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Critique de Feuillesdejoie


La lecture du livre de Jean Ziegler « la Suisse, l'or et les morts » confirme nos plus sombres pressentiments. On réfléchira une fois de plus aux raisons qui ont toujours poussé l'occident à ne parler de la seconde guerre mondiale qu'en termes militaires ou en termes de génocide des populations juives d'Europe. Qu'est-ce qui pouvait être encore plus douloureux à dire que les souffrances des soldats ou l'infinie cruauté des univers concentrationnaires ?
Parler tout bonnement de deux choses qui ne sauraient exister l'une sans l'autre, d'une part de la faiblesse et la lâcheté de la plupart des individus que nous sommes et d'autre part de l'immense cupidité et de l'hypocrisie impitoyable des classes dominantes. Concernant la Suisse, Jean Ziegler fait un peu de ménage. le temps aidant, de nombreuses archives de par le monde finissent par devenir accessibles et ce que l'on y découvre donne autant le vertige que la nausée.
La guerre coûte cher et en conséquence, elle se doit aussi de rapporter beaucoup à ceux qui la soutiennent. le saviez-vous ? Hitler est parti en guerre sans le sou ou presque, et sachant très bien qu'il ne tiendrait pas longtemps sans financements conséquents. Les nazis en prirent acte et dotèrent leur mouvement politique d'officines financières extrêmement efficaces. Pour financer sa guerre, Hitler n'avait d'autre solution…que de la faire payer par les autres. Or en matière de finance, chacun le sait, il est difficile d'échapper au système bancaire suisse, l'un de plus performants au monde. Hitler et ses sbires ont dû rêver plus d'une fois de voir leurs chars à croix gammées se garer devant les façades rutilantes des dépôts bancaires de Bâle ou de Genève. La bataille de France en témoigne, Hitler chercha un temps à encercler la Suisse. Il y renonça cependant parce que la Suisse lui était plus utile « libre » qu'occupée : elle pourrait l'aider à financer sa sale guerre.
Sur tous les fronts, le pillage fut pratiqué avec zèle, attention et perspicacité, par une cohorte d'agents financiers aussi assermentés qu'enthousiastes. Partout les réserves d'or furent volées, les lingots maquillés, refondus, tout comme on extorqua de force aux populations tout ce qui pouvait avoir une valeur monétaire (bijoux, oeuvres d'art, monnaies). Cela se pratiqua encore plus sadiquement dans les camps de concentration du Reich où les dents en métal précieux étaient arrachées dans la bouche des cadavres. Mais piller n'est pas jouer. Les alliés exerçant un blocus féroce sur les approvisionnements de l'Allemagne, Hitler ne put jamais traiter directement ses affaires. Il devait en premier lieu « blanchir » son argent sale puis le faire circuler à travers un circuit particulier, aussi anonyme que possible. En cela, Jean Ziegler nous en fournit toutes les preuves, les banquiers suisses apportèrent à l'Allemagne nazie une aide déterminante. Les industries suisses tournèrent à plein régime pour fournir de l'armement ou de la technologie de pointe aux nazis, cela pendant que les banques s'occupait de financer en sous-main toute les importations vitales nécessaires à la continuation du conflit.
Ziegler cite à comparaître la poignée d'hommes, allemands et suisses qui ont cautionné sans état d'âme une telle infamie. En toute bonne foi, sans en perdre le sommeil ni même l'âme, au nom de la sacro-sainte neutralité helvétiques et du non moins sacré secret bancaire suisse. Il s'agit d'hommes de finance, de quelques politiques et de quelques militaires. Ils ont su verrouiller tout un système, tout un pays, et appliquer les plus viles méthodes sans être inquiétés ou remis en cause.
Et les juifs dans tout cela ? Ziegler nous en parle aussi. de façon générale et à quelques exceptions près, les réfugiés furent refoulés au-delà des frontières et rendus à leurs bourreaux, notamment en direction de la France et de l'Allemagne. le racisme antisémite a prédominé en Suisse tout au long de la guerre.
Au point de forcer les juifs helvétiques à payer la pension ou le passage de leurs coreligionnaires (quelques centaines de privilégiés) sur le territoire national. Une recette non négligeable pour le Trésor Suisse ! Quant aux nombreuses richesses appartenant à des dépositaires juifs qui avaient été déposées avant la guerre dans les diverses banques du pays, la majeure partie ne fut jamais récupérée…et pour cause ! Leurs propriétaires avaient été réduits en cendre, ni plus ni moins. Quant à leurs descendants, plusieurs décennies plus tard, qui voulurent récupérer leurs biens, on leur fit et on leur fait encore toutes les tracasseries administratives possibles. Les banquiers, que Ziegler appelle rageusement « les gnomes », ne lâchent rien. Les biens juifs en dormance se sont depuis longtemps rajouter à leurs bénéfices extraordinaires et bingo !
Jean Ziegler semble garder confiance en une tardive, mais réelle, « prise de conscience » de la part de ses compatriotes. Nous lui souhaitons bon courage.
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