Ce récit ou "livre-mémoire" fut rédigé par Mikhaïl Zenkevitch entre 1922 et 1928. Son titre original était "Le sphinx de Moujitski" (Мужицкий сфинкс). Il ne parut qu'après la mort de l'auteur en 1991.
Les événements qui en constituent la trame, dont certains sont d'ordre historique, se situent entre 1916 et 1922 à Pétersbourg.
On y rencontre, ou y sont évoqués, nombre des poètes et écrivains les plus remarquables de l'époque. Le récit de ces événements par l'auteur, les rencontres étonnantes qu'il peut y faire, sont vécus comme une forme d'hallucination; il est difficile d'y distinguer les parts respectives du rêve et de la réalité.
Le personnage central, Elga, n'est autre que la grande poétesse Anna Akhmatova, devenue ici figure obsessionnelle qui hante littéralement l'ouvrage : "Quand je pense longtemps à elle, il me semble que je vais percer le mystère, trouver le bout de la longue pelote de fil emmêlée mais, chaque fois que je crois le saisir, il m'échappe, et je le perds ..."
"Quelle invraisemblable vérité !" fut le commentaire de Akhmatova après avoir lu le manuscrit.
Mikhaïl Alexandrovitch Zenkevitch (1886-1973) appartint au courant poétique des acméistes.
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Psychose typhique, dédoublement de la personnalité, schizophrénie, qu'importe le nom de ma maladie. Une chose est certaine: elle progresse rapidement. Avec chaque nouvelle crise les hallucinations se font plus réelles, incongrues, obsédantes.
Ensuite, il y eut de petites enveloppes roses parfumées, une voix tendre et lointaine au téléphone, des rencontres furtives (elle était toujours pressée), enfin, après une promenade dans les îles, une brève étreinte inattendue pour tous les deux, douce et torturante, dans le cabinet particulier d'un restaurant, à la lumière électrique: ses lèvres sentaient la fraicheur de la débâcle sur la Néva et la liqueur qu'elle venait de boire.
Mais aujourd'hui tout est sombre, silencieux et désert. Craquements plaintifs des branches tendues avec désespoir vers un ciel où aucune étoile ne brille, clapotis des vagues affamées guettant quelques noyades, (...), menaçant de se répandre brutalement sur les rives pendant la nuit ...