours des bovins vers l'abattoir ou encore l'origine de l'ivoire dans lequel est ciselé un crucifix sont éloquents.

Cette froideur lui fait parler d'elle à la troisième personne, en spectatrice de son enfance. "L'être que j'appelle moi vient au monde un lundi 8 juin 1903 …" Elle lui fait affirmer ne pas regretter de n'avoir pas connu sa mère. Tout au long de cet ouvrage, elle ne l'appellera jamais que par son prénom : Fernande.

On ne choisit pas sa famille comme on peut le faire des héros de ses romans. Elle déclare plus volontiers son amour, certes chaste et fraternel, à ces derniers. Quand on est écrivain de grand talent, à l'érudition culminante, on peut les modeler à son goût, les mener selon ses lubies, leur faire dire et les faire agir à dessein pour développer les thèses de sa conviction. Alors, ceux qui vous servent si bien, au premier rang desquels Zénon, peuvent se voir gratifié de préférence. Au détriment de parents de tous degrés à qui on peut reprocher d'avoir été affublés de trop de défauts, d'avoir été trop humains en somme.

Souvenir pieux est un regard rétrospectif sur cette famille nombreuse dont Marguerite Yourcenar est issue. Elle offre à tous ces êtres, qu'elle a peu ou pas connus, une nouvelle sépulture en les couchant dans ses pages. Son humanisme froid a malgré tout le souci de l'équité. Autant que tous ceux que l'histoire a conservé dans sa mémoire, en particulier depuis que l'écriture nous en rapportent leur propos, que Marguerite Yourcenar connaît mieux que quiconque, les êtres simples ont le droit de sortir de l'indifférence dans laquelle la mort les a plongés. Souvenirs pieux veut réparer cette injustice faite à ceux qui n'auront pas éclairé l'histoire, fût-elle "la très petite histoire", de leur nom. Les gens simples ont aussi leur complexité, même si elle ne s'est pas exprimée par un talent reconnu. Elle donnera cependant, sans doute par confraternité, la prime à ceux de ses antécédents qui auront noirci quelques pages de leurs traits de pensées, tel l'oncle Octave. Mais, en boulimique d'archives perfectionniste qu'elle est, elle l'apprécie toutefois plus comme témoin du passé que comme philosophe.

Marguerite Yourcenar ou la maîtrise du savoir dire. Savoir dire les choses sans faux fuyant, sans faux semblant, et surtout sans jugement. Sauf peut-être la réprobation implicite qui n'échappe pas au lecteur à l'égard de ceux qui déciment la gente animale sans nécessité de survie. Ce savoir dire, délivré du louvoiement qu'impose le plus souvent la faiblesse, a toutefois la contre partie de la froideur quelque peu professorale de l'objectivité.

A consommer sans modération pour la qualité de cette langue qui colporte dans ses phrases une érudition à vous rendre honteux. A consommer aussi pour rejoindre les rangs de ceux qui déplorent que la prospérité de l'homme aille de pair avec la ruine de son environnement.

Page 60 édition Folio, Marguerite Yourcenar explique ce qu'est un souvenir pieux. Celui rédigé à l'adresse de sa mère défunte portait cette phrase : "il ne faut pas pleurer parce que cela n'est plus, il faut sourire parce que cela a été.
Elle a toujours essayé de faire de son mieux."

Souvenir pieux est le premier tome de Labyrinthe du monde qui en comporte trois. J'ai décidé de persister dans ma confrontation avec l'académie.

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Souvenirs pieux est, si l'on peut dire, le premier tome de la trilogie autobiographique le labyrinthe du monde, de Marguerite Yourcenar. Il s'agit là non pas de sa propre histoire mais de celle de sa famille, du Moyen-Âge à l'époque de ses parents.
Moi qui apprécie d'habitude véritablement les ouvrages de cette grande dame, je me suis, avec ce livre-ci, ennuyée. Eh oui, j'aurai au total peiné plus de six semaines pour parvenir au bout des 370 pages. Je ne reprocherai rien, évidemment, au style lui-même. Cependant, je ne suis pas parvenue à "accrocher" à cette histoire de famille, à ces générations décrites à travers les siècles et au milieu desquelles, hélas, on se perd.
Au moment de refermer ce volume, je suis incapable de dire si j'arriverai à me décider, un jour, à lire les suivants, bien que la perspective d'entendre cette fois parler de la vie de Marguerite Yourcenar elle-même m'enchante un peu plus.

