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EAN : 9782889276202
128 pages
Editions Zoé (03/01/2019)
3.39/5   109 notes
Résumé :
Issue de grandes dynasties viennoises et anglaises au cosmopolitisme vertigineux, Antonia est mariée à un nanti de Palerme. Soumise et contrainte à l’oisiveté, mais lucide, elle rend compte dans son journal de ses journées-lignes et du profond malaise qu’elle éprouve. Suite au décès de sa grand-mère, Antonia reçoit quantité de boîtes contenants lettres, carnets et photographies. En dépouillant ces archives, elle reconstruit le puzzle du passé familial et de son iden... >Voir plus
Que lire après Antonia : Journal 1965-1966Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
3,39

sur 109 notes
Me rappelant "Inconnu à cette adresse" par son éloquente concision, Antonia aussi est un texte court qui progresse habilement vers la métamorphose d'une existence ordinaire.

Ici toutefois, pas d'échange épistolaire mais des fragments de journal intime, les mots d'une jeune femme des années soixante qui suffoque en son quotidien de grande bourgeoise palermitaine. Un monologue intérieur pour ne pas sombrer, pour se convaincre de se sauver, dans les deux sens du terme.

Chronique touchante que celle d'Antonia que l'on découvre au fil de ses confidences et de ses pensées, mais hélas un peu trop succincte pour que l'on parvienne à s'y attacher vraiment. Je referme ce Journal assez dubitative, partagée entre la délicatesse du propos et la trop légère empreinte qui subsistera dans mes souvenirs de lecture (et accessoirement les deux ou trois fautes d'accord qui m'ont grave picoté la rétine).


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Comme l'indique le titre, il s'agit du journal d'une jeune femme de trente ans, mariée à un italien très pris par ses occupations professionnels, maman d'un petit garçon qui lui inspire peu de sentiments maternels,

Au fil des pages qui recueillent ses confidences , et partir de documents et de photos récupérés à la mort de sa grand-mère maternelle, on découvre peu à peu son histoire, celle d'une famille assez chaotique pour l'époque, en raison des recompositions familiales mais aussi de la période complexe que fut la seconde guerre mondiale, et ce d'autant que l'on est juif an Autriche.

Ce journal aurait pu s'intégrer dans un récit plus complexe, débordant du simple ennui quotidien et de l'amertume de cette femme malheureuse.

C'est un peu trop léger pour susciter un intérêt majeur et c'est dommage car le sujet était intéressant.
Roman en partie autobiographique, dont l'écriture a sans doute un raison d'être et une utilité pur l'auteur, mais trop court pour avoir une valeur de témoignage historique et trop superficiel pour marquer la mémoire.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Antonia est mariée à un homme pour qui elle n'éprouve aucun sentiment, Antonia se sent prisonnière de son entourage et d'elle-même, Antonia est mal aimée, il est vrai qu'Antonia semble avoir subi les avances de son beau-père il y a quelques années, essuyant la colère de sa mère qui l'incrimina, elle et elle seule... Antonia se voit priver de son rôle de mère par une gouvernante qui la domine, Antonia a pourtant essayé à certains moments, d'après ses écrits de refaire surface…


Un petit roman très court mais très superficiel et confus et qui manque grandement d'intérêt :

superficiel parce qu'écrit sous forme de journal, que peu d'informations sont délivrées clairement, que l'on n'a sous les yeux que la version des faits de notre héroïne et donc une facette unique du personnage et la vision dont l'auteur veut bien nous faire part et qu'il serait bon de pouvoir sonder un peu plus l'entourage, parce que de rapides allusions au passé des protagonistes sont mentionnées, sans plus...

Et confus parce que l'on s'y perd, que l'on a bien des difficultés à établir le lien entre les personnages, (je ne me suis aperçue de la présence d'un arbre généalogique qu'en fin d'ouvrage), parce que l'auteur saute rapidement d'un personnage à l'autre, parfois sans information sur son identité, parce que les informations n'arrivent que par bribes, à coup de lettres et photos sorties des caisses qu'Antonia explore après la mort de sa grand-mère.

Et puis cette héroïne qui se vautre dans son malheur, victime de son entourage et de son refuge dans un mariage qui lui permettrait d'échapper à son enfance et à sa famille, ne montre
aucune qualité qui permettrait au lecteur de s'y attacher.

