La littérature française du XXème siècle doit beaucoup aux marguerites... Non que je cherche la métaphore entre l'écriture de romans et l'effeuillage romantique des petites fleurs pour comprendre ses sentiments, mais il faut avouer que
Duras et
Yourcenar sont indubitablement deux grandes figures de notre littérature.
J'ai lu
Duras assez jeune, le film
L'amant m'ayant suffisamment troublé pour que je veuille en découvrir l'origine écrite. En revanche, mon chemin littéraire ne m'a jamais fait croisé
Yourcenar alors que les envies n'ont pas manquée. J'ai un certain respect des institutions (voire mon amour des Nobels) et le titre de première femme élue à
L Académie Française ne peut donc me laisser indifférent. C'est peut-être mon erreur impardonnable dans un jeu télévisé il y a quelques années (attribuer les
Mémoires d'Hadrien à
Duras... hum...), qui aura été le déclencheur de cette lecture qui arrive finalement quelques années plus tard.
Le choix du Coup de grâce est surtout motivé par le hasard des bibliothèques puisqu'il était disponible en rayon. Sa brièveté a été également un appel du pied, on prend moins de risque en se jetant à l'eau pour à peine plus de 100 pages.
La lecture de la préface rédigée par l'auteure est pleine d'enseignements, notamment confronté à mes impressions. le côté dramatique de l'histoire m'a parfois semblé presque excessif, l'auteure confie qu'elle est inspirée du réel... le choix d'écrire en 1938 sur un jeune allemand presque frustré de ne pas avoir participé à la Grande Guerre me semblait audacieux,
Yourcenar minimise le contexte, les nationalités, arguant que c'est dans la confrontation des caractères, dans la peinture d'une histoire intime que doit se juger son roman... L'utilisation de la confession à la première personne m'a semblé particulièrement touchant, la future académicienne dénigre presque ce mode de narration, indiquant à quel point il est factice et éloigné de ce que serait une réelle confession...
Cette modestie continuelle, les précautions prises dans cette préface n'effaceront malgré tout pas le génie de ce roman, petit par la taille mais certainement pas par le talent. le style recherché qui cherche régulièrement le contrepied des expressions habituelles et des formules toute faites est très agréable. le trio amoureux, même s'il n'est pas novateur comme le dit elle-même
Yourcenar, trouve ici des combinaisons intéressantes. Les occasions non pas manquées mais clairement refusées mettent en exergue une frustration de
l'amour qui fait presque autant enrager le lecteur que les personnages. le dénouement tragique maintes fois annoncé au cours du récit parvient néanmoins à surprendre dans son extrême jusqu'au-boutisme.
Bref, les ingrédients qui font de ce livre une réussite sont nombreux, et même sa brièveté est plus un atout qu'un défaut. L'expérience méritera d'être tentée à nouveau, pourquoi pas avec ces
Mémoires d'Hadrien que j'ai autrefois faussement attribuées et qu'une lecture pourrait permettre de bien ancrer dans ma propre mémoire.