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3,49

sur 132 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Anguille se noie. Avant de mourir, elle décide de nous raconter son histoire, de ce qui l'a menée dans cette situation tragique.

Après un démarrage brut de décoffrage - je ne fais ici qui dévoiler ce qui se passe dans les premières lignes, et qui est également présentée dans la quatrième -, le reste du récit d'Anguille suit les mêmes traces, en une écriture respiration sans ponctuation forte, qui se laisse glisser au fil des réminiscences de la jeune comorienne, qui nous embarque et nous fait perdre le souffle au même rythme qu'elle, dans une histoire d'amour douce-amère somme toute banale, mais derrière laquelle se dévoile toute une réflexion sur ce que la société attend de chacun, de ce qu'il se passe si l'on ne suit pas le chemin qui nous est tracé. Anguille, c'est celle qui, comme son nom la prédestine finalement très bien, ne fait pas ce que l'on attend d'elle, ce qui la mènera à sa perte.

Un roman intense, qu'il est difficile de lâcher une fois commencé, tant par sa structure si particulière que par ce qu'il nous conte à travers elle : le destin terrible d'une jeune femme, un parmi de nombreux autres, qui, par choix, par contrainte, prendra, un jour, la route de l'océan, de la mer, dans des conditions précaires, pour un autre monde, un autre avenir.
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Anguille, c'est son prénom et au moment où commence le récit qu'elle nous fait dans l'urgence d'une mort prochaine, elle est accrochée à un réservoir, naufragée au milieu de l'Océan Indien. Comme des vagues qui submergent, se retirent, sont recouvertes partiellement par d'autres flot, le flux de sa pensée se tourne vers sa vie qu'elle raconte dans une prose haletante, où seules les virgules apportent un très bref espace pour reprendre sa respiration. Anguille a 17 ans, une soeur jumelle nommée Crotale, un père Connaît-Tout et un amant infidèle forcément Vorace. Sur l'île d'Anjouan dans l'archipel des Comores, elle est anguille, se faufilant dans les interstices pour échapper à l'image forgée par son père, glissant de la sagesse factice à la révolte obstinée. Agrippée à sa bouée de fortune, ballottée par l'océan, elle nous prend à témoin de la succession d'évènements qui l'ont portée jusqu'ici.
Avant de plonger dans ce texte incroyable, il est nécessaire de prendre une grande respiration car la lecture s'effectue quasiment en apnée. Dans ce roman aquatique, les métaphores filées entremêlent leurs images de manière si extraordinaire que l'on perçoit et ressent physiquement les sensations de la narratrice. Aussi bien celles du passé que celles du présent. Car jamais elle ne nous laisse sur le rivage. Jamais elle ne nous permet d'oublier sa situation présente. Son long récitatif épouse les mouvements de l'anguille, de la mer, de l'anguille dans la mer, dansante, serpentine, méfiante, secrète...
La voix d'Anguille s'insinue sous la peau, pique les paupières, corrosive comme le sel, exigeante, absolue. Elle irrigue une histoire singulière et nous blackboule, nous chavire, nous emporte dans son flot sensuel et colérique, plein d'une énergie vitale. Sous la roche de cette voix, un splendide personnage de jeune fille se dessine, complexe, contradictoire, réalisant en son être la fusion des éléments et des règnes. Un personnage "anguilliforme" sublimé par cette langue animée, physique, vivante d'une force poétique saisissante.
Ce premier roman d'Ali Zamir m'a stupéfiée ! Je le trouve admirable de sens profond, de maîtrise et d'inventivité langagière. Si je ne le compte pas au nombre de mes coups de coeur, c'est que l'émotion éprouvée m'a semblé rester "intellectuelle" sans le bouleversement total que je peux éprouver lorsqu'un roman s'adresse autant au coeur qu'à l'esprit, autant à l'âme qu'au corps, autant au passé qu'au présent... (oui, je sais ! je deviens très exigeante !)
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Comores, fuite, écriture, original, départ
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Première oeuvre très singulière par le cadre (Ile d'Anjouan de l'archipel des Comores dans l'Océan Indien) et l'écriture. Ce “jeune” auteur nous entraîne dans une histoire d'amour aux ressorts banals - la lâcheté des hommes y est une fois de plus mis en exergue - où l'héroïne répondant au surprenant sobriquet d'Anguille va essayer de s'échapper en se faufilant d'une vie déjà écrite par son père. L'écriture très riche et très imagée, entre Afrique et Antilles, nous entraîne, sans avoir trop le temps de respirer au bout d'un destin universel, qui une fois de plus fait écho au sort des migrants économiques européens … et comoriens (qui tentent de rejoindre Mayotte, seule île de l'archipel faisant partie intégrante du territoire français).
Le personnage principal est d'une densité rare et emplit toutes les pages de sa rage de vivre.
Petit bémol : l'écriture parfois tellement originale qu'elle perd le lecteur mais sa musique et son rythme général nous bercent encore longtemps après la dernière page.
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Il faudrait lire ce roman d'une traite, sans reprendre véritablement sa respiration mais en aspirant de petites bouffées d'air pour devenir Anguille, pour s'assimiler à cette noyée dont l'inévitable destinée est de retrouver son état de bête sous-marine se tortillant pour survivre. Cependant n'étant pourvus de branchies, notre voyage sous cet océan tumultueux de paroles nous oblige à remonter à la surface, à faire des pauses.

