Le livre d'or de la science-fiction : Roger Zelazny

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé Roger Zelazny.
Quand j'étais plus jeune, j'aimais surtout le visuel que générait ses textes. Les images explosaient dans ma tête, colorées, explosives, puissantes comme les mythes qu'elles mettaient en scène. Bref, du cinéma hollywoodien sur écran intérieur.
Par la suite, j'ai aimé cette capacité à immerger immédiatement le lecteur dans ses univers, entrainant la confusion de ce dernier qui se demande où il est, puis, le temps d'adaptation passé, la jouissance de suivre au plus près les péripéties. L'auteur le dit lui-même ici, dans le texte le mystère de la passion : « je me suis toujours efforcé de tenir la promesse par laquelle je m'étais alors engagé à ne pas faire injure à l'intelligence du lecteur ».

C'est Marcel Thaon, un psychologue amoureux de SF et parfois obscur, qui analyse l'oeuvre et commet la biographie de Zelazny. Il décrit la vie de l'auteur plus à travers son parcours professionnel qu'à travers sa vie privée, relativement calme (Marcel Thaon dit : « il ne faudra donc pas attendre de ces pages le compte rendu de grandes crises d'écriture »).
Le choix des textes est presque parfait. Ils sont regroupés plus ou moins arbitrairement en quatre grands thèmes. Ils sont très courts pour la plupart – moins de dix pages – mais certaines atteignent la trentaine.

Premier thème : la culture sous-tend les textes. On y trouve deux nouvelles épatantes : En exposition, où l'artiste devient sa propre oeuvre d'art et va s'exposer lui-même comme une statue dans un musée (un texte qui montre que Zelazny est capable de ne pas se prendre au sérieux) et le cadeau des Borgia où la main de César Borgia s'avère avoir été « greffée » sur des individus devenus célèbres comme Napoléon ou Hitler.
Deuxième thème : le pouvoir détenu par de nombreux héros zelazniens, sans que cela les protège. Je retiens les deux très bons textes où certains êtres sont devenus des constructeurs de planètes, également présents dans L'île des morts, intégrale : Clefs pour décembre et Lumière lugubre.
Troisième thème : l'interaction de l'homme et de la machine. J'ai beaucoup aimé L'homme qui aimait la Faïoli, qui se passe au-delà de la mort, et le temps d'un souffle je m'attarde, où les machines chargées de contrôler la planète après la disparition de l'homme s'interrogent sur leur créateur.
Quatrième thème : l'extraterrestre, l'étranger, toujours discret chez Zelazny. La fièvre du collectionneur est très drôle (imaginez une espèce de rochers pensants qui ne rêvent que d'exploser) et le jeu de cendre et de sang vertigineux (deux puissances jouent un jeu où chaque mouvement consiste à modifier un détail de l'Histoire humaine).
Dernier thème : la fantasy. J'ai eu la joie de relire deux textes mettant en scène Dilvish le Damné, dont je recommande la lecture de l'intégrale. Il y a aussi un excellent texte arthurien : le dernier rempart de Camelot et une nouvelle où Zelazny a d'abord exploité les voyages entre les mondes ombres, qu'il va développer dans Les princes d'Ambre : L'amour est un nombre imaginaire.

Ce livre d'or est une excellente entrée en matière pour qui veut découvrir l'auteur.

Ma notation selon l'échelle de Perceval :
Sur une échelle de 2 à 76, et là je préfère prendre large : de 2 à 71 c'est pas pour moi, de 72 à 75, c'est toujours pas pour moi, et seulement à 76 je prends mon pied en gueulant Yes !

Six Hugo, trois Nebula, c'est peu dire que Roger Zelazny n'est pas un inconnu en science-fiction. Pourtant, je ne connaissais guère ses textes, quand bien même ressortent régulièrement des rééditions, voir des inédits (Mnémos, Helios ou le Bélial).
Marcel Thaon avait réunit en 1985 plusieurs de ses nouvelles, 25 au total en lui consacrant ce livre d'or de la science-fiction.
Le recueil s'ouvre sur un article de l'anthologiste, Roger Zelazny : entre Frankenstein et Pygmalion. Très érudit, très dense, la carrière de l'auteur n'aura plus de secret pour vous.

Qu'en est-il cependant du coeur du sujet, les textes de Zelazny ? Mon barème va de Excellent à Pas ma came. Seuls 4-5 nouvelles ont eu ma faveur. C'est surtout son style et écriture qui ne m'ont pas transporté. Par contre, j'ai été très étonné que l'auteur s'empare de la majorité des concepts SF s'en en avoir l'air, en les nommant autrement, comme la terraformation, le clonage, l'IA... Cela en fait des textes un peu atypiques pour le lecteur, la technologie n'y étant abordé que de biais, ou comme un personnage à part entière.

Au vue du nombre de textes, je ne vais pas revenir sur tous, me concentrant pour une fois sur ceux qui ont éveillé mon intéret.

Le temps d'un souffle, je m'attarde
Des machines intelligentes contrôlent la Terre alors que l'homme a disparu. Une des machines tente de comprendre ce qu'il était.
Une longue nouvelle qui voit s'opposer logique contre raison, rationalisme contre sensation. Un très beau texte sur des IA voulant devenir humaines pour combattre la "bêtise" mécanique .

Clefs pour Décembre
Jarry Dark, le féliforme est un humain (?) qui a subi une transformation physique et biologique pour vivre sur une planète. Lorsque celle-ci disparait, difficile de trouver une autre demeure accueillante.
Ce texte interroge comment construire une maison tout en respectant le lieu de son implantation. En d'autre termes, coloniser, terraformer doit il se faire au détriment de ce qui y vit ?
Terraformation et transhumanisme, un subtil point de vue, entre la morale individuelle et celle collective.
Ce texte est disponible dans l'édition Mnémos : L'Île des morts, intégrale, paru en 2016

Lumière lugubre
Alors que Francis Sandow a façonné Lugubre pour en faire une planète prison assorti de planète test pour tout un tas de matériel, le narrateur, un prisonnier, tente de de faire une découverte qui pourrait racheter ce qu'il a commis jadis.
Un texte non dénué d'humour et de suspense, et alors que l'on se demande depuis le début la cause de cette découverte, la chute vient redistribuer les cartes.
Francis Sandow fera d'autres apparition dont L'île des morts
Ce texte est disponible dans l'édition Mnémos : L'Île des morts, intégrale, paru en 2016

Un essai d'une cinquantaine de pages ,une sélection de 25 nouvelles et une bibliographie constituent ce volume . J'aime globalement Zelazny ,chez qui on retrouve un fond de mélancolie centre européenne mêlé à l'imagination américaine. le personnage type de ses nouvelles se trouvent souvent sur une plage ,méditant entre terre et mer, chair et métal,vie et mort , pouvoir et faiblesse. Sur cette ligne de partage entre divinité et faiblesse humaine ,Zelazny utilise les grands mythes de l'humanité (ou en invente) pour bâtir ses fables. Ma préférée du recueil"L'homme qui aimait la Faïoli"