Dans la bouche, elle avait un certain goût ; quand on avalait, elle en avait un autre ; après, le goût qui vous restait sur la langue était encore différent ; et quand on ouvrait la bouche pour aspirer de l’air frais, un quatrième goût apparaissait. Graduellement, l’effet était très fort.
La France nous avait offensés. À tous les coins de rue de Pékin, on lisait des slogans appelant à « boycotter les produits français ! » : ne pas conduire de Peugeot, ne pas porter de vêtements Hermès, Dior, Louis Vuitton ou Chanel ; ne pas manger de produits français. Une jeune journaliste empêcha Chu Pingyang de mener une interview, aussi s’éloigna-t-il. Le masque avait coûté 19 yuans, il était bleu à l’extérieur et la doublure noire. Une fois placé sur les yeux, il garantissait que le monde était bien aussi sombre qu’on l’imaginait.
« Ce petit con fait les choses n’importe comment. Dès qu’il s’est rempli la panse, il part naviguer en tous sens sur le canal, où il vend des trucs aux mariniers : cigarettes, alcool, nouilles instantanées, sauce piquante et même des préservatifs. Le tabac, l’alcool et les préservatifs, c’est ce qui part le plus vite ; je vois pas trop ce qu’on peut faire avec des préservatifs sur un bateau ; moi, j’ai jamais utilisé ce truc-là de ma vie ; en cas d’urgence, on se servait de vessies natatoires. »
De nos jours, il n’y a plus beaucoup de jeunes qui veulent passer leur vie avec ça. Ils veulent de l’espace, ils veulent de l’animation, du bruit, ils veulent de belles choses, du neuf. Dès qu’ils ont vingt ans, ils veulent tout. Quand ils atteignent l’âge de Chu Pingyang, qu’ils ont dépassé la trentaine et vont sur leurs quarante ans, le tapage et l’agitation ne les attirent peut-être plus. Même si on leur offre, ils n’en ont plus envie.
Après son départ pour Pékin, Chu Pingyang interrogea plusieurs célèbres professeurs de l’université de médecine et pharmacopée chinoises, qui tous n’y comprenaient rien. Ils se contentèrent de dire : piquer n’a jamais tué personne. Chu Trois-piqûres, à qui il raconta l’histoire, dit à son tour : pour eux, piquer n’a jamais tué