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Rose Labourie (Traducteur)
EAN : 9782330164058
288 pages
Actes Sud (16/03/2022)
3.45/5   57 notes
Résumé :
Angela Merkel essuie une larme. Les populistes viennent de remporter les élections. Le Frexit a suivi le Brexit, et l'ONU est sur le point d'être dissoute. La démocratie libérale a vécu. Gagnés par une forme d'apathie post-démocratique, la plupart des citoyens allemands de la classe aisée se détournent de la question publique et se recentrent sur eux-mêmes. Parfaits représentants de ce nouveau nihilisme aussi désabusé que pragmatique, Britta Söldner et son associé B... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Pour son second ouvrage en territoire science-fictif après Corpus delicti en 2010, la romancière (et juriste) allemande Juli Zeh imagine une histoire qui mêle uchronie et dystopie sur fond de thriller politique. Coeurs Vides, traduit par Rose Labourie, est un livre court mais passionnant publié cette année par les éditions Actes Sud dans leur collection ExoFictions. Si l'actualité semble actuellement davantage à l'action qu'à l'attentisme, le roman de Juli Zeh reste quant à lui tout à fait pertinent sur l'état de la démocratie en 2022.

Un terrorisme sous contrôle
Pour mieux comprendre de quoi l'on parle, plongeons dans l'univers de Coeurs Vides. Nous sommes en Allemagne en 2025 et Angela Merkel a perdu les élections au profit d'un mouvement nouveau appelé CCC (pour Comité des Citoyens Concernés) dirigée par une certaine Regula Freyer. Sous cette appellation, un parti autoritaire et extrémiste qui réduit petit à petit toutes les libertés et les acquis fondamentaux des citoyens allemands à coup de « packs d'efficience ».
De la réduction du seuil démocratique à l'interdiction des bières étrangères, le CCC cadenasse la société allemande « pour son propre bien ».
L'Allemagne n'est d'ailleurs pas la seule dans cette étrange situation puisque l'on apprendra au détour d'une phrase que le Frexit a suivi le Brexit, que Donald Trump et Vladimir Poutine ont redoré leur image publique en parvenant à exiler Bachar al-Assad et à mettre fin à la guerre en Syrie.
Un vent autocratique souffle sur le monde et l'Europe n'y fait pas exception.
Dans ces conditions, on imagine déjà des révoltes un peu partout…mais Coeurs Vides nous prend à contre-pied en débutant son action par un repas entre amis tout ce qu'il y a de plus banal. Alors que les enfants des deux couples s'amusent, la politique n'est abordée que du bout des lèvres, de façon un peu honteuse, comme si un ras-le-bol silencieux s'était emparé des convives.
Il faut dire aussi que l'hôte de la soirée, Britta Söldner, profite largement de la situation actuelle en Allemagne puisqu'elle dirige une organisation d'un genre très particulier appelée le Pont avec son ami et collègue Babak Hamwi. Sous ses dehors d'organisation thérapeutique pour les suicidaires allemands, le Pont repère les éléments les plus à risques de la société pour les passer à travers un programme en douze étapes visant à tester leur volonté suicidaire.
Et si rien n'y fait, ni les cliniques, ni les médicaments, ni la torture, ni la mise en conditions réelles, Britta leur propose de donner une utilité à leur suicide en les rencardant avec des organisations terroristes, des écologistes de Green Power aux islamistes de Daech, tout en fixant un nombre de victimes et un montant de dégâts acceptables. Une façon comme une autre de garder le contrôle et d'être cyniquement utile à la société apathique dans laquelle vit Britta. Sauf que lors de ce repas entre amis, un attentat est déjoué à Leipzig…et Britta n'y est pour rien ! Un concurrent mystérieux vient rebattre toutes les cartes et menace l'équilibre de la terreur savamment entretenu par l'organisation.
Voilà, en somme ce qui va occuper notre « héroïne » Britta Söldner pendant les 285 pages de Coeurs Vides. Les guillemets sont de rigueur puisque Britta est loin d'être une personne recommandable. Au contraire, elle constitue certainement une synthèse parfaite de la situation politique de son pays pris dans la tourmente post-démocratique des années 2010–2020.
Juli Zeh, au-delà du thriller mené de main de maître, s'interroge sur ce qui pourrit nos démocraties et les mènent à l'échec.

