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EAN : 9782021395938
336 pages
Seuil (07/01/2022)
3.11/5   37 notes
Résumé :
Lucy et Sam, filles d’immigrants chinois, sont désormais orphelines. Ma est partie depuis un moment, Ba vient de mourir dans la nuit. Les deux fillettes livrées à elles-mêmes entament alors un long périple au cœur d’une nature inhospitalière, peuplée d’individus agressifs et souvent racistes, à la recherche de l’endroit idéal pour enterrer leur père. L’une est raisonnable et avide de connaissances, l’autre arbore et assume une identité de garçon, refusant de se plie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Ce captivant roman s'ouvre sur une scène absolument saisissante. 1862 dans l'Ouest californien. La mort d'un père. La quête de ses deux filles, Sam et Lucy, onze et douze, pour trouver un lieu pour l'enterrer dignement ( thématique proche du Tandis que j'agonise de Faulkner ). le corps dans une pauvre caisse en bois, charrié dans une remorque attachée à un cheval volé. Un corps encombrant qui se décompose et tombe littéralement en morceau. Un périple hanté par la voix du père mort qui se raconte.

Bisons, poussière cuite au soleil, grandes chevauchées ... C Pam Zhang convoque toutes les figures classiques du Western époque ruée vers l'or pour mieux les revisiter ou plutôt les exploser allègrement afin de créer un récit totalement original empli de perspectives inattendues, enrichissant le Western de nuances sur l'appartenance raciale, l'identité sexuelle, la pauvreté, le racisme et même l'adolescence, prenant des chemins détournés, des risques aussi.

Elle démonte carrément le mythe du grand Ouest en le complétant de visages nouveaux longtemps invisibilisés, à l'importance minorée dans la construction des Etats-Unis, : les visages de l'immigration chinoise, d'ouvriers ferroviaires pour le Transcontinental à mineurs de charbon ou encore chercheurs d'or. Ma ( la mère ) a migré de Chine, Pa ( le père ), leurs filles Lucy et Sam sont nés en Californie. Subtil sapage de l'idée que tous ceux qui étaient d'origine chinoise à cette époque devaient être des immigrés, poussant ainsi une réflexion riche sur l'appartenance et l'enracinement à une nation dans un territoire exploité compulsivement par des colons désespérés et des opportunistes avides.

En conteuse intuitive, elle construit un roman initiatique surprenant, croisant les époques dans un flux narratif très délié, composé de quatre parties dont tous les chapitres portent les mêmes titres, bruts et élémentaires : « eau », « or », « boue », « prune », « sel », « sang », « vent », « viande ». C Pam Zhang insuffle vie à ce récit de survie grâce à une prose remarquable, aiguisée pour décrire la violence, lyrique quand il s'agit d'évoquer les grands paysages, oniriques avec ces tigres compagnons fantasmés des bisons disparus. La syntaxe varie, les métaphoes surgissent.

« Sur le dos de Nellie, les collines défilent à une vitesse qui les rend liquides. L'océan dont parlait Ma, reconstitué avec de l'herbe jaune. Les montagnes au loin, rapprochées, jusqu'à ce qu'un jour Lucy voie : tiens, elles ne sont pas bleues. Broussailles vertes et roche grise, ombres violettes enfoncées parmi les crêtes.
La Terre, également, retrouve des couleurs. le cours d'eau s'élargit. Massettes, pourpiers d'hiver, touffes d'ail sauvage et carottes. Les collines se font plus escarpées, les vallées plus encaissées. de temps en temps, l'herbe éclate de verdure à l'ombre d'un bosquet.
Est-ce donc cela, les grands espaces que cherchait Ba ? Cette impression qu'elles pourraient disparaître dans le paysage – une revendication de leurs corps comme l'invisibilité ou le pardon ? le vide à l'extérieur de Lucy rétrécit à mesure qu'elle rétrécit, insignifiante face aux montagnes, et la lumière dorée, filtrée par les chênes droits, devient verte. Même Sam se calme sous un vent qui a un goût de vie autant que de poussière. »

