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Barbara Nasaroff (Traducteur)
EAN : 9782330186371
Actes Sud (07/02/2024)
3.97/5   175 notes
Résumé :
Voici un court roman ramassé dans la haine, travaillé au ventre dans un langage abrupt magnifiquement traduit : il relate le calvaire d'une jeune femme sans enfant que son mari trompe dans sa propre maison avec l'adolescente qu'ils ont recueillie. Quand la douleur retenue jusqu'à l'asphyxie rompra les digues du silence, Sofia s'emparera de la hache et détruira l'enfant incestueuse. Métaphore de la haine qui submerge un cœur pur, la Neva débordante s'engouffre dans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (44) Voir plus Ajouter une critique
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L'Inondation, c'est un peu comme un genre de Crime et Châtiment, en version nouvelle et dont la protagoniste principale serait une femme au lieu de l'inénarrable Raskolnikov. Je n'ai pu m'empêcher, tout du long de ma lecture, de faire une sorte de parallèle avec le roman de Dostoïevski, tant les points communs m'apparaissent nombreux.

Je vais donc tenter de me focaliser seulement sur les éléments qui me semblent propres à l'Inondation. Tout d'abord, voici une femme, Sophia, femme ordinaire, s'il en est (dans la moyenne serait une formule autrement plus heureuse mais " ordinaire " est le premier mot qui m'est venu), mariée à un homme qu'elle aime et qui l'aime en retour : bref, un couple sans histoire.

Le premier hic viendra du fait que Sophia, à l'approche de la trente-cinq/quarantaine, ne parvient toujours pas à avoir d'enfant. Son mari, Trofim Ivanytch va peu à peu en éprouver une douleur diffuse. Il ne fait pas ouvertement de reproche à Sophia, mais il sent que quelque chose le sépare imperceptiblement d'elle. La malheureuse s'en rend bien compte et, un jour, alors que le menuisier s'éteint, laissant des enfants orphelins, elle décide d'adopter sa fille, Ganka, qui a alors une douzaine d'années.

Avec le temps, une relation qui va au-delà de l'amour filial rapproche peu à peu Trofim de Ganka. Sophia se sent à la fois frustrée, blessée et humiliée par cette situation. D'autant plus que Trofim ne se prive bientôt plus de dormir auprès de la jeune fille et non plus avec la légitime épouse… Ganka se rend compte de l'ascendant qu'elle prend dans le foyer…

Jusqu'au moment où Sophia, sans l'avoir nécessairement prémédité, se retrouve avec une hache entre les mains, tandis que Ganka est accroupie en train de tailler du petit bois… La tentation est grande d'envoyer un coup de l'outil à celle qui lui a tout pris. le fera-t-elle ? Ne le fera-t-elle pas ? Comment vivre avec en tête une pensée pareille ? Quelles en seront les conséquences ?

Ça je me refuse à vous le divulguer. En tout cas une nouvelle vraiment puissante, qui m'a captivée sur presque toute la longueur, mais qui m'a un peu déçue sur la fin, ce qui est bien dommage car elle avait fait naître une grande tension en moi. Malgré cette toute petite déception finale, je vous la conseille tout de même de bon coeur, sachant que, comme toujours, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Recommandé chaudement par Mh17, j'ai eu le plaisir d'écouter ce court récit d'Evgueni Zamiatine sur France Culture. Un régal, le texte est non seulement narré par une femme qui a un timbre de voix et des intonations en totale osmose avec l'esprit du texte mais il est accompagné d'une musique de fonds parfaite, donnant à la tension dramatique du récit encore plus de profondeur.

« L'inondation » est un récit saisissant écrit en 1929, une métaphore de la haine, cette haine qui monte et qui va finir par déborder, par tout éclabousser, par faire rompre les digues de la raison d'un coeur pur, celui de Sofia, puis les digues du silence. L'inondation c'est le jaillissement du sang. le sang mensuel de femme, ce sang chaque fois craint, devenu verdict implacable quant à son incapacité à engendrer. Puis le sang de l'autre femme, abcès crevé qui se vide enfin. L'inondation c'est le jaillissement des mots. « L'inondation », le récit d'un trop plein, du lait de la raison qui déborde :

« Elle ne dit rien, ne leva pas les yeux, seules ses lèvres frémirent comme la peau du lait qui se fronce quand elle est bien prise ».