En quête de sens
La dystopie dans Coeurs Vides restent toujours en sourdine, au détour d'une discussion entre amis, après l'annonce d'une nouvelle mesure restrictive par le CCC, en croisant des terrains aménagés pour des programmes spéciaux autour du sport, en scrutant le déplacement de Regula Freyer à l'étranger…
Et si le noeud uchronique du roman, en l'occurrence la victoire mondiale du populisme et de l'autoritarisme, se fait vite discret, c'est parce que le roman de Juli Zeh n'est pas tant un roman d'anticipation qu'un roman de politique-fiction où l'autrice démêle les fils enchevêtrés d'une démocratie qui a perdu la face. Son héroïne, Britta, est un parfait reflet du glissement d'une partie de la population, ni trop pauvre ni trop aisé, qui trouve dans la situation une zone grise lui permettant de vivre plus ou moins confortablement.
Britta profite du cynisme ambiant et de la perte de l'élan vitale chez ses concitoyens pour les utiliser à des fins politiques et populistes, prenant le terrorisme pour une monnaie d'échange, un business, transformant le message politique en stratégie marketing. Britta, au fond, a conscience que ce qu'elle manigance n'a rien d'innocent, mais elle préfère ignorer ce fait et mettre en sourdine sa propre conscience pour profiter des bénéfices générés par cette entreprise peu recommandable.
Elle est donc à l'image de la société dans laquelle elle vit, une société où l'on troquerait volontiers ses droits démocratiques contre un lave-linge, au diable les grands principes et vive le confort moderne capitaliste. Juli Zeh constate l'échec du système démocratique parce qu'il repose sur un investissement minimum de la part du socle, c'est-à-dire du citoyen. Que se passe-t-il quand celui-ci n'a plus l'envie, dégoûté par un système qui tourne à vide et qui joue avant tout sur la peur de son prochain pour fonctionner ? Que se passe-t-il lorsque l'électeur, rassuré par la stabilité de son petit confort moderne n'a plus l'impulsion de se renseigner, de s'informer et, finalement, de s'indigner ?
Que se passe-t-il quand même les actes terroristes deviennent des petits arrangements entre amis quasi-inoffensifs ?
La démocratie meurt, le vote n'a plus d'utilité et les opportunistes (du CCC) s'engouffrent dans la brèche. Dès lors, la démocratie d'hier devient le terreau fertile des dictatures de demain.

De la violence en politique
Il y a dans Coeurs Vides un constant sentiment de gâchis qui entre en collision avec l'utilisation du suicide comme d'une arme politique. Il est d'ailleurs édifiant que Juli Zeh ait choisi ce sujet tabou dans les sociétés occidentales pour construire son intrigue, nous mettant aux côtés de personnes particulièrement déterminés à mourir et qui, sans en avoir conscience, sont bien plus vivantes que la plus grande part d'une population rivée à son écran de smartphone ou à son fil Twitter.
Là où l'autrice allemande surprend, c'est par son refus cependant de faire tomber un régime totalitaire par des méthodes tout aussi expéditives.
Elle a l'intelligence de comprendre, et de nous faire comprendre, que de forcer un changement de régime quand la population n'a pas pris la mesure du mal qui règne dans le pays, c'est toujours et encore décider pour ladite population et la renforcer dans son apathie. C'est remplacer une dictature par une autre forme de dictature, c'est oublier de réveiller le monde et approuver la léthargie de l'électeur moyen qui regarde les changements comme un spectateur regarde les rebondissements d'un blockbuster au cinéma.
Dans le fond, tout le cheminement de ce roman plus malin qu'il n'en a l'air, c'est de chercher à réveiller les consciences, par l'extrême, par un chat gris et une pierre, et pas en caressent son lecteur dans le sens du poil. Car si l'on ne réagit plus devant ce qui est fondamentalement mal, peut-être ne mérite-t-on pas autre chose à la fin ? Derrière la mécanique de la terreur, Juli Zeh réfléchit sur l'impact de la violence et les conséquences de la radicalité idéologique pour mieux capter l'immobilisme de notre siècle, consacrant sans le dire Julietta comme la véritable héroïne de cette histoire à la place d'une Britta complice et opportuniste.