Un roman d'une grande banalité que j'oublierai rapidement.

Je remercie les 68 premières fois pour ce partenariat.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Gabriella Zalapi a trouvé une façon originale d'entrer en littérature. Elle a imaginé un journal illustré de photos de famille pour raconter la vie d'Antonia dans les années soixante et transcrire la chronique d'une émancipation.

Arrêtons-nous une seconde sur le genre littéraire choisi par Gabriella Zalapi pour son premier «roman». le journal intime, en rassemblant les «trois je», c'est-à-dire le «je» de l'auteur, celui du narrateur et celui du personnage principal donne davantage de force au récit. Il est aisé de s'identifier ou d'entrer en empathie avec la rédactrice, surtout quand des photos d'archives – comme c'est le cas ici – viennent conférer davantage d'authenticité à la chronique proposée. Les dates au début de chacune des entrées permettent de parfaitement situer l'action dans le temps, au milieu des années 60, et de nous projeter à cette période.
Nous voici donc le 21 février 1965, au moment où Antonia prend la plume pour dire son mal-être. Son mari entend la confiner à un rôle de maîtresse de maison et n'hésite pas à la sermonner dès qu'elle déroge à sa mission. Frieda, la nurse, entend s'arroger un droit exclusif sur l'éducation de son fils Arturo, lui interdisant – entre autres – d'allaiter et de le garder auprès d'elle durant la nuit. Quelques rares dîners mondains lui offrent un peu de diversion: «Je ne serai plus seule avec cette bouche qui mastique bruyamment. Avec cette tête qui se penche si bas sur l'assiette qu'elle pourrait se décrocher et se noyer dans le gaspacho.»
Le testament de Nonna va lui apporter le moyen d'oublier quelques instants ce sentiment d'oppression en lui offrant de se replonger dans l'histoire familiale via une boîte remplie de documents et de photos. Comme par exemple celle du second mariage de sa mère: «Dans une enveloppe vierge, j'ai trouvé la photo de mariage de Maman et de Henry, qui avait eu lieu à l'ambassade de Nassau. C'est aux Bahamas qu'elle a trouvé son deuxième mari. Combien de temps après la mort de Papa? Quelques mois? Peu après, Maman m'a annoncé qu'elle était enceinte de Bobby, ce demi-frère, ce petit putto. Son arrivée a tout modifié: j'étais devenue un rappel encombrant d'une vie passée, il fallait que ma naissance reste un acte invisible. J'ai littéralement sursauté en revoyant le visage d'Henry. le jour de leur mariage, Maman, avec une voix mielleuse, m'avait dit: "C'est lui ton nouveau papa. Il faudra l'appeler Daddy."»
On l'aura compris, la belle vie espérée est vite devenue une prison dorée. le miel s'est transformé en fiel. Mais dire les choses et poser sur le papier un diagnostic implacable apporte déjà une voie vers davantage de liberté. le constat nourrit la volonté, donne de la force. Et si quelquefois, le doute s'installe, c'est plutôt dans l'envie de trouver le mot juste que de renoncer à la liberté. Quitte à en payer le tribut.
En creusant l'histoire d'Antonia et de sa famille – sans oublier de la romancer ici et là – Gabriella Zalapi anon seulement fait un travail de généalogiste et d'historienne, mais aussi admirablement illustré le combat d'une femme prête à tout pour se défaire de ses chaînes. Fort, violent et sans aucun doute jubilatoire.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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« Antonia - Journal 1965-1966 » est le premier roman (2019, Editions Zoé, 128 p.) de l‘auteur italienne Gabriella Zalapì. Roman remarqué et récompensé par le Grand prix de l'héroïne Madame Figaro et le prix Bibliomedia. Un peu surpris par ces prix, après avoir acheté, lu et critiqué « Willibald » (2022, Editions Zoé, 160 p.), j'ai voulu en savoir plus et me suis attaqué à son premier roman.
Gariella Zalapi est plasticienne, avec des origines anglaise, italienne et suisse, actuellement vivant à Paris. Etudes dans la « Haute Ecole d'Art et de Design » de Genève (HEAD Genève). L'HEAD s'est imposée comme l'une des meilleures hautes écoles de ce style en Europe avec la volonté d'établir un pôle d'excellence et entretenir des liens étroits avec la scène artistique. Gabriella Zalapi source son écriture dans sa propre histoire familiale. Elle reprend archives, souvenirs et photographies pour les agencer de façon parfois troublante entre histoire et fiction.