Nous avons dû changer nos habitudes de lecture en nous délestant des règles sacrées de ponctuation. Tâche ardue et douloureuse pour des livrovores telles que nous ! Nous avons dû nous laisser guider par cette jeune fille de 17 ans. Nous avons dû écouter ses histoires sentimentales, découvrir sa vie familiale dominée par un patriarche obstiné, suivre les pérégrinations de sa pensée pour enfin parvenir à un signe de ponctuation forte : un ultime point d'exclamation. Soulagement du lecteur et délivrance d'Anguille !

Cette dernière connaît en effet au cours de sa vie une série de malheurs qui vont crescendo dans le roman et qui semblent l'accabler de toutes part : morts, trahisons, tromperies, abandons, etc. Pourtant derrière ce portrait de fillette mal dans sa peau évoluant dans un environnement crasseux et défavorisé, se cache une jeune femme indépendante qui tente de s'affranchir de la destinée qu'on lui collait à la peau.

Amoureuse de Vorace, le beau gosse du quartier pour lequel elle mène une vie de débauchée, elle ne tombe pas dans les comportements stéréotypés de ces congénères. Ni pleurs en rafale, ni cris perçants, ni pot de glace sous un tas de couettes. Anguille ne flanche pas et prend la décision de garder l'enfant de cet homme déjà sorti de sa vie. Ce choix s'élève ainsi contre tous les principes d'une société liberticide, patriarcale et violente. Violente contre les femmes qui ne respectent pas les règles, violente comme les hommes dont Connaît-tout, le père, qui en est le meilleur exemple.

Ali Zamir, qui signe là son premier roman, ne donne toutefois pas à voir la fresque sociale d'une île défavorisée du milieu de l'Océan Indien. Il s'attarde davantage à observer les tréfonds, les étrangetés, les incohérences de la pensée de son personnage. Contrairement au nom qui lui a été attribuée, Anguille n'est pas lisse, rien ne coule de source pour elle. Sans cesse aux prises avec son esprit, elle tente de construire un discours clair et cohérent. Ce n'est pas tant par le fait qu'elle est aux bords de la mort que ses phrases sont confuses mais surtout par cet effet de stream of consciousness. L'auteur n'a pas désiré nettoyer les pensées d'Anguille de toutes les aspérités, de toutes les divagations, de tous les commentaires qui en font sa particularité et sa beauté.

Même si le vocabulaire gras, gros, grossier qu'elle emploie et qui pèse sur nos petites âmes vertueuses ne correspond guère à l'idée de beauté littéraire qu'on se fait, ce singulier ensemble donne à redéfinir les tragédies classiques en cinq actes pour laisser place au spontané, à l'immatériel et à l'oralité.

Un roman détonnant par sa structure, son héroïne et son détournement des règles !
Lien : https://mastereditionstrasbo..
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Au beau milieu de l'océan indien, la jeune Anguille se noie. Avant de sombrer elle revient sur sa vie, sa famille, son premier amour, son besoin de liberté.

