Jia Zhangke est un cinéaste particulièrement important et dont il faut voir les films. L'intérêt de ce livre est toutefois limité par le contexte d'origine de sa publication, à Pékin en Chine. On comprend fort bien que ce contexte ne lui permet pas vraiment de pouvoir s'exprimer librement et de dire tout ce qu'il voudrait pouvoir dire dans un pays où un quelconque bureaucrate peut vous annoncer froidement que "A compter de ce jour, les droits de tournage de Jia Zhangke sont suspendus". La censure guette et il lui faut donc avancer de manière voilée; ce qui alourdit parfois le propos qu'il nous faut donc tenter de distinguer entre les lignes. Ce que le cinéma autorise, du fait de l'ambiguïté de l'image qui permet de leurrer la censure bureaucratique (et Jia Zhangke est devenu expert en ce domaine), l'écriture livresque ne le permet pas. Et l'on reste donc quelque peu frustré par le contenu de ces écrits qui sont pourtant loin d'être sans intérêt puisque Jia Zhangke s'autorise, malgré tout, à "taquiner la queue du tigre" selon l'expression consacrée en ce pays. Y apparait donc un des thèmes centraux de son regard sur la société contemporaine chinoise, la terrible vacuité de la vie quotidienne du plus grand nombre, l'épaisse grisaille qui a envahi les existences de chacun et que la propagande consumériste et idéologique de la domination ne peut dissimuler.
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Une parole limpide et généreuse qui passionnera tous ceux qui s'intéressent à Jia Zhang-ke, et donnera envie aux autres de se plonger dans ses films.
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Je n'étais pas rentré à Fenyang depuis un an et demi déjà. Il m'a semblé que tout avait beaucoup changé. (...). Il y avait parmi ces habitants certains de mes vieux amis avec lesquels je m'entendais très bien. Nous avions grandi ensemble, mais lorsqu'ils ont eu dix-huit ans, leur vie s'était comme interrompue. Ils n'avaient plus la moindre aspiration. Ils ont été pris dans une unité de travail, embauchés à l'usine, puis ont suivi le cours de la vie quotidienne. J'ai été profondément troublé par cet accablement, cette altération qui vide les relations humaines de tout romanesque.
On pensait à l'époque que les douleurs faisaient partie du passé, que l'aujourd'hui était agréable. Qui cependant se rend compte qu'au moment où nous sommes censés "goûter la douceur", nous vivons en réalité une catastrophe ? Rien ne laisse penser que la jeune génération soit plus heureuse que la précédente. Comme chacun sait, le bonheur n'augmente pas avec les biens matériels.
Les Eternels, de Jia Zhang-ke (extrait) .Le film est en compétition au Festival de Cannes 2018.