Nous sommes à Saint-Péterbourg, sur une rive de la Néva, dans les années 1920. Sofia et Trofim forme un couple qui, après treize ans de vie commune, n'a toujours pas d'enfant. Cette absence est vécue de plus en plus comme un malaise, un vide, qu'ils ne s'expliquent pas tout d'abord, malaise rendant la vie pesante et terne, menaçant le couple, jusqu'au moment où le mari comprend et lâche « tu ne fais pas d'enfant, voilà ce qu'il y a ».
A défaut d'avoir un enfant, ils recueillent la jeune Ganka, treize ans, leur voisine devenue orpheline. Très vite, si elle rend la vie de Trofim plus joyeuse, étant bavarde et gaie avec lui, elle reste silencieuse avec Sofia.
« Parfois, seulement, elle tournait lentement vers Sofia ses yeux verts et fixait sur elle un regard attentif en pensant clairement quelque chose – Mais quoi ? ».

Sofia comprend peu à peu que Genka l'a remplacée dans le coeur de Trofim et les nuits c'est avec la jeune femme qu'il les passe désormais. Cette vie à trois se transforme en un huit clos oppressant. le désespoir et la souffrance de Sofia vont croissants face à cette situation humiliante. Superbe la façon qu'a l'auteur de décrire le paysage à l'image du paysage intérieur de la femme bafouée :

« Front contre la fenêtre, le verre teintait, le vent hurlait, dans le ciel défilaient des nuages gris et bas, des nuages de pierre comme s'ils étaient revenus les nuages étouffants de l'été que pas un orage n'aurait crevé »…des nuages qui s'entassent en elle comme des pierres, les unes sur les autres depuis des mois, menaçant de l'étouffer.

Jusqu'au drame d'une grande sauvagerie. Jusqu'à l'inondation. Avec pour seule témoin une mouche, « une mouche aux pattes fines et noires comme du fil à coudre » qui reviendra sans arrêt la hanter et lui faire revivre le drame.

Zamiatine excelle avec ce récit à décortiquer le mécanisme de la haine montante…dégout, colère, exaspération, désespoir, sont les différentes facettes de cet engrenage fatal, présenté au moyen d'images saisissantes. le fantastique que revêt parfois le texte ainsi que la culpabilité qui ronge cette femme jusqu'à l'inondation de la parole fait penser immédiatement à « Crime et châtiment » de Fiodor Dostoïevski.
C'est superbe et je vous recommande à mon tour, comme l'a fait Mh que je remercie chaleureusement, de l'écouter sur le lien suivant :

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-samedi-noir/l-inondation-de-evgueni-zamiatine-en-direct

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Les phrases sont courtes et les nombreuses métaphores sont belles. du début à la fin les faits sont à peine suggérés et pourtant, dès que l'on a les éléments de départ on se doute de ce qui va se passer.

C'est un peu ça « L'inondation ». Une tension qui monte, une histoire d'homme qui prend forme à pas feutrés, qui s'infiltre et déborde engloutissant tout sur son passage, et puis c'est la Neva, le fleuve qui coule à St Petersbourg, et qui déborde aussi, ravageur et inattendu faisant rompre les digues et ployer tout sur son passage.

Cette histoire dramatique m'a émue.
Trois personnages essentiels nous envahissent tout au long du récit :
Trofim Ivanytch, un macho sordide, Sophia une femme soumise et rongée par la culpabilité et Ganka un petit oiseau sans scrupules .Sordide si je les épingle de cette manière brutale non? Mes mots ont fini de salir ce que l'histoire avait déjà souillé.

C'est sans compter sur le talent d'Evgueni Zamiatine qui par la construction du récit, son sobre dépouillement, son rythme lent au départ bien sûr mais qui s'emballe très vite et la force des mots savamment maitrisés nous ôte tout envie de juger. C'est un peu comme si des phrases sublimes servaient de contrepoids aux actes les plus regrettables. Les mots sont animés par un souffle, une vie intérieure, une mission. ….je les ai aimés ces mots, j'ai suivi leur cadence et j'ai offert à cette lecture tout ce que je pouvais pour me glisser dans les pas de l'auteur.

Au début du récit « Pourtant il y avait quelque chose qui clochait. Quoi au juste, ce n'était pas encore bien clair, cela n'avait pas encore pris la consistance des mots ». Et ainsi nous progressons le souffle court : « Elle n'avait plus rien, ni bras, ni jambes, rien que son coeur qui tournoyait comme un oiseau, tombait, tombait, tombait » nous relisons certains passages tel un chien conduisant son troupeau…… « Ses lèvres frémissaient comme la peau du lait lorsqu'elle est tout à fait prise » ……… Cest beau non ?

