Je crois bien n'avoir jamais lu d'auteur letton, ni même avoir entendu parler de l'un d'eux. Ce qu'il y a de merveilleux avec les éditions Agullo c'est qu'ils nous permettent de découvrir des Pays et leurs auteurs auxquels nous ne sommes pas habitués en France. Osvalds Zebris est pourtant un auteur primé.
Mais voilà qui est chose faite avec la lecture de A l'ombre de la Butte-aux-Coqs. Ce roman nous emporte à Riga au début du siècle dernier pendant la révolution Russe où le peuple s'insurge contre le Tsar. Riga est secouée d'émeutes, d'actes qu'on qualifierait de terroristes à notre époque, de répression armée et policière. La Lettonie refuse la dictature moscovite, d'abandonner ses terres et sa langue, sa religion. Emergent également des poussées d'antisémitisme et d'anticommunisme.
Rüdolfs est un jeune homme issu d'une famille de paysans. Prédestiné à être instituteur, il se retrouve au coeur d'un comité de résistance communiste et de leurs actions contre des riches propriétaires. Mais un seul instant va changer le cours de sa vie.
Un seul instant a parfois ce pouvoir faramineux de créer une emprise qui se prolonge durant des années, voire une vie entière – un geste en apparence insignifiant, un mot qu'on n'a pas dit, un pas qu'on n'a pas franchi, une peur.
En 1906, trois enfants sont enlevés en pleine rue et dans l'esprit disloqué de Rüdolfs, passé et présent se mêlent et s'entremêlent.
C'est le récit d'un homme que l'Histoire et les évènements ont détruit, qui a vécu des choses qu'il n'a pas comprises et encore moins assimilées, c'est une quête d'identité, de place dans cette nouvelle société en création. C'est aussi une peinture sans concession des inégalités, de la pauvreté, du désir de liberté, d'amour et d'amitié, de reconnaissance, de pardon.
Ce n'est pas forcément un texte à la lecture facile et il demande parfois un peu d'attention mais c'est ce qui fait aussi son intérêt pour qui s'intéresse à l'Histoire d'une future Europe alors aux balbutiements de sa construction et du début de la chute d'un empire. L'auteur nous parle de la jeunesse du début du siècle dernier, des jeunes pleins d'idéaux, de rêves et d'espoir en un monde différent, de désir de liberté.
Sur l'Esplanade, les premiers patineurs commencent à arriver. Ce sont quatre étudiants de l'Institut polytechnique voisin, et ni les tornades de neige ni les souvenirs à vif de « l'année terrible » ni même l'incertitude vis-à-vis du lendemain ne sauraient tarir leur soif de gaieté. Ils ont beau avoir passé le gros de l'année académique en réunions et en métingues d'ampleurs diverses, en manifestations de toutes sortes, en obsèques de camarades tombés dans la lutte, ils ont appris au fil des deux dernières années quelque chose de plus précieux que tout : l'audace.
C'est un texte riche avec un personnage, Rüdolfs, pour qui on ressent très vite de la compassion, un jeune avec ses qualités et ses défauts, à qui son époque n'aura laissé guère de choix. Un homme qui a toujours manqué d'amour et qui en a tant à donner. Un homme maladroit vivant dans une période que ne pardonne pas la moindre erreur.
C'est un pays et un pan d'Histoire qu'on ne connait pas forcément et qu'on découvre au fil des pages.
Comme souvent avec les romans publiés par Agullo, on apprend beaucoup tout en lisant une belle histoire d'Hommes.
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