Elle reprend en cela les textes De W.G. Sebald (1944-2001), illustrés de photos en noir et blanc. Cet écrivain allemand détestait son prénom Winfried Georg, dans lequel il voyait un « prénom vraiment nazi ». Il préférait se faire appeler lui-même « Bill » ou « Max ». ll s'exile ensuite en Angleterre dans le Norfolk, où il meurt en 2001, victime d'un accident cardiaque au volant de sa voiture. C'est l'auteur en particulier de « Les Anneaux de Saturne » traduit par Bernard Kreiss (1999, Actes Sud, 352 p.) ou « Austerlitz », roman traduit par Patrick Charbonneau (2002, Actes Sud, 400 p.). Ce livre fait le portrait d'un émigrant déraciné, fragile, érudit et digne. C'est pour Sebald une sorte d'anti-monument pour tous ceux qui, comme lui-même, se retrouvent pourchassés, déplacés, coupés de leurs racines au cours de l'Histoire Et tous ces exils sans jamais en comprendre ni la raison ni le sens. C'est un peu aussi l'histoire de « Antonia ».
Pour cela, l'auteur nous fait suivre une jeune femme Antonia, de la grande bourgeoisie viennoise de la fin du XXeme siècle. Les grandes dynastie viennoises et anglaises de la Mitteleuropa au cosmopolitisme effréné. Mariée à un nanti de Palerme, donc soumise et contrainte à l'oisiveté, mais lucide tout de même, elle tient un journal de ses journées. Survient le décès de sa grand-mère, elle aussi appelée Antonia. Au profond malaise qu'elle éprouve de sa situation, elle va ajouter, celui hérité d'une quantité de boîtes contenants lettres, carnets et photographies. Bref d'un passé qu'elle essaye de reconstruire en dépouillant ces archives. Ce premier roman tente de reconstruire le puzzle du passé familial et de son identité intime.
Son second roman « Willibald » reprend ce thème de la reconstruction d'une identité à travers un passé chaotique, via une allégorie figurée par un tableau « le Sacrifice d'Abraham ». C'est l'illustration du sacrifice demandé par Dieu à Abraham, de lui immoler son fils Isaac. Evènement qui n'aura pas lieu, car en tout dernier ressort, Dieu fait apparaître un bélier qui sauve le fils. La tradition est similaire dans la religion musulmane, avec la fête de l'« Aïd al-Adhad » qui célèbre sacrifice de Ismaël, le frère aîné d'Isaac. Dans la mythologie grecque, on retrouve le mythe avec Athamas de Béotie qui s'apprête à immoler son fils Phrixos mais au dernier moment Zeus dépêche Héraclès pour épargner le fils, alors qu'apparaît un bélier appelé Chrysomallos, envoyé par Zeus. La symbolique du sacrifice est simple. Ce n'est pas le fils qui doit être sacrifié par le père en le tuant, c'est sa paternité pour que son fils devienne un homme adulte et libre. C'est, en miroir, l'interdiction de l'infanticide alors que le sacrifice d'enfants était une pratique relativement répandue chez les Romains et peuples sémitiques. L‘historien romain Tacite qualifie même d'excentrique la coutume des Juifs à ne vouloir supprimer aucun nourrisson. « Contrairement aux cruelles divinités païennes, c'était seulement la soumission spirituelle que Dieu exigeait ». Ce qui renvoie au sacrifice de Jésus par Dieu le père, comme exemple de relation entre l'homme et le divin.
Ce premier roman est construit sur le même schéma, d'un seul prénom pour titre et des photographies sans légendes qui dialoguent avec les mots du texte. On reconnaît la griffe de la plasticienne qui illustre une émancipation de la femme dans les années 60 par une série de photographies tirées de quantité de boîtes avec lettres, carnets et archives familiales. Tout comme chez Sebald, elles amplifient la puissante capacité d'évocation du texte.
C'est donc l'histoire d'Antonia, via son journal de bord et ses souvenirs. Une jeune femme de trente ans, mariée à Franco, un italien de la bonne société de Palerme, mais très pris par sa profession. Ils ont un petit garçon, Arturo, qui inspire très peu de sentiments à sa mère et pas du tout au père.
Tout débute donc par un incipit « 21 février 1965 / Ce matin, lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais incapable de bouger. Mon corps semblait s'être dissous dans les draps et baignait dans une sueur toxique. Ce n'est qu'en entendant la gouvernante – Nurse comme elle désire être nommée – que j'ai sauté du lit. Elle était sur le pas de la porte avec Arturo. Où allez-vous? « Nous allons à l'école, of course », a-t-elle dit de son petit air choqué. Elle m'a pratiquement claqué la porte au nez. Puis je me suis souvenue qu'hier soir au dîner, j'avais promis à mon fils de l'emmener en classe ce matin. J'ai eu honte ». Voilà qui commence bien l'histoire d'une famille aisée.