Un récit, une seule et unique phrase, c'est ainsi qu'est construit ce roman. Dans cette longue phrase, comme dans un dernier souffle, la narratrice se confie avec urgence sur ce qui l'a poussé à quitter son île en direction de Mayotte.

Alors que le personnage d'Anguille est en quête de liberté, l'auteur lui a pris la liberté d'écrire tout son roman dans un style particulier. Cette longue phrase qui courre tout le long du roman, cette succession de virgule, ces pensées qui vont et qui viennent, ses nombreuses digressions, nous emporte, nous fait un peu perdre nos repères. C'est comme être dans un rêve ou un cauchemar un peu flou.

Si vous cherchez un livre autant qu'une expérience ! N'hésitez plus !
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J'ai eu du mal à entrer dans ce livre, à suivre le rythme de l'auteur, et puis je me suis laissée emporter par sa façon de raconter, un peu comme les vagues qui viennent et qui s'éloignent, ballottée d'un morceau d'histoire à l'autre, à reconstruire peu à peu l'histoire d'Anguille, de sa vie sur l'île d'Anjouan, de ses choix, de cette fin, qui se dessine dès le début, j'ai eu l'impression d'être dans l'eau avec elle, de revivre le passé ... Un livre étrange, qui mérite vraiment d'être découvert.
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Une grosse claque d'émotions, ce roman... L'histoire d'une jeune fille, Anguille, qui est en train de se noyer. Dans un dernier sursaut de vie, elle raconte son existence, sans mâcher ses mots, avec une aisance et un style hors du commun. Comme un coup de poing donné en pleine mer, on se fait éclabousser par la beauté des paysages des îles des Comores, par la brutalité du récit de cette jeune Anguille revêche et obstinée, qui a une vision de la vie à la fois philosophique et légère, comme souvent les adolescentes de 17 ans. Je vous le conseille. Une pépite d'une seule phrase, justifiée par l'urgence de la situation de la narratrice.
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Une seule phrase sur 317 pages ... étonnant, des virgules seulement ponctuent ce texte où les phrases défilent comme les pensées dans la tête de cette jeune fille qui se noie. Une ambiance particulière : un père Connait Tout insupportable, une soeur Crotale indifférente ou presque, un amant Vorace ...des noms étranges mais qui donne déjà une idée des personnages, et cette Anguille la narratrice insaisissable ...

Insaisissable voilà le mot qu'il me reste en refermant ce livre, une histoire comme des petits papiers mis bout à bout je n'irai pas jusqu'à dire sans queue ni tête mais presque. L'histoire se construit peu à peu mais j'ai mis longtemps à comprendre où elle voulait nous emmener, ce qu'elle cherchait à nous dire.

Un livre à lire pour l'expérience du style et le final, la partie qui m'a le plus émue par son réalisme et les émotions qu'il engendre.
Lien : http://keskonfe.eklablog.com..
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Anguille se retrouve à flotter sur un réservoir en plein océan, prête à se noyer, sa vie défile. Elle a 17 ans, lycéenne, vit sur l'ile d'Anjouan aux Comores avec son père Connaît-Tout, pêcheur et veuf, et sa soeur jumelle Crotale. Anguille fait la rencontre de Vorace, il deviendra son amant infidèle et la rejettera. Sa tante Tranquille veille sur elle et sa soeur tout en cachant un secret de famille.
Une immersion dans les Comores où nous découvrons l'envers du décor aussi surprenant soit-il. Il y est également évoqué l'exode des comoriens vers Mayotte, l'île voisine….thème déjà abordé par d'autres écrivains donc rien de bien original mais je l'avoue toujours aussi efficace !
Une seule et unique phrase qui nous tient en haleine du début à la fin. Une plongée en apnée de 320 pages intenses où il est nécessaire de prendre une grande inspiration avant de commencer.
Les prénoms des personnages : Anguille, Crotale, Connaît-Tout, Vorace, Tranquille, Rescapé et Miraculé sont représentatifs de leur personnalité.
J'ai aimé suivre le récit d'Anguille, attachante, bouleversante ; comme une envie de lui porter secours dans ces péripéties du quotidien. Elle nous émeut jusqu'aux larmes.
Un très beau premier roman.
Prix Senghor du 1er roman francophone et francophile 2016
Mention Spéciale du jury du Prix Wepler 2016
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