J'ai assez parlé. Je partage encore le bruit de la pendule qui « frappait bruyamment du bec dans le mur » Vous l'entendez cette grosse pendule ? et avant de terminer ce billet je vous laisse imaginer un personnage du livre qui « avec difficulté, par degrés, se mit à inspirer de l'air, remontant avec son souffle, comme avec une corde, une pierre qui était au fond ». C'est moi qui manque de souffle quand je lis des phrases comme ça ! Que c'est beau ! Je crois l'avoir déjà dit!

Ce récit écrit en 1929 est un condensé de richesse. Je le classe dans la catégorie "Chef-d'oeuvres"

Vite lu ? Non car les retours sont fréquents. Nous ressassons, relisons, pour vivre un peu plus longtemps avec ces mots là.

Vite oublié ? Certainement pas. Une centaine de pages soulève des montagnes de questions sur la condition des femmes à cette époque.

Vite rangé? Non plus. Ce petit livre va circuler et inonder quelques amateurs, comme le ferait la Neva

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C'est l'histoire d'une inondation. Les eaux de la Neva montent, debordent son lit et inondent un quartier pauvre de Saint Petersbourg, l'ile Vassilievski. Avec l'eau enfle et s'intensifie un drame d'infidelite, de jalousie, de non-dits et de haine.

Trofim Ivanytch est un ouvrier marie a Sophia, qu'il aime, mais le fait qu'elle n'arrive pas a tomber enceinte le travaille et mine leur relation. Quand des voisins meurent laissant une orpheline de douze ans, Ganka, ils decident de l'emmener chez eux, comme une adoption. Mais bientot la relation entre Trofim et Ganka se troque en amour charnel, au vu et su de Sophia. Et ce sera la crue de la Neva et l'inondation de leur maison qui va precipiter les evenements. L'inondation est ici la metaphore a laquelle l'auteur associe les sentiments in crescendo de Sophia, qui la submergent jusqu'a l'amener a un acte de destruction, au meurtre.

La capacite de Zamiatine a plonger dans la tete des personnages, surtout de Sophia, et transmettre le passage qui s'y opere, de la surprise et l'incredulite, a la honte, a l'humiliation et la jalousie puis a la haine destructrice qui s'empare d'elle, et enfin, apres l'acte, a la sensation de quietude, courte accalmie qui se mue peu a peu en un besoin interne de tout avouer, pulsion imperative meme quand sa relation avec Trofim s'ameliore et qu'elle tombe enceinte, est remarquable.

L'eau de la Neva qui monte est aussi le sang qui coule. L'inondation est physique dans le quartier et mentale dans la tete de l'infortunee Sophia. Tout cela s'entrelace et s'agglomere et permet au lecteur de saisir tout le malheur de ce drame, qui, comme la Neva, est imprevisible, incontrolable, irrepressible. Les personnages, tous tant qu'ils sont, ne peuvent que le subir.