Mêlant dystopie, uchronie et surtout politique-fiction, Coeurs vides parvient à questionner le lecteur sur son engagement démocratique et à réfléchir sur les limites d'un système qui repose sur la volonté de ses électeurs. Ajoutez-y un thriller efficace et un sous-texte dérangeant sur l'utilité de la violence pour changer les choses et vous obtenez un roman engagé et dérangeant qui refuse les effets de manche.
Lien : https://justaword.fr/c%C5%93..
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Allemagne 2025. Angela Merkel a cédé le pouvoir au CCC, un parti populiste qui saborde peu à peu les fondements de la démocratie sous couvert d'améliorer la vie des citoyens. L'ONU est en passe d'être dissoute, Trump et Poutine ont réussi à rétablir la paix en Syrie et à mettre Bachar al-Assad en fuite. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Britta et son associé, Babak, fondateurs d'un cabinet de psychologie pas tout à fait comme les autres qui détecte les candidats au suicide et met en contact ceux qui sont sûrs de vouloir aller jusqu'au bout avec des organisations en quête de kamikazes. Mais qui sont donc ces 2 terroristes se réclamant du groupe Empty Hearts qui viennent de commettre une tentative d'attentat complètement ratée ?

Coeurs vides est présenté comme une dystopie mais à la lecture celle-ci paraît légère, ô si légère, au vu des événements politiques mondiaux récents : certes le livre a été écrit avant la guerre en Ukraine mais les événements qu'il décrit semblent si proches de notre réalité qu'on ne réalise que quelque chose cloche qu'à de petits détails. le CCC (Comité des Citoyens Concernés) impose petit à petit la dissolution de la démocratie et du débat politique via des "packs d'efficience" visant à répondre aux attentes des citoyens en supprimant tous ces vieux machins inutiles (un parlement ? un état fédéral ? pour quoi faire ?). Dans un pays où un récent sondage a révélé que plus de 70% de la population, sommés de choisir entre renoncer à son lave-linge ou au droit de vote, préfère garder son lave-linge, quoi de plus normal ? La vie paraît finalement bien douce pour Britta et sa famille, habitant une maison moderne et fonctionnelle dans une ville moyenne visant elle aussi à l'efficience au détriment de la beauté. Et le fait que le Pont le cabinet de conseil de Britta accompagne des candidats au suicide et aille jusqu'à mettre en relation les plus déterminés avec des organisations terroristes souhaitant commettre des attentats bien organisé et avec un nombre de morts savamment étudié n'est-il pas finalement aussi une preuve d'efficience et de rationalité ?

Vous l'aurez compris Coeurs vides est un roman glaçant qui imagine un des futurs possibles pour nos démocraties à bout de souffle où les citoyens se désintéressent peu à peu du débat public et de la politique. L'écriture de l'auteure est détachée, froide mais très efficace. Elle nous embarque rapidement dans son récit et arrive à nous rendre attachant le personnage ambigüe de Britta, cette femme qui a peut être tout compris avant les autres et dont le cynisme et l'égoïsme complet sont finalement sans doute la seule solution pour survivre à un monde où toute conviction paraît obsolète. C'est aussi un roman plein d'une ironie jubilatoire et grinçante, l'auteure glisse au fil des pages soit des petites distorsions de la réalité qui font froid dans le dos (imaginer Trump et Poutine alliés pour rétablir la paix dans le monde !) soit des réflexions sur la politique et le débat public qui appuient précisément là où ça fait mal.