Certains passages sont éblouissants.
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du temps de la ruée vers l'or, Lucy et Sam, deux gamines d'origine chinoise se retrouvent livrées à elle-même. Ma est partie il y a bien longtemps. Ba vient de mourir. D'ailleurs, il est dans la charrette, sa chair commence à couler, ses os à se briser. Les deux fillettes errent dans cette poussière, afin de trouver le bon endroit pour enterrer leur père, laisser son âme se reposer. Trouver enfin son « chez-soi ».

Sombre et noire, comme la nuit, comme la violence et le racisme des hommes. Lumineux et magnifique, comme le soleil qui pare d'or cette colline. Saisissant et magique, comme ce vieux bison qui erre dans les esprits de ces lieux. Elles n'ont pas leur place dans la poussière de l'Ouest, ou de l'Est suivant d'où l'on vient, là où des os de bisons se retrouvent à nus par le temps, le vent. Bien que nées ici, elles sont d'ailleurs, de l'autre côté de l'océan, le pays de Ma. Elles restent des émigrées chinoises dans la nuit hors-la-loi.

Des mines de charbon aux mines d'or, elles s'endorment parfois à la belle étoile, la lune est bleue parait-il dans les rêves de certains hommes. Et elles rêvent, elles revivent les légendes que leur père, lui né sur cette terre, racontaient à la tombée de la nuit, un fleuve de bisons qui s'écoulent sur les flancs de telles collines. Elles frémissent avec les histoires de Ma venue de chine, devenue esclave parmi les siens pour la construction du chemin de fer vers l'est sauvage. le tigre tapie dans la pénombre, ses empreintes dans la neige qui suivent leur convoi. Tigre et Bison, les deux totems de cette famille revisitent l'Histoire de cette époque, de cette Amérique, de cette poussière noire, d'or, d'os.

Un roman qui se déguste comme un Tennessee Whiskey, râpe et sauvage, rêve et rage, au milieu des morts, là où les collines se parent d'or et de bisons morts.
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Merci Babelio !
C Pam Zhang a fait de brillantes études aux USA, mais elle est née à Pékin. Elle a écrit une sorte de "western shop suey", et Lucy, c'est peut être un peu elle.
Nous sommes en Californie, à la fin du XIXè siècle, au crépuscule de la ruée vers l'or.
Ba, chercheur d'or et mineur, vient de mourir, et ses deux enfants, Lucy, la fille intelligente et empathique, et Sam, le "faux-fils", boots, cheval, chercheur d'or, hors la loi, dur, éclatant, et justicier, vont l'enterrer dans un " chez-soi", avec deux dollars d'argent. Au début, on croit que Ma, Chinoise "importée" pour construire la voie ferrée, est morte aussi, mais elle est partie depuis un an ou deux.
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Cela semble léger comme une succession de rêves évoqués à demi-mot, mais sur des sujets lourds comme la liberté, l'intolérance vis à vis d'immigrés chinois, la notion de propriété, l'appétit dévorant des hommes blancs sur l'or, sur l'appropriation des terres, mais aussi sur le massacre des bisons et des Indiens.
Contrairement à "L'Assommoir" ou d'autres livres de Zola, on n'est pas assommés, mais suggérés ; il faut comprendre à demi-mot. Les revirements sont spectaculaires, très durs, très chinois ( ? ) créant presque des ondes de choc chez le lecteur. le livre est addictif, mais j'ai l'impression qu'il manque un quelque chose... peut-être est-ce dans la traduction ?
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Un bon livre, avec sa part historique, son côté critique, et des observations sur certains "hommes masculins" non dénuées de sens :)
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SUR LES TRACES MAUDITES DU GÉNÉRAL SUTTER