J'ai lu ce livre dans la collection Les Inepuisables, d'Actes Sud, ou l'editeur veut presenter “des livres destines aux amateurs de joyaux litteraires”. Celui-ci l'est incontestablement. Un joyau litteraire.
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L'inondation est un petit roman qui est pour moi un véritable chef d'oeuvre.
C'est un texte d'un auteur russe qui m'était jusqu'ici totalement inconnu, - un certain Evgueni Zamiatine.
C'est presque un huis clos étouffant, si ce n'est le fleuve à côté qui irrigue les pages.
C'est comme un thriller, la tension monte, grandissante comme une crue, comme ces eaux qui montent ici, la Neva, ce fleuve qui traverse Saint-Pétersbourg, ville qui à l'époque du récit s'appelle Petrograd.
Nous sommes à l'automne 1920. La révolution russe semble déjà loin. Trofim Ivanytch est marié à Sofia, ils forment un couple sans histoire, un couple presque ordinaire. Ils s'aiment, du moins semble-t-il.
Sofia et Trofim n'ont pas d'enfant, ou plutôt n'ont toujours pas d'enfant après treize ans de vie commune. Rien n'est dit dans le couple à ce sujet, mais Sofia comprend peu à peu, par des signes à peine perceptibles de la part de Trofim, - et nous ausi dès lors, que si elle ne conçoit pas d'enfant, celui-ci la quittera un jour ou l'autre. Pourquoi ce reproche à demi-mots ? Peut-être sans les mots d'ailleurs ? Pourquoi à elle et pourquoi pas à lui ?
C'est alors que leur voisin le plus proche, le menuisier déjà veuf, meurt du typhus, laissant derrière lui une fille orpheline, Ganka, elle doit avoir une douzaine d'années. C'est une tragédie.
Sofia a le coeur sur la main, mais son désir d'être mère l'emporte aussi dans cet élan... Elle propose à Trofim de recueillir la jeune fille et il l'accepte.
Avec le temps, une relation s'installe, harmonieuse au début, dans cette union qui ressemblerait presque à un amour filial. C'est le bonheur d'une petite famille qui se construit comme cela. Mais peu à peu, le désir de Trofim s'exprime envers la gamine qui a grandi, devenue adolescente, qui continue de grandir effrontément sous les yeux de Sofia...
La suite, je ne sais pas si vous l'imaginez... Moi non, Evgueni Zamiatine oui. Et c'est là que les digues, qui retenaient jusqu'alors les eaux de la Neva, s'éventrent et envahissent les pages du récit.
J'ai été sensible à cette manière de l'auteur de décrire avec des phrases ténues ce basculement des rivages intérieurs avec ceux d'une crue qui envahissent au même moment les berges de la Neva.
Que reste-t-il alors dans le ventre déjà vide de Sofia ? de la honte ? de l'humiliation ? de la résignation ? de l'oubli ? Des pierres qui pèsent lourdes comme le poids de la culpabilité et de l'abandon ? Des pierres à jeter ? Mais à jeter sur qui ?
Les eaux montent au fil des pages. La beauté du monde est peu à peu envahie et effacée par la jalousie et la haine comme une mer qui monte sur le sable d'une plage.
J'ai adoré ce texte abrupt, écrit à l'os, qui permet justement cette tension qui se déploie jusqu'à l'extrême.
C'est une douleur retenue jusqu'à l'asphyxie, comme des digues retenant tant bien que mal des eaux plus fortes que la raison. C'est un texte qui fait mal, qui dit le désespoir jusqu'au point ultime où il peut encore être accepté. Après... Après ? C'est seulement ce qui est arrivé.
Les livres sont des remous, des tangages, les mots sont des ponts, mais les ponts s'effondrent parfois aussi sous la montée des eaux...
Comment ne pas songer ici à Crime et Châtiment, comment ne pas songer à Raskolnikov ? Je ne vous en dis pas plus et je m'empresse de terminer cette chronique avant de me laisser emporter par les flots de la Neva...
C'est un texte superbe.
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critiques presse (1)
LeMonde
13 mars 2024
Un chef-d’œuvre de pessimisme visionnaire, dont l’adaptation de 1993 par Igor Minaiev, avec une âpre Isabelle Huppert, vient de ressortir sur grand écran.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Sophia déboutonna son corsage, posa l'enfant contre sa poitrine. Elle savait que cela ne se faisait pas avant le deuxième jour, mais elle ne pouvait attendre, il fallait faire vite, vite. L'enfant se mit à téter maladroitement, à l'aveuglette, s'étranglant à moitié. Sophia sentait qu'il coulait d'elle des larmes chaudes, un lait chaud, du sang chaud, elle s'était ouverte tout entière et laissait s'écouler jusqu'à la dernière goutte tous ses sucs; chaude, bienheureuse, moite - comme la terre -, elle se reposait : c'était pour cette minute-là qu'elle avait vécu toute sa vie, c'était pour elle que tout avait eu lieu.
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Ganka était sortie couper du petit bois. Sofia se tint immobile, le front contre la fenêtre. Le verre tintait, le vent hurlait, dans le ciel défilaient des nuages gris et bas, des nuages de la ville, des nuages de pierre, comme s'ils étaient revenus, les nuages étouffants de l'été que pas un orage n'avait crevés. Sofia sentit que ces nuages ne se trouvaient pas dehors, derrière la fenêtre, mais en elle, ils s'y entassaient comme des pierres, les uns sur les autres, depuis déjà des mois et, pour ne pas suffoquer sur-le-champ, il fallait réduire quelque chose en miettes ou bien fuir cet endroit ou hurler à plein poumons comme le cordonnier lorsqu'il prophétisait le Jugement Dernier.
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Le balancier sur le mur s'agitait comme un oiseau en cage lorsqu'il sent sur lui le regard attentif du chat. Sophia dormait. Cela dura peut-être une heure, et peut-être seulement le temps d'un mouvement du balancier. Lorsqu'elle releva la tête, devant elle, les pieds plantés dans le sol, se tenait Trofim Ivanytch...

