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EAN : 9782021397222
128 pages
Seuil (03/05/2018)
3.92/5   122 notes
Résumé :
Le capitalisme domine désormais la planète. Les sociétés transcontinentales défient les États et les institutions internationales, piétinent le bien commun, délocalisent leur production où bon leur semble pour maximiser leurs profits, n'hésitant pas à tirer avantage du travail des enfants esclaves dans les pays du tiers-monde.
Résultat : sous l'empire de ce capitalisme mondialisé, plus d'un milliard d'êtres humains voient leur vie broyée par la misère, les i... >Voir plus
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Qui se souvient de la "World Company " et ses maîtres du monde incarnés par les marionnettes à l'effigie et à la voix d'un Sylvester Stallone, que nous offraient il y a une vingtaine d'années presque tous les soirs les Guignols de l'Info programmés en clair sur Canal ?
Pour ceux qui ont eu le bonheur d'assister à ces moments privilégiés où Bruno Gaccio et sa "team" nous débrifaient le monde... via un PPDA ventriloqué par le talentueux Yves Lecoq, eh bien dites-vous qu'il n'y a qu'un pas entre cette "World Company" et la vision de "l'ordre cannibale" de ce même monde que Jean Ziegler offre à sa petite-fille Zohra en lui expliquant de manière didactique et militante... le titre de l'ouvrage se suffit à lui-même : - le capitalisme expliqué à ma petite-fille... en espérant qu'elle en verra la fin - quand, comment, pourquoi le capitalisme en question est, selon lui - je vous laisse juge(s) - la cause de tous les maux vécus par et sur cette planète.
Reprenant la formule du dialogue "maître élève", dans un échange Candice Pangloss ; formule utilisée dans un précédent ouvrage intitulé - La faim dans le monde expliquée à mon fils -, Jean Ziegler répond aux questions pertinentes de la jeune collégienne Zohra sur ce capitalisme dont elle a entendu un peu parler à l'école lors des cours d'histoire ou entendu prononcer au hasard de quelques mots glanés par ses oreilles à l'écoute des propos de certains élèves plus grands se revendiquant du Marxisme... ou bien encore et surtout par son grand-père lors d'échanges avec ses parents ou très récemment durant un échange très âpre à la télévision Suisse entre Jean Ziegler et Peter Brabeck-Lemathe, le patron de Nestlé ", la société transcontinentale de l'alimentation la plus puissante du monde".
Ainsi cette "altercation" entre l'humaniste, l'onusien globe-trotter à qui "on ne la fait plus" et "l'ogre cannibale" chantre du capitalisme honni, introduit-elle le dialogue entre l'auteur et sa petite fille.
Ce ne seront pas, vous vous en doutez, des questions à bâtons rompus qui vont ordonnancer la structure e cet ouvrage mais bien une chronologie de laquelle va découler la logique des thèmes, des questions.
Pour commencer, le grand-père va faire un historique de l'organisation sociétale du monde à travers l'histoire ... l'esclavage, la féodalité, la monarchie, la Révolution française...et la récupération opportuniste de la bourgeoisie, la société industrielle et l'avènement du capitalisme de rente avant la chute du Mur de Berlin en 1989, l'effondrement de l'Empire soviétique en 1991 et ce qui régit le monde aujourd'hui... le capitalisme spéculatif dérégulé et "fou", avec en corollaire les nouveaux maîtres du monde que sont les oligarques et leur nouvelle caste l'oligachie.
Va s'ensuivre tout un explicatif très manichéen sur le fonctionnement profondément mauvais de ce système ( je suis foncièrement en adéquation avec la thèse de Ziegler !...) et les exemples ô combien éloquents de ses conséquences toxiques.
Pour vouloir avoir la curiosité d'ouvrir ce livre, il ne faut pas être dupe et s'attendre à autre chose de ce qu'on ne pouvait qu'y trouver : un réquisitoire contre ce fléau organisationnel du monde.
Ziegler ne cherche à tromper personne.
D'emblée il annonce la couleur : " L'ordre cannibale du monde que le capitalisme a créé doit être radicalement détruit !"
On ne peut pas ne pas être plus clair...
Ce qui m'intéressait, c'était la démonstration ; elle est convaincante.
Ce que j'attendais et attends depuis longtemps, c'est... comment fait-on pour se débarrasser de ce fichu système et par quoi le remplace-t-on ?
Et là, déception !!!
Comme toujours...
Je cite la fin de l'échange.
Zohra : "- Tu ne sais donc rien du système social et économique qui doit remplacer le capitalisme ?"
Jean Ziegler : "- Rien du tout, du moins rien de précis. Mais cela ne m'empêche pas d'espérer que ce sera ta génération qui abattra le capitalisme. Et dans cette perspective, une évidence m'habite : l'action de chacun compte. Mon espérance se nourrit de la conviction du poète Pablo Neruda : "Podran cortar todas las flores, pero jamas detendran la primavera ", ce qui signifie : " Ils pourront couper toutes les fleurs, mais jamais ils ne seront les maîtres du printemps".