Nous sommes peu après le mitan du XIXè siècle, vers le nord-est de l'actuelle Californie. Ici, c'est la mine de charbon ou le fantasme malfaisant de l'Or qui s'offre, durement, sans concession, à ceux qui veulent survivre. Jeunes ou vieux. Femmes ou hommes. Mais presque exclusivement au blancs, en ce qui concerne le précieux métal.
Deux toutes jeunes filles d'origines chinoises viennent de découvrir le corps sans vie de celui qui fut, pour le meilleur et souvent pour le pire, leur père, "Ba". L'aînée se prénomme Lucy, sa puînée Sam. En ce jour fatal qui fait d'elles des orphelines - "Ma", leur mère, est décédée trois ans auparavant, laissant son aînée bien plus inconsolable que la cadette, on découvrira bien plus tard pour quelle funeste raison. Quoi qu'il en soit et tradition oblige, les deux fillettes doivent absolument trouver - Voler ? Emprunter ? Mandier ? - deux pièces d'argent afin que le mort puisse payer son passage vers l'au-delà. Et ce dernier a absolument tout bu, comme à son accoutumée, avant de rejoindre le sombre pays des ombres.  

C'est donc dans ce cadre franchement pas idyllique ni même mythique que nous découvrons ces deux jeunes adolescentes - encore que la seconde, qui se prend pour un garçon, soit encore une enfant -.
Entre misère, tristesse, déréliction, abandon, racisme et mort nous allons suivre Lucy - surtout elle, d'ailleurs - et Sam après qu'elles seront parvenues à mettre la main, un peu accidentellement, sur les fameuses pièces. S'ensuivra une longue et macabre déambulation sous l'implacable soleil californien, en compagnie des coyotes et des restes funestes des antiques troupeaux de bisons, décimés par la folie de l'homme blanc. Enfin, c'est le moment de mettre en terre les restes, expression O! combien exacte en l'occurrence, tant le corps du malheureux Ba est dans un état de décomposition avancée à force de pérégrination sans but ni fin visible. L'errance prend ainsi doublement fin, entre inhumation dans un lieu jugé ad hoc et rencontre opportune d'un pistard que les deux jeunettes s'apprêtaient à voler, le pensant mort. Il leur indiquera la présence proche d'une ville, Sweetwater, où elle pourrait reprendre pied avec la civilisation. C'est là que nous les laisserons, dans un premier temps, Lucy s'y installant, Sam finissant par disparaître sans qu'on sache où ni pourquoi. 

Quelle ne fut pas ma déception à la lecture de cet ouvrage à l'avant-propos pourtant plus qu'alléchant : l'histoire de deux jeunes filles, premières nées américaines d'un couple de migrants chinois dont il n'est souvent rien raconté d'autres que des clichés, racontée par une migrante chinoise contemporaine, bien intégrée dans la société américaine actuelle mais sans doute très à même de mieux ressentir la vie rude de ces ancêtres-là. Que n'a-t-on vu ou lu sur ces "coolies", destinés tout d'abord à la pose, dans des conditions bien souvent terribles, des rails du futur chemin de fer transcontinental étasunien. Que la "légende dorée" du far-west nous fait bien souvent retrouver dans les rôles subalternes de restaurateurs, d'épiciers ou de propriétaires de laveries, ou encore dans de mystérieuses et dangereuses confréries, entretenant encore un peu plus l'imagerie autour de ces gens vivant bien souvent en communauté très fermées au sein des villes-champignon des grandes heures du mythe américain. Hélas, cette thématique est à peine entretenue. Tout juste comprend-on que ces migrants avaient interdiction de s'approprier des concessions minières sous le prétexte fallacieux qu'ils n'étaient pas nés sur le sol américain, que le racisme les suivait partout, même chez celles ou ceux semblant ne pas attacher de vraie importance à leurs différences, à la couleur de leur peau. En réalité, C Pam Zhang s'attache surtout à décrire un quasi huis-clos familial, remontant, en milieu d'ouvrage, le fil du temps - sans doute les deux chapitres, assez brefs, les meilleurs de l'ensemble de ce roman -, pour mieux revenir au temps présent du livre, aux retrouvailles de deux soeurs devenues presque adultes, de leur nouveau grand projet, etc. 