Le livre est construit autour d'une intrigue qui nous tient en haleine, le passé et la vie des personnages et la réalité de cette société nous sont révélés petit à petit et les 100 dernières pages s'accélèrent quand les Empty Hearts passent réellement à l'action et menacent les activités de Britta et Babak. On ne peut pas dire que ce soit une lecture agréable, tant ce roman nous questionne et nous malmène, nous fait prendre conscience de ce que nous ne souhaitons peut être pas voir, mais c'est clairement très efficace et cela dit plein de choses sur nos démocraties européennes. Un livre magnifiquement original où l'auteure arrive à aller au bout de ses idées et de son scenario de manière complètement cohérente et aboutie, un roman que j'ai eu plaisir à découvrir et qui me donne envie de lire les autres titres de cette auteure (mais plutôt après une petite pause lecture plus facile car il y a ici beaucoup de noirceur !). A recommander !
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Nous y sommes. ..Presque.. Peut-être. Déjà à ce point de rupture, de bascule. Moments historiques de perte, de renoncement. Tous ces instants silencieux où peu à peu nous avons laissé faire, laissé interdire, laissé dire et commettre. Complices d'un laisser taire, laisser aller. Libertés amoindries, écornées, étouffées, concédées. Un tranquille asservissement. Un tout sécuritaire, un hygiénisme mental. Une imbécile docilité létale. le récit est juste, dérangeant parfois. On voudrait penser « anticipation » et la « réalité » nous assaille. Comment ne pas reconnaître entre ces pages le récit de ce que notre vieux monde traverse. Les mots sont justes. Terrifiants. «  Repose en paix, débat public, ton hospitalité était sans égale. Tu avais toujours toujours de la place à table, fidèle compagnons des dîners animés et sorties au bistrot, tu étais un combat et un jeu, notre refuge et notre horizon. Nous restons orphelins, inconsolables, dispersés, ébranlés. » Les mots sont aussi colère contre ceux qui applaudissent devant un possible désastre et qui avaient confié, à maintes reprises, à d'autres le choix d'une politique aussi bien locale que générale.
Abrutissement d'un grand nombre. Voilà le sage public du désastre.
Les mots sont aussi rebondissement, réveil, espoir.
« Coeurs vides », roman de l'auteure allemande Juli Zeh est un effectivement un roman extrêmement contemporain. Traduit par Rose Laborit, pour les éditions Aces sud ( collection Exofictions), ce roman interroge frontalement et sans détour les ordres et désordres des forces de résistance de nos sociétés. Une auteure qui mérite toute notre attention et nos remerciements.
Opération Masse critique Babelio/ Editions Aces Sud
Astrid Shriqui Garain
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Dans le cadre de la Masse Critique: Mauvais Genre de Mars 2022, j'ai reçu ce roman. Remerciement à Babelio pour cette opportunité.

Je découvre donc l'autrice avec ce roman uchronique. L'idée de départ est pleine de promesse, cette vision critique et pleine de sarcasmes de notre société est un angle d'attaque qui me plait. Les sujets traités sont variés Politique, Démocratie, Capitalisme, féminisme, fanatisme, Santé mentale... L'idée même, d'une entreprise qui analyse, déniche, teste et vend le désespoir comme chaire à canon me semblait si noir, si cynique que j'avais une folle envie de lire ce livre.

En revanche, à l'usage, l'histoire en elle même aura manqué de rythme. L'action n'est pas le coeur du roman, et en 280 pages je me suis entendu dire à plusieurs reprises : "Oui c'est bon, on a compris l'idée...". Je n'ai pas ressenti d'attachement aux personnages, qui sont de véritables caricatures au service du sens profond du roman. La plume n'est pas désagréable en soi mais ne m'a pas charmé pour autant, il reste difficile d'avoir une idée tranchée avec seulement un roman de lu de l'autrice.

Tout ça reste très personnel évidemment mais je me suis ennuyé durant ma lecture. le sujet extrêmement prometteur n'a pas su me convaincre sur le papier et j'en suis le premier surpris.
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La satire sociale est un exercice que j'aime beaucoup, car elle fait écho à ma vision parfois cynique du monde, donc j'ai toujours du plaisir à me plonger dans ce type d'ouvrage, surtout quand cela porte le label « Science-Fiction ». A l'inverse de Quality Land, lu récemment et publié chez le même éditeur, Coeurs Vides propose une toile située dans un futur bien plus proche, et plus sombre : 2025.

