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Farouk Mardam-Bey (Autre)Qaïs Saadi (Traducteur)Marcella Rubino (Traducteur)
EAN : 9782330163679
240 pages
Actes Sud (02/03/2022)
3.83/5   9 notes
Résumé :
Mai 1969, dans un petit village soudanais au bord du Nil. Le roman commence par la découverte dans le Nil du corps d’une adolescente que personne ne semble reconnaître. Les palabres autour de l’événement nous conduisent chez le maire, descendant d’une famille de notables en conflit ouvert sur le pouvoir local avec un autre clan du village, aussi riche et puissant. La femme du maire, Radiyya, se pose en gardienne des traditions, dont l’excision des filles, et maintie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un livre très intéressant qui nous vient du Soudan d'un auteur déjà primé en 2014 avec le prix Naguib Mahfouz.
Nous sommes en 1969 à Hadjar Narti, un village à deux jours et demi de bus de la capitale Khartoum, près duquel s'écoule le Nil nonchalant. Ses habitants y repêchent le corps d'une jeune femme non identifiée, alors que la radio du dispensaire annonce un coup d'État militaire à Khartoum ,un des nombreux coup d'état qui jalonneront l'histoire du pays dès son indépendance en 1956. Un cadavre dont personne ne sait la provenance et un destin inconnu pour le pays !

Une histoire où l'écrivain aborde une multitude de sujets concernant la politique, l'esclavage (abolie) masquée, la religion ,le sort de la femme et la priorité des intérêts de la famille sur ceux individuels, à travers des portraits très divers assez surprenants. Au village deux clans de bords politiques différents, les Nayers et les Bachir se disputent le pouvoir. Pourtant ils se marient entre eux et font souvent la fête ensemble. Leur principale ressource étant l'agriculture, leur unique intérêt commun consiste en ce que l'Etat leur fourni l'essence nécessaire pour leur culture de dattes. le reste concernant leur foi politique et religieux est assez ambigu. Une ambiguïté bien résumée par les pensées de l'aide soignant communiste qui a fuit Khartoum pour se réfugier dans ce village ignoré de tous ,
« Les choses ici semblaient ambiguës. Il ne savait pas comment distinguer précisément les bourgeois feudataires de la classe ouvrière. Qui était vraiment le peuple à Hadjar Narti ? Il avait acquis la ferme conviction qu'ils étaient tous des rétrogrades. Tous croyaient au confessionnalisme et au pouvoir fondé sur le religieux. Cependant, ils n'avaient pas l'air hostile. Ils étaient bons et calmes et aimaient passer du bon temps ensemble. Étaient-ce eux ses adversaires ? », en passant, des religieux qui boivent comme un trou.

Les portraits de femmes sont aussi assez surprenantes et ambiguës. Entre la vieille Hadja Radia, épouse du maire et First Lady du village, aussi effrayante qu'une incendie de palmeraie, Abir la jeune fille de treize ans convoitée par tous les mâles du village et qui s'offre au premier venu, Dahab sa tante, esclave affranchie, la cinquantaine, courtisane du passé, reine du présent, et les petites filles de 11-12 ans entourées de prétendants qui se manifestent en vu de les épouser, uniquement Sakina Badri la femme de Bachir Nayer sauve la donne ….Quand aux hommes souvent d'une violence inouïe, sont pour les femmes de Hadjar Narti «  aussi crasseux que des semelles de chaussures, mais nul ne saurait rester pieds nus. »
Allusion aussi aux rîtes, certaines terrifiantes comme l'excision des jeunes filles et la scarification des joues des femmes , un ornement et une fierté (🧐???) .

Une prose enchanteresse, « Sakina rit gaiement, comme le murmure de la brise entre les palmiers par une fin d'après-midi. », une magnifique histoire d'amour, des sujets intéressants et instructifs, bref une lecture passionnante malgré quelques scènes assez violentes. Et si vous voulez savoir ce que signifie « se noyer dans le “Fayit Niddo Walker” », vous conseille de lire le livre et de vous y noyer avec 😊 !

« La bonne parole arrache les moustaches du lion. »
« Notre existence n'est rien d'autre que la vie passée aux côtés des bien-aimés. »


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L'auteur soudanais Hammour Ziada a publié 4 romans et un recueil de nouvelles, l'une d'entre elles ayant été adaptée pour le très beau film Tu mourras à 20 ans. Une première traduction en Français était attendue et c'est Actes Sud, dont la richesse du catalogue en littératures arabes n'est plus à démontrer, qui nous offre cette année Les noyées du Nil, un ouvrage dense et palpitant. Les intrigues se déroulent dans un petit village au bord du Nil, loin de Khartoum, l'année (1969) où les militaires prennent le pouvoir. L'auteur s'attache à de très nombreux personnages et fait coexister plusieurs histoires parallèles, tout en remontant parfois dans l'histoire du pays, pendant la seconde guerre mondiale ou au moment de l'indépendance. Les va-et-vient sont incessants mais ne gênent pas la fluidité de l'ensemble, Ziada mêlant avec virtuosité la tragédie avec la comédie, dans une belle langue aux reflets poétiques. Au milieu d'une rivalité farouche entre deux clans pour exercer le pouvoir local, le lecteur retient particulièrement les portraits féminins, de cette fillette de 13 ans qui séduit les hommes du village à cette vieille femme qui apparait à chaque fois qu'un cadavre de jeune femme est ressorti du Nil (elle est à la recherche de sa fille disparue), en passant par l'épouse du maire qui continue de maintenir en esclavage ses domestiques et ne transige pas sur la scarification et l'excision des jeunes filles. L'aspect dramatique des situations est cependant contrebalancé par une multitude d'aventures picaresques, qui sont parfois devenues des légendes, où les hommes, cette fois, sont moqués pour leur couardise ou leur stupidité. le talent de conteur de Hammoud Ziada est une évidence éclatante, en espérant pouvoir découvrir bientôt de nouvelles traductions de son oeuvre.


Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Les Noyées du Nil se passe au Soudan en 1969, après un deuxième putsch opéré par les militaires qui semble perenne cette fois et annonciateur de grands bouleversements.
Mais le village de Hadjar Narti semble loin de tout cela, loin des coups d'état et de la corruption.
Les relations entre les villageois, la place des femmes dans cette société, l'esclavagisme encore présent, la lutte de pouvoir entre les 2 clans du village, le respect des traditions qui contraint les plus jeunes à vivre une vie autre que celle qu'ils avait espérée forment le fond de ce récit.
J'ai apprécié partager quelques instants avec ces personnages en apprenant quelques us et coutume qui rythmaient leur vie en ce temps là, sans partie pris de l'auteur.
Fort plaisant et instructif.
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critiques presse (2)
LeMonde
07 juin 2022
Un roman de l'écrivain soudanais qui décrit une société violemment inébranlable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
30 avril 2022
Dans ce roman, l'écrivain décrit le poids des traditions dans un village du fin fond du pays, loin des remous de la vie politique à Khartoum.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Mahdjoub arrivait tous les jeudis après-midi à la même heure. Il était chauffeur depuis plus de trente-cinq ans. Le voyage depuis la capitale prenait deux jours et demi. Un long périple qui traversait l’immense désert. Le car filait sur le sable avec agilité, puis, touché par la malchance, il s’enlisait brutalement. Alors les voyageurs descendaient creuser, puis ils poussaient le car avant d’y remonter par l’arrière, tandis que le véhicule luttait pour extraire ses roues du piège de sable.
Lorsqu’ils descendaient à la dernière station, près de la mosquée du village, ils se ressemblaient tous, tels de misérables sosies. Ils étaient couverts de poussière, si bien qu’on ne distinguait pas leurs traits. Leurs têtes étaient pleines de sable, comme s’ils venaient de sortir de leurs tombes.
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On ne pouvait pas se fier aux histoires qu’elle racontait durant sa sénilité, en particulier celles qu’elle racontait dans le calme. Mais toutes ses histoires, quelles que soient leurs divergences, affirmaient qu’Al-Afia avait perdu sa virginité la nuit où son mari s’enhardit et entra dans la pièce une cravache à la main. Était-ce la troisième nuit pendant qu’elle attendait dans son qarmasis ou était-ce quand elle avait cessé d’attendre que quelque chose se produise ? Nous ne le saurons pas. Une chose est sûre, c’est qu’Al-Afia n’oublierait jamais de sa vie la nuit où Mohammad Hassan avait dévoilé son secret.
C’était la nuit qui l’avait amenée chez Bahiyya la Gitane.
 
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“Qui n’a jamais vu Sakina la fille Badri n’a jamais vu la beauté.”
C’était devenu une expression courante dans le village. Enfant, on la surnommait “la beauté”, tant l’on entendait ce mot dans la bouche de tous ceux qui la voyaient. Sakina, la plus jeune des filles de hadj Hussein Badri, était la fille de la lune à la beauté pleine et parfaite. Elle était d’une immense gentillesse. Lorsqu’elle marchait, le sable chantait sous ses pieds d’enfant. Lorsqu’elle battait des mains, le Nil jouait de la musique. Elle riait et les palmiers dansaient.
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En dix-huit ans de mariage, hadja Radia n’avait jamais su que son mari cachait une telle capacité de se mettre en colère. Il lui ordonna de s’asseoir et elle obéit. Il se mit alors à marcher pour se défaire de son irritation et pour réfléchir. Radia tenta de lui parler mais d’un geste il lui enjoignit de se taire. Il prononça à plusieurs reprises des formules où il s’en remettait à Dieu, cherchant à retrouver son calme naturel. Il tenta de recouvrer sa nature qui s’était effondrée en laissant paraître la colère et la rage.
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Sa vie à Khartoum avec ses études auprès d’enseignants anglais, ses implications dans la politique et dans l’indépendance et ses tentatives d’écrire de la poésie lui apparaissaient à présent comme étant le fruit de son imagination. Un songe dans le sommeil d’un autre. Son rêve de devenir poète dans la capitale s’était envolé. De même que ses espoirs de devenir un effendi de la ville. Avenir que le chef de circonscription britannique l’avait encouragé à poursuivre et dont il avait convaincu son père.
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Vidéo de Hammour Ziada
The American University in Cairo Press Hammour Ziada - winner of the 2014 Naguib Mahfouz Medal for Literature
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