C'était donc avec un grand plaisir et une vraie envie que je recevais, il y a bientôt un mois, cette Masse Critique spéciale, organisée par notre indispensable site de lecture(s) et de lecteurs en ligne, Babelio.com, avec l'aimable complicité des vénérables et belles éditions du Seuil, que je remercie chaleureusement, malgré tout. Hélas, passé l'enthousiasme des premières pages, l'histoire s'enlise très vite, n'avance qu'à force de répétitions, de dialogues plus ou moins crédibles, de retours permanents sur le passé proche, sans que cela donne matière à approfondir le présent, ou si peu. Pire : il y a ce style moitié prétentieux, moitié laborieux, une succession de phrases dignes d'une sous-Marguerite Duras - d'avance pardon pour les admirateurs, j'ai énormément de peine avec le style durassien -, brisé, haché menu, épuisant, à d'autres, très différentes, à la syntaxe alambiquée, parfois à la limite de l'incompréhensible. Il y a ces tics de langage, tels que ces reprises incessantes, sans permettre au lecteur lambda de les comprendre, de mots de conversation chinoise de la vie quotidienne, ou que l'on ne peut que supposer tels. Ô! Bien entendu, on finit par deviner le sens de quelques-uns, mais cela aurait-il été si embarrassant d'en faire des renvois en bas de page ou dans un petit lexique en fin d'ouvrage ? Sans même prendre en considération que le lecteur est justifié à se demander le sens profond de leurs répétitions épisodiques (en dehors de marques éparses d'affection entre parents et enfants). 

Alors, Très vite, l'ennui s'est installé, au point qu'à plusieurs reprises, j'ai vraiment failli abandonner aux alentours des premières cent pages. Fort judicieusement, au moment où le récit est sur le point de s'enliser totalement, C Pam Zhang nous fait remonter le cours du temps, avant la naissance des deux jeunes filles et il faut bien admettre que la seconde partie du livre, et plus encore, l'assez convaincante - mais très brève - troisième partie m'ont évité le pire - si tant est que cela soit une catastrophe d'abandonner un ouvrage avant sa fin -. On y comprendra comment leurs parents se sont rencontrés, qui ils étaient alors vraiment, etc. Certes, c'est bien plus classique mais, n'eut été ce style inutilement ampoulé, ces descriptions paradoxalement très minces, sans relief et sans grand intérêt - les amateurs de "nature writing" en seront désespérément pour leurs frais -, une psychologie générale des personnages manquant drastiquement de finesse et de profondeur, au point qu'à aucun moment l'on ne parvient à se sentir vraiment proches d'eux, à les sentir vivre, à l'exception notoire du père, dans la troisième partie, la plus originale au fond. La plus inattendue de ce point de vue, puisque c'est alors un mort qui parle ! On achève finalement l'ouvrage comme on l'a débuté, au fil d'une quatrième et ultime partie passablement ennuyeuse, toujours aussi péniblement écrite, en compagnie de personnages, nouveaux pour deux d'entre eux, auxquels ont peine toujours autant à croire. 

Au bout du bout, on peine à dire si l'on avait à faire à une saga familiale (sans doute un peu), à un roman à thèse dénonçant le racisme anti-chinois des blancs américains (si c'est effectivement un sujet évoqué, c'est tout de même très loin d'être le seul fil rouge), à un roman d'aventure (si oui, alors quelle aventure bien médiocrement contée), à un roman initiatique (certes, certes), à un peu de tout cela, mais sans que l'autrice parvienne jamais à vraiment se décider ? Toutes ces thématiques, tous ces genres sont abordés, ainsi que la mort omniprésente, la violence du temps et des hommes entre eux, les rêveries des jeunes filles en fleur, l'importance de l'attachement culturel, la naissance d'une nouvelle nation sur un flot de mensonges, de vilenies et même de meurtres, l'environnement saccagé, les secrets de famille, le goût du lucre, même l'assignation au sexe est plus ou moins abordé. Mais voilà, tout n'est ici qu'effleurement, surface, superficialité, rien n'accroche jamais en profondeur, tout n'est que survol fastidieux, lassant.

