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Critique de HordeDuContrevent


« On est tous aussi démunis quand vient la souffrance ».

Je suis partagée après la lecture de ce livre de la chinoise Zhang Yueran. Si le thème est très intéressant, s'il permet de mettre en valeur les inégalités sociales au sein de la Chine contemporaine, la misère affective éprouvée quelle que soit les classes sociales, la politique de l'enfant unique, le style de l'auteur m'a perturbée, parfois un peu frustrée, parfois vraiment plu. L'épure choisie par l'auteure est tour à tour surprenante, frustrante, mais aussi judicieuse.

Yu Ling a quitté son Sichuan natal pour travailler comme nounou dans une très riche famille pékinoise. Alors qu'elle fomente, avec son petit ami Dongliang, l'enlèvement du petit garçon qu'elle garde, la famille tombe pour corruption : le père et le grand-père sont en prison, quant à l'étrange mère, elle semble être en fuite, à Hong Kong. Elle se retrouve donc seule avec le petit garçon. Et son petit ami, à présent que l'enlèvement du garçon est vaine sans rançon possible, l'a quittée. Elle va tenter de placer l'enfant au sein de parents éloignés, en vain. Et en se retrouvant seule avec lui, opère en elle une introspection et une métamorphose.

La concision du style ne m'a pas permise de m'attacher dans un premier temps aux personnages, je suis restée observatrice parfois de comportements que je trouvais peu cohérents…l'achat du cygne (une oie en fait) au garçonnet par exemple par le petit ami sans scrupule semble incongru, le comportement et la façon d'être fantasque de la femme qui se fait passer pour la petite amie du père également. Situations cocasses qui m'ont davantage gênée que fait sourire. Mais en même temps cette concision met en valeur une certaine pudeur des sentiments, ce que nous pouvons prendre pour de la froideur est en fait plus complexe et cet aspect-là m'a touchée d'autant plus que cette épure donne un texte de plus en plus subtile au fur et à mesure de l'avancée dans l'histoire.
Peu à peu la lumière est faite sur cette nounou, Ling, qui de froide et de calculatrice apparait dans toute sa lumière avec ses blessures, immenses, ses manques, et sa générosité. Peu à peu elle devient plus douce au contact de Dada, comme si tous deux se raccrochaient l'un à l'autre dans cette épreuve de misère affective qu'ils traversent, dans ce huis-clos énigmatique duquel va émerger une certaine force et une forme de bonheur. Avec en toile de fond, une belle réflexion sur l'impact des traumatismes liées à l'enfance ainsi que le dépassement des barrières sociales.

« Et pourquoi Dongliang lui avait-il menti ? Parce que lui-même s'était fait rouler par le passé. Elle n'avait jamais réfléchi au fait que Dongliang n'avait peut-être pas toujours été comme ça. Sa cruauté et sa méchanceté puisaient à la même source que ses bizarreries et sa morosité à elle. Les voies du destin sont bien mystérieuses…Comment savoir à quel point le malheur qui venait de frapper Dada le marquerait à l'avenir ? ».

Histoire d'une métamorphose d'une oie en cygne et d'un duo que, à priori, tout oppose, « L'hôtel du Cygne » est un livre singulier qui révèle toute sa subtilité au fil des pages. Les barrières sociales, très fortes dans le capitalisme chinois contemporain, sont peu à peu dépassées pour narrer la solitude, la souffrance et la quête d'une forme de bonheur simple.
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