Et la jeune femme continue « J'ai 29 ans. Mes désirs tombent, s'enfoncent dans l'insonore. Impossible d'envisager une vie de perfect house wife pour le restant de mes jours. J'aimerais abandonner ce corset, cette posture de femme de, de mère de. Je ne veux plus faire semblant ». On sent que la suite sera, soit à tendance morbide et suicidaire, soit à tendance gore et digne des bons récits de la pègre de Palerme. Tout un monologue intérieur pour ne pas sombrer, pour se convaincre et tenter de se sauver. le journal intime est daté du 21 février 1965 au 3 novembre 1966. Il va falloir tenir.
D'autant plus que la cohabitation se transforme vite en haine, ce qui est fréquent dans les couples qui se défont. « Je ne serai plus seule avec cette bouche qui mastique bruyamment. Avec cette tête qui se penche si bas sur l'assiette qu'elle pourrait se décrocher et se noyer dans le gaspacho ». Et on la comprend. « Franco, avec son dos de prêtre, m'exaspère. Je n'en peux plus : de ses petits gestes maniaques lorsqu'il plie ses habits, de sa manie de se moucher bruyamment avant de se coucher, de ses affreux pyjamas rayés, cadeaux de sa mère, de ses crachats sonores lorsqu'il se lave les dents ».
Reste la famille. Tout au moins la sienne, du moins ses grands-parents Mutti et Vati. le grand-père Vati, juif collectionneur de tableaux, a quitté Vienne lors de l'Anschluss en 1938. Il vit désormais au Brésil. C'est lui qui incarnera la figure de Willibald dans le second roman éponyme de Gabrielle Zalapi. Ce sera alors la vie de cet exilé avec son tableau « le Sacrifice d'Abraham », d'un élève de Rembrandt. C'est le père de sa mère insaisissable, on l'apprendra dans « Willibald ». L'autre personnage important c'est Nonna, sa grand-mère, mère de son père disparu, appelée aussi Inge dans le second roman. Ce sont ses références, ses barrières qui l'empêchent de sombrer, ses anges gardiens.
Quand Nonna meurt, elle lui lègue des cartons de documents, et tout comme Mara dans « Willibald », elle va découvrir et essayer de reconstruire ce passé à partir de cette source. Ce sont des lettres, des photos en noir et blanc qui vont venir illustrer le texte du journal. Ne pas oublier que Gabrielle Zalapi est plasticienne. Antonia va donc se plonger dans l'histoire intime des grands parents afin de tenter de se reconstruire. « Grandir à toute vitesse et sortir de là. Je ne sais pas par où commencer. Je m'égare, je rature, je réduis, je construis, je compresse, je colle, je rêve éveillée, je crache sur l'injonction « Soyez heureux ». Seule la nuit je suis honnête ». le but est évidement de s'échapper de son carcan familial de Palerme, mais aussi de retrouver des racines de son passé d'Europe centrale, la Mitteleuropa d'avant la guerre. On pourra toujours retrouver cette ambiance dans les livres de Thomas Mann « La Montagne Magique » traduit par Claire de Oliveira (2016, Fayard, 784 p.) Arthur Schnitzler « Vienne au Crépuscule » (2000, Stock, 480 p.) ou Stefan Zweig « La Confusion des sentiments » traduit par Tatjana Marwinski (2019, Robert Laffont, 160 p.).
Et Antonia essaye de s'extraire de ce carcan. « J'attends comme un rat aveuglé par une torche que quelque chose, un accident, un événement fasse exploser ce tableau idyllique dans lequel je survis. Je négocie, je négocie, je négocie avec mon envie de tout détruire, mais serais-je capable de bâtir quelque chose ? »
Le testament de Nonna va lui apporter un moyen d'oublier quelques instants cette oppression. « 12 avril 1965 / Rendez-vous ce matin à 9h au cabinet du notaire Via Cavour avec Oncle Ben. Nous avons finalement résolu les derniers petits conflits liés au testament de Nonna. / Tout s'est passé dans le calme. J'étais anesthésiée. J'ai hérité de ce qui revenait à Papa: une importante somme d'argent, la moitié des meubles de Villa Clara (où vais-je les mettre?) et les six appartements de Florence (une entrée d'argent mensuelle). Cette affaire qui a traîné si longtemps est finalement close. Je suis heureuse de savoir que jamais je ne dépendrai financièrement de Franco. / Chez le notaire, j'ai réalisé que cinq ans se sont écoulés depuis la disparition de Nonna. Pourtant je me surprends encore, quand le téléphone sonne, à croire, à espérer entendre sa voix. Et cette sidération qui suit. Cette déception ».