Des romans mondes, capables d'emporter tant de sujets à la fois, il en existe, assurément. Mais c'est une entreprise difficile, compliquée, qu'à mon grand regret cette jeune autrice peine, c'est un euphémisme, à réussir. Sans doute ai-je trop espéré découvrir dans de l'or dans les collines une jeune Cormac McCarthy chinoise, vibrer avec un texte digne des aventures vécues et narrées jadis par l'immense Jack London, d'un mythique (quoique très imaginaire sous sa plume) Général Sutter dans L'or de Blaise Cendrars ou encore découvrir la face sombre de la colonisation de l'Amérique comme dans les nouvelles terribles, subtiles et profondes de Dorothy Johnson. Rien de tout cela ici, que de l'ennui et le gris anthracite du charbon que ces colons chinois seront parfois amenés à exploiter pour survivre, l'or leur étant iniquement refusé par les "locaux", charbon recouvre de sa couleur funeste et monotone ces pages globalement assommantes. Quel dommage ! 

À noter la très belle photo de couverture qui... ne rend absolument pas compte de ce que l'on trouve à l'intérieur. Les quelques chevaux (et mules) croisés ici sont des animaux de bât plutôt malheureux et franchement pas sauvages, pauvres bêtes bien éloignées de tout farwest mythologique. 
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Ba vient de mourir, laissant seules Sam et Lucy, ses filles, alors que Ma les a déjà quittés quelques années auparavant. Toutes jeunes adolescentes, elles n'ont plus rien qui les retient dans le camp minier dans lequel elles subsistaient tant bien que mal. Prenant leur courage à deux mains, elles emportent leur père dans la malle de leur mère, le cheval du professeur du village pour le transporter, et partent à la conquête de leur Ouest, bien décidées à enterrer décemment celui qui n'était plus l'ombre de lui-même depuis la perte de Ma. Et ce n'est que le début de leurs nombreuses aventures et mésaventures, que nous suivrons pendant encore cinq ans…

En quatre parties, courant de 1842 à 1867, nous remontons le temps, avant de mieux le reprendre en sens inverse, pour découvrir la vie et l'histoire d'une famille d'immigrants chinois comme les autres, dans une Amérique qui les « accueille » afin de construire les voies ferrées qui serviront à relier côtes Est et Ouest. Accueil faussement bienveillant, puisqu'il sera plutôt de l'esclavage qu'autre chose, bien évidemment ponctué d'un racisme éhonté, à l'image de celui connu par les natifs Américains (également évoqué dans le roman), ou par les Afro-Américains.

Ce pan de l'histoire américaine, qui n'est pas si souvent présenté – le souvenir le plus marquant que j'en ai étant la série BD Chinaman –, est ici abordé du point de vue de deux soeurs, et c'est là que réside pour moi l'intérêt du récit. Car non seulement, elles sont d'origine chinoise, et l'on a expliqué plus avant ce que cela sous-entendait, mais elles sont aussi des filles, ce qui ne fait que renforcer leur difficulté à survivre dans le monde terrible de l'Ouest américain, celui des plaines désolées, des animaux sauvages, des mines et des chercheurs d'or, des trappeurs, à l'origine de l'extermination des bisons notamment (apparaissant d'ailleurs en toile du fond du récit), des villes poisseuses… le roman western devient de fait ici roman d'apprentissage, d'un apprentissage rude, sans véritable espoir au bout du chemin, à l'image des contrées dans lesquelles il se réalise.