Challenge ABC 2017/2018
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Je me suis lancée dans cet ouvrage car je voulais en savoir un peu plus sur les liens qui liaient Marguerite Yourcenar au village de Suarlée, proche de chez moi. Sur ce point, me voilà amplement satisfaite. Mais quel ennui pour parvenir au résultat escompté ! Dans Souvenirs pieux, l'auteure retrace ses racines maternelles, elle dont la mère est décédée quelques jours après lui avoir donné naissance, et qui a donc vécu dans le giron de sa famille paternelle. Marguerite Yourcenar est partie de témoignages oraux, écrits, de photographies, de correspondances, pour redessiner, de manière plus ou moins romancée, ce qu'ont dû être les existences de ses aïeux. le résultat est un étalage ennuyeux de son érudition, auquel j'ai pris très peu de plaisir. le tiers du récit est consacré à son grand oncle Octave Pirmez, un écrivain belge reconnu. Dans cette partie, beaucoup trop longue à mon goût, nous retrouvons de nombreux passages des écrits de ce grand oncle, comme une analyse de son oeuvre. J'ai nettement préféré les passages relatifs à l'éducation donnée aux enfants au 19ème siècle, ou les parties consacrées à Fernande, la mère de Marguerite Yourcenar, qui finalement n'aura que très peu vécu à Suarlée, maintenant je le sais.
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toujours un style irréprochable et agréable, une culture qu'elle offre simplement à tout un chacun, un auteur dont on ne peut se lasser
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Ça commence par l'évocation, froide et détachée de la naissance de Marguerite Yourcenar. « L'enfant », « la nouvelle-née », se nomme-t-elle.
C'est une reconstitution détaillée de sa venue au monde, dans la noblesse bourgeoise de Belgique.
Puis, à partir de documents familiaux, de témoignages oraux et d'archives, elle remonte l'arbre généalogique et reconstruit la vie de ses aïeux et imagine leur vie.
Certes, l'écriture est sûre, le style est bon dans cette généalogie historique.
Mais je m'y suis vraiment ennuyée. Je n'ai ressenti aucune empathie, pour aucun des personnages ?
Je n'avais jamais rien lu de Marguerite Yourcenar, mais cette froide biographie ne me donne guère envie de connaître son oeuvre.
Peut-être tenterai-je un jour lointain, quand j'aurai oublié ces « souvenirs pieux ».
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"Souvenirs pieux", c'est le premier tome des souvenirs de Marguerite Yourcenar. En fait, elle s'interroge essentiellement sur la vie de ses ancêtres. Si elle débute son histoire par l'accouchement de sa mère, qui décèdera très vite après, elle remonte bien plus loin dans la généalogie de la famille. Elle raconte ce qu'elle sait d'eux bien sûr, mais complète aussi ses descriptions avec ses réflexions personnelles.
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Un livre interessant dans sa première et dernière partie, consacrées aux parents de Marguerite Yourcenar, sa mère en particulier qu'elle n'a pas connue.
Entre les deux, des passages également interessants sur sa nombreuse famille, les convenances sociales du XIXe siècle et début du XXe, et le rappel terrible de toutes ces pauvres femmes, quelque soit leur milieu social, qui mouraient de mettre au monde.
Mais on se perd un peu dans toute cette généalogie, et j'ai trouvé aussi la place accordée à deux grands-oncles, Octave et Remo, excessive.
Pour finir, j'ai été étonnée de certains thèmes abordés, qui n' étaient pas encore d'une telle actualité à la sortie de ce livre, en 1974, comme la souffrance animale, les dégâts du tourisme de masse ou la démographie mondiale explosive.
Clairement, j'ai préféré Les mémoires d'Hadrien.
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