Mais la démarche est amorcée. « Quand est-ce que je reverrai Oncle Ben ? À l'aéroport, j'ai mesuré à sa démarche combien il a vieilli. Lui rendre visite à Londres absolument ». Surtout, il y a cet amoncellement de courrier, de photos, de bribes de sa grand-mère. « Dans une enveloppe vierge, j'ai trouvé la photo de mariage de Maman et de Henry, qui avait eu lieu à l'ambassade de Nassau. C'est aux Bahamas qu'elle a trouvé son deuxième mari. Combien de temps après la mort de Papa ? Quelques mois ? Peu après, Maman m'a annoncé qu'elle était enceinte de Bobby, ce demi-frère, ce petit putto. Son arrivée a tout modifié : j'étais devenue un rappel encombrant d'une vie passée, il fallait que ma naissance reste un acte invisible. J'ai littéralement sursauté en revoyant le visage d'Henry. le jour de leur mariage, Maman, avec une voix mielleuse, m'avait dit : « C'est lui ton nouveau papa. Il faudra l'appeler Daddy » ».
Bref, un premier roman original. Suivi d'un second « Willibald », qui lui ressemble en partie, ou du moins est bâti sur un schéma similaire. Il est vrai qu'il reste encore un gap de temps d'une dizaine d'années entre les deux romans.
La photo de couverture pourrait être tirée d'un film du début des années 1960, de Godard ou de Truffaut. le cliché noir et blanc montre une jeune femme abandonnée au sommeil, à l'arrière d'une voiture, entre deux passagers endormis eux aussi. Ils roulent à la rencontre de leurs rêves, indolents et confiants. Ils s'aiment, c'est évident, regardez comme ils se prêtent leur épaule en guise d'oreiller. La photo dans l'auto n'était qu'une fausse promesse, un mirage cotonneux. Attention, la réalité va sauter aux yeux, des mots aiguilles vont administrer leur vérité, des photographies de famille vont crier leurs mensonges.
Le tout pour dénoncer en finesse un scandale sexiste qui a assez duré, enduré ici par une trentenaire sicilienne en voie de pré-bovarysme, bousillée depuis l'enfance par trop de malveillances. Grâce à la forme même du journal, Gabriella Zalapì parvient à restituer toutes les failles de l'enfance de son héroïne : « Pour moi, l'enfance est synonyme de cassures », écrit Antonia.
La photo de couverture de l'édition du livre de poche fait partie de la collection privée de Gabriella Zalapi. Elle montre trois personnages errant dans un sous-bois. Sont-ils ceux qui dorment sur l'épaule l'un de l'autre de la couverture de l'édition chez Zoé. Mais on ressent combien les deux visages de ce premier roman, celui de la jeune enfant et celui de la jeune femme, sont à la fois indissociables et importants. L'appropriation d'une image de l'enfance paraissent indispensables à cette indépendance, même s'il s'agit de reconstruire une vie à partir d'un journal intime. Ainsi une photo d'Antonia enfant, sautant dans un jardin appelle cette réflexion « J'y figure presque en pleine chute. Déjà en déséquilibre ». Tut comme dans « Willibald », les photographies de son enfance ramènent Antonia à l'image de sa mère, mais aussi à celle de son fils, Arturo. Tout comme Mara dans « Willibald » ramène le tableau « le Sacrifice d'Abraham » à Isaac, et par effet miroir au lien entre Mara et son arrière-grand-père, qui s'est exilé avec son tableau.
C'est tout le travail de cette jeune auteur, écrivain, photographe, plasticienne. « Comment regarde-t-on les choses? Comment donner du sens aux images ? Comment l'agencement des images influe sur le sens qu'on leur donne ? Que cache, que révèle une image ? ». En fait tout est parti d'« un coup de téléphone d'un musée autrichien qui voulait reconstituer des biens spoliés à mon arrière-grand-père, pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet arrière-grand-père, Vati, juif autrichien, était collectionneur d'art. le musée nous demandait de fournir quantité de documents. J'ai dû me plonger dans les archives familiales, ce que je n'avais jamais fait jusque-là. Parmi les lettres, les papiers, les photos a émergé la vie d'Antonia que je ne connaissais pas ou plutôt dont je ne connaissais pas les deux années que je raconte dans le livre. Elle m'a immédiatement intriguée ».
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
12 février 2019
À travers ces pages d’une écriture raffinée et dense, se dessine la figure d’une jeune femme prise au piège d’un mariage qui n’en est pas un.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
21 février 1965
Ce matin, lorsque j’ai ouvert les yeux, j’étais incapable de bouger. Mon corps semblait s’être dissous dans les draps et baignait dans une sueur toxique. Ce n’est qu’en entendant la gouvernante – Nurse comme elle désire être nommée – que j’ai sauté du lit. Elle était sur le pas de la porte avec Arturo. Où allez-vous? «Nous allons à l’école, of course», a-t-elle dit de son petit air choqué. Elle m’a pratiquement claqué la porte au nez. Puis je me suis souvenue qu’hier soir au dîner, j’avais promis à mon fils de l’emmener en classe ce matin. J’ai eu honte.