La narration qui nous conte l'histoire de Sam et Lucy, pertinente, est cependant servie par une plume qui, à mon sens, aurait besoin de s'affermir encore : en effet, certains passages sont de belles envolées sensibles, originales, et touchantes, d'autres sont au contraire d'une certaine maladresse, assez topiques d'un style d'écriture états-unien redondant ces dernières années.

Je remercie les éditions Seuil et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce roman qui est paru ce 7 janvier. C Pam Zhang est une autrice prometteuse, je la suivrai donc avec intérêt.
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critiques presse (3)
LeMonde
13 septembre 2022
Deux sœurs laissées à elles-mêmes par leurs parents nés en Chine et venu mourir aux Etats-Unis, au XIXe siècle. Un premier roman tout en tension.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LActualite
05 mai 2022
Ce premier roman, encensé par Barack Obama, est porté par une plume à la fois pudique et sensible.
Lire la critique sur le site : LActualite
Les immigrants chinois ont eux aussi contribué à écrire l’histoire de l’Ouest américain. Avec De l’or dans les collines, son premier roman, l’Américaine d’origine chinoise C Pam Zhang nous en donne un bon aperçu.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Il était une fois où ces collines étaient désolées. Et ce n'étaient pas encore des collines. C'étaient des plaines. Pas de soleil, uniquement de la glace. Rien ne poussait, jusqu'à l'arrivée des bisons. Certains disent qu'ils ont franchi un pont de terre par-dessus l'océan de l'Ouest, et que le pont s'est effondré sous leur poids.
Les sabots des bisons ont labouré la terre, et leur souffle l'a réchauffée, et dans leurs gueules ils transportaient des graines, et dans leurs peaux des nids d'oiseaux. Leurs sabots ont creusé des rigoles pour retenir les rivières, leurs souilles ont fait des vallées. Ils se sont répandus à l'Est, au Sud, par les montagnes, les plaines et les forêts. A travers tout les territoires, si bien qu'il fut un temps où ils parcouraient presque chaque arpent de ce pays, plus grand à chaque nouvelle génération, s'étirant jusqu'à emplir le ciel pur.
Et puis, bien après les Indiens, sont arrivés des hommes nouveaux, venus d'une autre direction. Ces hommes semaient des balles à la place des graines. Ils étaient chétifs et pourtant ils ont repoussé les bisons, toujours plus loin, jusqu'à ce que le dernier troupeau se retrouve encerclé dans une vallée près d'ici. Une jolie vallée, traversée par une rivière profonde. Les hommes voulaient capturer les bisons plutôt que les tuer. Ils voulaient les apprivoiser, et les mêler à leur bétail. Les rapetisser.
Mais, au lever du soleil, les hommes ont vu que les collines avaient grandi pendant la nuit.
Ces collines étaient les corps de mille milliers de bisons morts qui avaient marché dans la rivière et s'étaient noyés. Les collines sentaient si mauvais que les hommes ont dû partir. Même après que les oiseaux ont nettoyé les bisons, la rivière n'a plus jamais coulé, et ce qui a repoussé entre les os n'était plus la même herbe verte. Elle était jaune, maudite, sèche. Impropre à la culture. Personne ne pourra habiter ces collines comme il convient tant que les bisons n'auront pas décidé de revenir.
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Puis vient la nuit où Nellie manque de s'évader.
Lucy ne saura jamais exactement comment, mais elle aime à penser que ç'a commencé comme la plupart des évasions : au cœur de la nuit. Ce qu'on appelle encore l'heure du loup. Des décennies auparavant, avant que les bisons soient massacrés et que meurent aussi les tigres qui s'en nourrissaient, un cheval solitaire, dans ces collines, eût frémi de peur face aux carnivores venus saliver. Bien qu'il n'y ait pas de tigres, Nellie tremble comme ses ancêtres. Elle est plus intelligente que la plupart des gens, disait son maître. Elle sait qu'il est des objets à craindre pires que n'importe quelle menace vivante. L'objet sanglé sur son dos, par exemple, cette chose morte dont elle ne peut se débarrasser. Nellie attend que les étoiles regardent à travers leur judas dans le ciel et que les eux dormeuses ne bougent plus. Puis elle se met à creuser.