Trofim Ivanytch la suivait des yeux, il voyait sa main tendue qui n'osait pas toucher le crochet. "Eh bien, pourquoi tu t'arrêtes ?" demanda-t-il en ricanant à moitié. " Il sait tout ..." pensa Sophia, le balancier devant elle fit un rapide mouvement et se figea. Lentement, en silence, Trofim Ivanytch devint rouge sang, puis il repoussa la table, quelque chose tomba - c'était en Sophia, à l'intérieur d'elle. Voilà, maintenant, à cet instant il allait tout dire... Arrachant péniblement ses pieds du sol, il avançait vers Sophia, avec sur son front une veine bleue, gonflée comme la Néva... ferme la porte ! Qu'elle passe la nuit où elle veut, avec qui elle veut.
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“C’est ainsi que vous regardent les chats, fixement, en remuant leurs pensées étranges, et devant leurs yeux verts, devant leurs pensées étranges — leurs pensées de chats —, on en a tout à coup un peu froid dans le dos”
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      Sur la fenêtre il y avait un bocal
retourné, dans lequel, on ne sait trop
comment, avait pénétré une mouche. La
mouche ne pouvait s'échapper nulle part,
mais elle rampait pourtant là-dessous
toute la journée. Dans le bocal le soleil
faisait régner une chaleur indifférente,
sourde, lente, et cette même chaleur
régnait sur toute l'île Vassilievski. Sophia
pourtant s'affairait du matin au soir,
s'occupait à quelque chose. Durant la
journée les nuages, souvent, s'amonce-
laient et devenaient menaçants ; le ciel
était comme une vitre verte qui, là-haut,
allait d'un instant à l'autre craquer, fai-
sant enfin jaillir et se déverser l'averse.
Mais les nuages se dispersaient sans bruit
et, à la nuit, le vitrage se faisait toujours
plus épais, plus étouffant, plus impéné-
trable. Personne, la nuit, ne les entendait
respirer chacun de façon différente : l'une,
la tête enfouie dans l'oreiller pour ne pas
entendre, et les deux autres, à travers
leurs dents serrées, d'un souffle avide et
brûlant comme s'il sortait du gicleur
d'une chaudière.

p.35-36
Traduit du russe par Barbara Nasaroff,
édition Solin 1988
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Videos de Evgueni Zamiatine (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Evgueni Zamiatine
Evgueni Zamiatine (1884-1937) : Une vie, une œuvre (1991 / France Culture). Par Françoise Estèbe. Avec Jean-Pierre Morel (critique aux Nouvelles Littéraires), Leonid Heller et Bernard Kreise. Réalisation : Annie Flavell. 1ère diffusion sur France Culture le 30 mai 1991. Peinture : Portrait de Ievgueni Zamiatine par Boris Koustodiev, 1923. En 1988, la publication pour la première fois en URSS du roman anti-utopiste prophétique de Zamiatine, “Nous autres”, oeuvre politique-fiction, fut l'événement littéraire de la Perestroïka. Esprit lucide et courageux, Zamiatine qui avait pris parti pour la Révolution en 1905, fut un des premiers à analyser la nature profonde du totalitarisme bolchevique et à dénoncer le despotisme nouveau jusqu'au terme de sa vie, en dépit des persécutions. Dans les années 20, Zamiatine, mathématicien, ingénieur naval et écrivain, ami des peintres et des musiciens, est la figure centrale du champ littéraire russe. Prosateur, dramaturge, critique, journaliste (il écrivit notamment dans la revue de Gorki), il est l'auteur de nombreux récits, de nouvelles : “L'inondation”, “Le pêcheur d'hommes”, “La Caverne” ; de romans : “Le fléau de dieu” ; de pièces de théâtre et de scenarii. Rattaché à la tradition de Gogol dans ses premiers récits, il devient le symbole de la culture occidentale au sein des lettres russes et le maître de toute une génération d'écrivains nés après la Révolution. Il s'oppose à la montée du conformisme révolutionnaire en art :
« Il n'est de vraie littérature que produite non par des fonctionnaires bien pensants et zélés, mais par des fous, des ermites, des hérétiques, des rêveurs, des rebelles et des sceptiques. »
Trotsky le désigne comme un émigré de l'intérieur et “Le diable des lettres russes”, après une lettre célèbre à Staline, est contraint à l'exil. Il mourra oublié à Paris en 1937, à l'âge de 53 ans, ignoré des intellectuels occidentaux fascinés par le modèle soviétique, qui n'ont pas su percevoir dans le cri solitaire de Zamiatine l'oracle de la dissidence.
Des extraits de “Seul”, des “Ecrits oubliés”, des “Actes du colloque de Lausanne”, de “Nous Autres”, de “Le pêcheur d'hommes” et de “L'Inondation” sont lus par Jacqueline Danaud et Michel Derville.
Sources : France Culture et Wikipédia
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