3 mars 1965
Je perds mes cheveux. J’ai des migraines. Je grossis à vue d’œil et ne rentre plus dans mes habits. Ma nouvelle habitude : dès que Franco part travailler, j’étends des draps noirs sur les miroirs.
Hier il m’a reproché de ne pas savoir donner des ordres aux domestiques. D’être trop gentille avec eux. Il y avait du mépris dans sa voix. En disant trop gentille, il a bien décomposé les syllabes et des bulles de salive s’accumulaient sur les côtés de sa langue qui roulait. Il persiste à appeler Maria «la bonne».

4 mars 1965
Nurse m’épie l’air de rien avec sa tenue d’infirmière. J’aurais dû la faire partir dès le début. C’est elle qui m’a interdit d’allaiter Arturo et de le garder près de moi la nuit. Elle a pris trop de place entre lui et moi, avec son chignon parfait, sa peau lisse, sa petite moustache drue, ses règlements, ses yeux bleu glace.

12 avril 1965
Rendez-vous ce matin à 9h au cabinet du notaire Via Cavour avec Oncle Ben. Nous avons finalement résolu les derniers petits conflits liés au testament de Nonna.
Tout s’est passé dans le calme. J’étais anesthésiée. J’ai hérité de ce qui revenait à Papa: une importante somme d’argent, la moitié des meubles de Villa Clara (où vais-je les mettre?) et les six appartements de Florence (une entrée d’argent mensuelle). Cette affaire qui a traîné si longtemps est finalement close. Je suis heureuse de savoir que jamais je ne dépendrai financièrement de Franco.
Chez le notaire, j’ai réalisé que cinq ans se sont écoulés depuis la disparition de Nonna. Pourtant je me surprends encore, quand le téléphone sonne, à croire, à espérer entendre sa voix. Et cette sidération qui suit. Cette déception.
Quand est-ce que je reverrai Oncle Ben? À l’aéroport, j’ai mesuré à sa démarche combien il a vieilli. Lui rendre visite à Londres absolument.