Nellie creuse pendent les heures du loup, du serpent, du hibou, de la chauve-souris, de la taupe, du moineau. A l'heure où les vers de terre s'agitent dans leurs trous, Lucy et Sam sont réveillées par les coups de sabot de Nellie contre le piquet.
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Un jour qu'elles chevauchent, tout à coup la lumière disparaît à moitié. Elles lèvent les yeux à travers la pénombre. Il est là. Comme si un pan des collines avait bougé, s'était rapproché. L'une ou l'autre respire-t-elle ? Même le vent s'arrête. Vieille créature avec sa fourrure devenue blonde aux extrémités, corps brun frangé d'or. Ses sabots sont plus larges que la main de Lucy. Elle lève la sienne pour comparer. La maintient en l'air pour saluer. Puis le bison bouge, lâche son doux souffle d'herbe, et son poil effleure la paume de Lucy. A ses côtés, Sam lève aussi une main. Le bison passe et repart se fondre dans les collines qui ont sa couleur et sa forme. Je croyais qu'ils étaient tous morts. Moi aussi.
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Le squelette du bison dépasse de l'herbe comme une grande île blanche. Autour de lui, le silence s'accroît. La respiration de Sam est secouée d'un hoquet, proche du sanglot.
Les orbites scintillent, un jeu d'ombres. Sam pourrait marcher dans la cage thoracique intacte sans se baisser.
Lucy imagine les os habillés de poils et de chair, l'animal debout. Ba prétendait que ces géants parcouraient jadis les collines, et les montagnes, et les plaines au-delà. Trois fois plus grands que n'importe quel homme, et néanmoins d'une douceur inimaginable. Un fleuve constant de bisons, disait Ba. Lucy laisse cette image ancienne l'inonder.
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Tout ce qui comptait, ma petite Lucy, c'est qu'il fut un temps où ta ma n'avait d'yeux que pour moi.
J'ai oublié plein de choses de ma vie : le visage de Billy, la couleur des pavots, comment dormir paisiblement pour ne pas se réveiller avec les poings serrés et déjà une douleur dans les épaules, le mot pour dire l'odeur de la terre après la pluie, le goût de l'eau propre. Et il y a d'autres choses que j'oublie dans la mort : quand je balançais mon poing et que je sentais les phalanges craquer, la boue qui clapotait entre mes doigts de pied, ce que ça faisait d'avoir des doigts, des orteils, et la faim. Je pense qu'un jour viendra où j'oublierai tout de moi, après que Sam et toi m'aurez enterré - non pas seulement mon corps, mais le peu de moi qui est dans votre sang et votre langage. Mais. Même si un jour je ne suis plus qu'un vent errant dans ces collines, je pense que ce vent se souviendra encore d'une chose et la chuchotera à tous les brins d'herbe : ce que je ressentais quand ta ma ne regardait que moi. C'était si puissant qu'un homme plus faible aurait pu s'en effrayer.
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Vidéo de C Pam Zhang
Partir est souvent la seule solution qui s'offre pour fuir l'oppression, la violence ou la faim. Il n'est toutefois pas simple de trouver sa place. Au bout de longues errances, il arrive même que l'on ne sache plus très bien ce qu'il faut croire, ou même qui l'on est. de la Chine au Vietnam et jusqu'en Jamaïque, les différents destins qui se construisent ici semblent poser la question de l'identité dans les méandres de l'Histoire. Nicole Dennis-Benn, Viet Thanh Nguyen et C Pam Zhang
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