En 2025, Angela Merkel a été démise du pouvoir par l'opinion publique, renversée par le Comité des Citoyens Concernés (CCC), un groupe politique extrémiste, autoritaire, et abolissant petit à petit les libertés du peuple allemand.

La politique de l'autruche
C'est le désintérêt du peuple, et probablement sa lassitude qui a pu mener à une telle situation politique. Car il est plus simple de ne pas chercher à comprendre, dans un monde où l'information est tellement dense. Car il est plus simple de voter pour le candidat qui nous apparaît le plus sympathique. Car il est plus simple de ne pas voter, simplement. En effet, une majorité du peuple allemand préférerait être démis de son droit de vote que de son lave-linge.

L'Allemagne n'est pas seule non plus. Après le Brexit, la France (avec le Frexit) a suivi le même chemin, et nombreuses sont les nations qui sont en passe de suivre cette voie. La désunion est maîtresse dans le contexte géopolitique actuel.

Ces constatations font froid dans le dos. 2025, c'est demain, et Coeurs vides s'annonce presque comme une mauvaise prophétie. Ce n'est pas un secret, la polarisation des extrêmes politiques grandit de jour en jour, et le taux d'abstention lors d'élections ou votations atteint des records.


For the greater good, questionnements éthiques
A l'instar des questionnements politiques, ceux relatifs à l'éthique font également preuve d'une importance majeure dans ce récit. On les retrouve dans le propos général de l'autrice, mais également incarnés par son personnage principal Britta, qui a son tour les soumet à sa meilleure amie (Janina) en quête de validation.

Britta sait, au plus profond d'elle, que son activité est fondamentalement douteuse, et que le secret qu'elle entretient auprès de ses proches la ronge. En effet, le Pont est une entreprise de psychothérapie. En deçà de ce pignon sur rue, le Pont est un intermédiaire entre des hommes suicidaires, éprouvés par le Pont, et des organismes terroristes (et qu'importe la cause) qui les emploieront comme kamikazes.

Finalement, ne serait-ce pas offrir une mort digne à des hommes persuadés de cette décision, en leur offrant d'aboutir à leur désir par le service d'une cause ? Ne serait-ce pas leur offrir une plus belle dernière action que celle qu'ils auraient eu sans rencontrer le Pont ? D'avoir l'opportunité d'avoir une dernière fois des paillettes dans les yeux avec une mort infaillible ? Mais ne serait-ce pas non plus cautionner le terrorisme, qui, d'un point de vue objectif, est intrinsèquement mauvaise ?

Nihilisme
Le roman revêt aussi une dimension presque philosophique, avec de nombreuses références au nihilisme que l'on peut retrouver dans les descriptions de Nietzsche, Cioran ou encore les sceptiques du XIX. le courant proclame, notamment, l'amoralisme, le scepticisme moral, l'effondrement des croyances, un rejet de l'idéalisme. Ce nihilisme est démontré tant dans les découvertes propres au déroulement du récit, que dans le déclin psychologique de Britta.

Autres menus détails
Dans l'ensemble, le récit est plutôt lent, dans une sorte de contemplation presque morbide. le récit et l'intrigue sont là pour servir le propos que défend l'autrice. Ce n'est pas un livre vraiment plot-based, peut-être un peu plus character-based, bien qu'ils soient froids – à l'image du roman. J'admets que celui que j'ai préféré, c'est Babak, que j'ai trouvé attachant.

De plus, à quel point ce livre fait-il vraiment partie du genre de la science-fiction ? Les éléments présentés sont tellement crédibles que le titre paraît presque être plus une prémonition, une anticipation qu'une dystopie.

Finalement, j'ai envie de conclure en disant que même si le roman est sombre et déprimant, il se conclut sur une sorte de résolution teintée d'une lueur d'espoir, ténue.

