Quand nous débarquons à Sarajevo, nous recevons la guerre en pleine gueule.
(...) Tout à l'heure je vais revoir Izet, sa grandeur et son chagrin. En m'approchant du centre-ville, je m'approche de ses poèmes, de son Livre des Adieux où il se dit prêt à mourir.
Mais il vit. Il est là, ici, dans mes bras. Nous nous sourions, nous nous reconnaissons. Je reste longtemps enfermé dans ses larges épaules. Nos corps se parlent, nos vestes se frôlent, nos peu de souvenirs communs colorent nos visages, y dessinent des lumières. Le poème remplace la langue. p 104
... à n'importe quel âge de la vie, si ta vie s'endort, risque-la.
(extrait d'un poème de Jean Malrieu, cité par Yvon Le Men.)
(...) Pour que la vie, en nous, prenne du sens.
Il faut la retenir, la regarder par l'écriture, les yeux dans les yeux. Il faut, par le langage, la vérifier, peser son poids de vérité, au prix parfois de l'abandon des autres qui nous reprochent notre présence au monde par une absence à leurs jours.
C'est ainsi. Nous ne pouvons agir autrement. Tout ce que nous entreprenons s'incarne, ainsi que dans l'Evangile, par des noms et des verbes. Si je ne nomme pas, je ne sais pas.
Extrait 1
Pourquoi n’ai-je pas pris une autre route, pourquoi n’ai-je pas cherché un
travail normal, comme on disait, comme si écrire et dire des poèmes n’était pas un travail. J’aurais pu être…
Mais je ne voulais, pour rien au monde, changer de cap.
[…]
Il ne m’était pas possible de parler de ma pauvreté en étant pauvre, il était
salutaire de traquer la moindre trace de confort comme ce couteau à pain
que j’achetai un jour de soldes. Grâce à ses dents et malgré l’humidité, je
réussissais à me couper de belles tartines qui déclenchèrent ces deux vers :
On trouve toujours au fond d’un pain
une belle journée à partager.
Je mettais mes pages à l’école du ciel bleu. C’est ainsi que j’écrivais contre
le malheur, c’est ainsi que je lisais même et surtout les livres désespérés
dont les auteurs avaient eu, au moins, le courage d’achever leurs livres.
Il y a le poème du réveil, celui que l'on cueille sur le bord de sa bibliothèque. Il est dense et léger comme un bouquet de violettes à l'envers d'un talus, à l'endroit d'une main, dense et léger comme les traces de la biche, les pas de lumière sur l'herbe. p 19
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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