J’aime avoir un ami qui pense, comme moi, qu’on ne peut pas prendre le risque de mourir sans avoir lu certains livres.
En Israël, tous les extrêmes de la société se côtoient, difficilement parfois. Ils y a des gens trop riches et d’autres honteusement pauvres. Des ombres noires qui se balance en priant Dieu et des silhouettes en mini-jupe qui dansent en croyant au plaisir et à l’instant présent. Des militants qui veulent la paix maintenant, et qui savent que, pour cela, il faudra donner aux Palestiniens le droit de vivre comme ils l’entendent. Et d’autres qui proclament leur attachement à la Terre, à la Bible. […].
Dans le pays où je vis en 1989, il y a mille révolutions à faire.
Je n'aimerais pas vivre dans un pays où il n'y a rien à changer. (p. 213).
L’armée, ici, fait partie de notre vie. […]. Le garçon ou la fille de dix-huit ans donne deux ou trois des plus belles années de sa vie au pays. Concernant l’armée, tout le monde à l’air d’accord sur un point : c’est extrêmement fatigant, mais indispensable.
C'est à ça que je reconnais un bon livre. Quand le sourire et le désespoir sont mêlés. (p. 50)
Je ne me lasse pas des pierres de Jérusalem, de la lumière qui explose sur elles, des odeurs, des visages, des religions juive, chrétienne, musulmane qui ont façonnée les rues. J’aime me promener dans le souk arabe de la Vieille Ville, boire un café turc, épais et amer, servi dans un verre ou déjeuner de pain arabe, au sésame ou au thym. Je contemple avec fascination les Juifs pieux devant le mur Occidental, vestige du Temple détruit il y a deux mille ans par les Romains, et appelé à tort en français « mur des lamentations ». Car ceux qui y prient ici en se balançant ne se lamente pas. Ils ont des regards hallucinés, comme s’ils voyaient ce que je ne vois pas ― Dieu ? ― en le tutoyant pour lui demander d’intervenir dans un monde devenu fou.
Nous attendons toutes impatiemment, ce qui a alimenté les conversations durant les derniers mois, avec les copines : l’uniforme.
Je crois que nous espérions toutes une métamorphose grâce à lui, un plus de séduction, d’assurance, d’identité. Les mains s’impatient sur les paquets. A l’intérieur : un énorme sac en toile de jute, le baluchon du soldat, deux chemises à manches longues, une chemisette en coton rigide, un gros pull qui gratte, deux pantalons, un jupe coupée comme un sac à pommes de terre, un calot noir avec l’insigne Tshal, un sac à bandoulière, avec deux bandes phosphorescentes pour être repérée la nuit, et des chaussures incroyablement années 50, que l’on appelle communément « Golda » en référence à Golda Meir (Premier ministre de l’Etat d’Israël de 1969 à 1974) qui en usa quatre-vingt-deux paires dans sa vie, et qui s’intéressait autant à la mode qu’une paysanne ukrainienne du XIX -ème siècle.
On ne parle pas à un soldat comme à un adolescent. Personne ne lui demande de ranger sa chambre, de baisser le volume de la musique, de libérer la ligne téléphonique. Ces phrase, qui rythmaient ma vie avec mes parents il y a quelques semaines encore, je ne les entendrai plus.
Je suis détendue. Ou plutôt: à l'extérieur de moi-même. Etrangère. Je suis pour moitié dans une base, et pour moitié "chez moi". Et les deux parties, jamais, ne se rejoindront. C'est une certitude. Rien ne pourra réunir les deux mondes, il faudra que je m'arrange toute seule pour supporter une double vie, en évitant de devenir schizophrène.
"C'est avec eux que j'ai appris qu'une langue était débord une musique, un assemblage de sons." - Eux = ses camarades de classes qui sont tous d'origine différentes;