Moi, la rue, je sais ce qu'elle fait aux gens. dans ma tête je m'arrête sur tous ceux qui l'occupent et qui ont souvent l'air d'y avoir été jetés. Je ne peux pas m'empêcher de penser que chacun d'eux a été autre chose avant : un père ou une mère, un enfant qu'on aimé peut-être, en qui on croyait, bref une personne comme vous et moi que la vie, à un moment donné, a dû écrabouiller.
Parfois, on a beau chercher, on ne trouve vraiment rien à dire d'intelligent...
Louna n'aurait pas su s'occuper de maman aussi bien que moi, mais elle avait pour elle une attention fraîche et légère. Alors que moi, avec elle, j'étais souvent lasse, mécanique. (p.74)
Je savais bien que c'était un moment parfait. Un moment à avaler tout rond avant qu'il ne fonde, parce qu'il n'y en aurait pas deux comme ça. Je le savais alors même qu'il durait encore et encore ; beaucoup plus longtemps, déjà, que ce que j'aurais pu imaginer.
Quelques secondes sont passées ainsi, dans le silence et la douceur, et puis chacun a pris conscience du tableau que nous formions, tous les quatre à pleurer là, dans le salon, et nous sommes passés des larmes à un rire énorme, interminable, magnifique.
Ce n'est pas qu'elle veut y rester, Maman, à la rue. C'est la rue qui a tendance à ne plus vous lâcher une fois qu'elle vous a attrapé.
Quelque chose en moi sait que le jour où je cesserai de partir à sa recherche, ou peut-être même simplement de l'attendre, d'espérer son retour en rassemblant mes forces pour la tenir encore un peu debout et auprès de moi, la rue l'avalera. (p.54)
Je savais bien que c'était un moment parfait. Un moment à avaler tout rond avant qu'il ne fonde, parce qu'il n'y en aurait pas deux comme ça.
C'est si fatigant pour elle de résister à la tentation de tout lâcher, de ne pas céder au désir de vider une bouteille après l'autre jusqu'à l'oubli.