En résumé : Coeurs vides est un bon roman d'anticipation dystopique, mais surtout de critique sociale, politique, crédibles. le rythme est plutôt lent, et je pense que ce titre n'est donc pas fait pour tous. Beaucoup risquent de ne pas y trouver du plaisir et de la compréhension, mais ça n'a pas été mon cas !
Lien : https://navigatricedelimagin..
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critiques presse (2)
LeMonde
05 mai 2022
Paru en 2017 en Allemagne, le roman reflète l’inquiétude qu’ont pu provoquer les progrès et la radicalisation du parti d’extrême droite AfD aux yeux d’une démocrate écœurée par le cynisme contemporain.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
23 mars 2022
Dans une Allemagne aux mains des populistes, les convictions ne sont plus de mise, le suicide est une issue de choix. La romancière lance l’alerte.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
En réalité, Britta n'aime pas les terrains de jeux. Ça l'a rend triste de voir ce que deviennent les gens qui n'en ont que pour leurs enfants. Des pères qui s'esquintent le bras à pousser la balançoire pendant des heures. Des mères qui se promènent à quatre pattes dans des tunnels en plastique en grognant comme des cochons. Des couples qui construisent avec enthousiasme un château de sable à quatre mains pendant que leur gamine de trois ans regarde dans le vide d'un air blasé. Britta n'aime pas les biberons ni les crackers au riz. Ça l'insupporte d'entendre des femmes passer leurs après-midi à discuter des capacités intellectuelles hors normes dont les caprices de leur progéniture seraient le symptôme. Britta aussi aime sa fille. Mais à l'inverse des autres parents, elle n'utilise pas Vera comme substitut à tout ce qu'ils ont perdu : la politique, la religion l'esprit de groupe et l'espoir d'un monde meilleur.
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Dans leur quête éperdue de sens, les gens se bardent de pierres semi-précieuses, arborent des bracelets magnétiques et refusent de se doucher après leurs séances de prana pour conserver leur énergie. Jusqu'au jour où ils se mettent en tête qu'en finir une bonne fois pour toutes serait la meilleure solution.
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Elle imagine un vent de renouveau balayer le pays, emportant avec lui non seulement l'élite du CCC mais aussi ses partisans, ces râleurs patentés dont, depuis des décennies, la malveillance et l'étroitesse d'esprit minent les fondements de la démocratie. Qui ont fait d'internet un caniveau, qui ne sont heureux que quand ils peuvent prendre les autres de haut. Qui se placent au-dessus de tout, eux et leurs besoins puérils. Qui préfèrent croire au complotisme simpliste plutôt que de se confronter à la complexité de la réalité. Qui exigent sans arrêt que les choses changent et piquent une crise quand on fait des propositions. Dont seul l'égocentrisme surpasse l'ingratitude, de sorte que même dans un état de saturation maximale, ils sont capables d'envier le reste du monde. Dont la plus grande joie se trouve dans la hargne anonyme. Cette lie de post-démocrates mal lunés qui sont en train de brillamment sacrifier le plus grand acquis civilisationnel de l'histoire de l'humanité à leur complexe d'infériorité personnel.
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Elle a du mal à croire qu'il y a encore quelques jours elle était ici à regarder les filles gambader dans le jardin avec des cris de joie. Elle a l'impression que leur petite virée à quatre a eu lieu dans un autre monde. Sur le coup, elle ne se rendait pas compte qu'elle avait tout pour être heureuse. Au lieu de se rouler dans l'herbe avec Vera, elle s'était énervée pour une histoire de prof de maths et de cocktails Molotov. Au lieu de se laisser dorer par le soleil en partageant la joie de Janina à l'idée d’habiter la maison de ses rêves, elle avait inventé un dilemme à base de bouton permettant d'expédier les gens dans l'au-delà. Elle ne s'était pas intéressée à Vera, n'avait pas écouté Janina, tout ça parce qu'elle croyait pouvoir le faire n'importe quand. Depuis combien de temps passe-t-elle à côté de ce qui est beau sous prétexte que ça lui semble aller de soi ?
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Aujourd'hui, quand on a besoin d'un terroriste, on n'est plus obligé de faire appel à des djihadistes aveuglés souffrant de trouves narcissiques, à des gamins fétichistes des armes ni à des psychopathes qui détestent les étranger et les femmes. A la place, on a un martyr formé par des professionnels et soumis à une batterie de tests, décidé à mourir pour une cause supérieure.
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Juli Zeh parle de son nouveau roman *Brandebourg*
L E S I T E ?? http://www.actes-sud.fr/brandebourg/
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