30 avril 1965
Dîner à la maison avec Valentina, Felice, Matilde et époux.
Menu:
Timbalines de macaronis à la sauge
Filets de soles à la Diplomate
Petits pains de foie gras à l’aspic
Salade Jockey-Club
Mousse aux abricots
Ces dîners mondains sont une manière de faire diversion aux interminables tête-à-tête avec Franco. Je ne serai plus seule avec cette bouche qui mastique bruyamment. Avec cette tête qui se penche si bas sur l’assiette qu’elle pourrait se décrocher et se noyer dans le gaspacho. Ce soir, pas de «Quoi, qu’est-ce que tu as dit?»
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Dans une enveloppe vierge, j’ai trouvé la photo de mariage de Maman et de Henry, qui avait eu lieu à l’ambassade de Nassau. C’est aux Bahamas qu’elle a trouvé son deuxième mari. Combien de temps après la mort de Papa? Quelques mois? Peu après, Maman m'a annoncé qu’elle était enceinte de Bobby, ce demi-frère, ce petit putto. Son arrivée a tout modifié: j’étais devenue un rappel encombrant d’une vie passée, il fallait que ma naissance reste un acte invisible. J’ai littéralement sursauté en revoyant le visage d’Henry. Le jour de leur mariage, Maman, avec une voix mielleuse, m’avait dit: "C’est lui ton nouveau papa. Il faudra l’appeler Daddy." 
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10 mai 1965
Franco, avec son dos de prêtre, m’exaspère. Je n’en peux plus:
de ses petits gestes maniaques lorsqu’il plie ses habits
de sa manie de se moucher bruyamment avant de se coucher
de ses affreux pyjamas rayés, cadeaux de sa mère
de ses crachats sonores lorsqu’il se lave les dents
de son corps blanc et flasque
Avant, pour l’éviter, j’invoquais une excuse en m’éclipsant de la chambre, maintenant je ne dis plus rien. La répétition a engendré un silence complice. Je sors et vais m’asseoir au pied du lit d’Arturo qui dort comme un petit ange. Dans la pénombre, son visage et son souffle m’apaisent. Lorsque je quitte Arturo, cette sorcière de Nurse ouvre immanquablement la porte et me demande d’une voix basse et pourtant aiguë « Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne va pas ? »
J’ai repensé à ce mot, « Nurse ». Je réalise qu’il contribue à mon sentiment de vivre avec une étrangère. Elle reste impénétrable. Qui est cette Frieda? Oui, elle a de la famille dans le Nord de l’Angleterre ; oui, elle aime la musique classique ; oui, elle suit un régime très strict; oui, elle va à la messe tous les matins. Franco dit «Qu’elle fasse son métier, c’est tout ce qu’on lui demande.» Il l’a recrutée via une agence très réputée de gouvernantes professionnelles et elle exerce ce métier depuis trente ans. Et alors? Je rate des occasions d’aimer mon fils.
A faire:
Aller chez le coiffeur
Acheter les médicaments pour Arturo
Commander du champagne
Lampe
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Grandir à toute vitesse et sortir de là. Je ne sais pas par où commencer. Je m'égare, je rature, je réduis, je construis, je compresse, je colle, je rêve éveillée, je crache sur l'injonction "Soyez heureux". Seule la nuit je suis honnête.
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Franco, avec son dos de prêtre, m'exaspère. Je n'en peux plus :
de ses petits gestes maniaques lorsqu'il plie ses habits
de sa manie de se moucher bruyamment avant de se coucher
de ses affreux pyjamas rayés, cadeaux de sa mère
de ses crachats sonores lorsqu'il se lave les dents
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Vidéo de Gabriella Zalapì
A l'occasion du Festival le livre sur la place" 2022 à Nancy, Gabriella Zalapi vous présente son ouvrage "Willibald" aux éditions Zoé. Rentrée littéraire automne 2022
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2645473/gabriella-zalapi-willibald
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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