Un livre qui m'a permis de continuer à apprendre, à enrichir ma réflexion sur le sujet... ( exemples parmi d'autres le coltan , ce minerai qui vaut de l'or, or pour lequel les nouvelles puissances de ce monde sacrifient sans aucun état d'âme des milliers d'enfants esclaves. le noma ou nome "type de stomatite ulcéro-membraneuse et gangréneuse observée parfois chez les enfants atteints d'une maladie infectieuse grave, et caractérisée par le développement d'un ulcère gangréneux sur la face interne des joues, qui gagne ensuite la peau et s'étend progressivement, provoquant des lésions gravissimes et aboutissant en général à la mort"... précisons que la maladie du noma est essentiellement due à la malnutrition ( cf les incompatibilités fondamentales, existentielles entre Jean Ziegler qui s'est battu toute sa vie contre la malnutrition et le patron de Nestlé qui se bat pour étendre sa sphère d'influence, son empire et l'avidité toujours croissante de ses actionnaires ) mais au final un livre qui me laisse sur ma faim ( désolé pour ce mot malheureux à cet endroit et à ce moment ! )
Car si Ziegler espère, pour ma part je ne suis pas optimiste.
Lui, part d'un postulat qui n'est pas le mien : il y a du bon dans l'homme et l'histoire est ce que nous déciderons d'en faire.
Ziegler croit en l'utopie, celle dont Che Guevara disait : " Même les murs les plus puissants s'effondrent par leurs fissures."
Moi, je suis convaincu qu'il y a beaucoup trop de mauvais dans l'homme et que l'histoire est tragique.
Comme Raymond Aron, je pense que "Jamais les hommes n'ont eu autant de motifs de ne plus s'entre-tuer... mais que " l'ignorance et la bêtise sont des facteurs considérables de l'Histoire."
Et pour finir que "Le choix en politique n'est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable."
Ce qui ne m'empêche pas de continuer à lutter pour un monde meilleur !!!...
Une lecture que je recommande.
Elle ne peut que vous apporter.
Les passages sur notre grégarité ( exemple le Black Friday... ), notre passivité ( ce que l'écrivain turc Nâzim Hikmet dépeignait ainsi : "Ils ont mis des chaînes à la racine de notre tête ) , sur notre aliénation ( " L'aliénation est un processus très mystérieux. Il a pour résultat que les femmes et les hommes pensent, agissent librement contre leurs propres intérêts. Il me paraît très important que tu comprennes comment fonctionne l'aliénation, car elle est l'arme principale des capitalistes pour dominer les esprits. Elle menace chacun de nous ) , voire à notre renoncement face au capitalisme triomphant et à la victoire formidable de ceux que Ziegler appelle les cosmocrates, sur l'intelligence critique des dominés.
Au final, une lecture plus qu'intéressante et à la portée du plus grand nombre.
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On ne présente plus Jean Ziegler, chacun connait ses engagements contre le faim dans le monde, au sein de l'ONU. Il est, à mes yeux, une conscience pour notre monde.
Et il est dérangeant. Mais que c'est bon d'être dérangé, d'être bousculé, par cette rencontre au hasard d'une boite à livres, ces formidables outils de transmission de livres. Parfois des pépites s'y nichent !
Chacun parle du capitalisme, a une idée plus ou moins précise, Jean Ziegler ne nous parlera pas de ces chefs d'entreprises qui font l'économie locale de nos villes, qui roulent dans des voitures puissantes et que certains nomment capitalistes ! Non il nous parle de ces immenses groupes qui contrôlent notre monde, et qui parfois sont plus forts que les Etats.
J'ai été interpellé par cette phrase
"Les 500 plus puissantes sociétés transcontinentales privées ont contrôlé en 2017, 52,8% du produit mondial brut, c'est-à-dire de toutes les richesses produites en une année sur la planète. Ces sociétés ont un pouvoir comme jamais un empereur, un roi ou un pape n'a bénéficié sur la Terre. Elles échappent à tout contrôle étatique, parlementaire, syndical ou interétatique. Elles fonctionnent selon un seul principe : la maximalisation du profit dans le temps le plus court possible et à n'importe quel prix humain."
C'est de cette oligarchie dont il entend nous parler. Cette oligarchie détruit les ressources de notre planète, fait travailler des gamins qui rampent dans des mines, au risque d'être écrasés et étouffés...ils vont y chercher les métaux rares dont nous avons besoin pour nos téléphones portables...Alors, lui Jean Ziegler refuse d'avoir un téléphone portable et d'en utiliser un...
Ces groupes utilisent des terres pour des cultures industrielles et concourent ainsi à entretenir la faim dans le monde. Et certaines formes de terrorisme. Ils possèdent des banques, prêtent de l'argent aux Etats, les font plier quand ils ne peuvent rembourser, en exigeant qu'ils prennent des mesures afin de rembourser.....et entre requins, ils se vendent leurs créances sur ces Etats ...dans lesquels les pauvres sont de plus en plus pauvres....Mais globalement chacun pense que le monde va mieux...
Jean Ziegler aurait pu écrire un livre ennuyeux, une thèse destinée à un public averti. Ce n'est pas le cas.
C'est un livre à deux voix : Zohra, sa petite fille candide pose des questions sur l'origine du capitalisme, l'esclavage notamment, et ce qu'il est devenu aujourd'hui, ses conséquences...des questions que chacun de nous pourrait se poser, se pose.
Jean Ziegler lui répond. Ses réponses sont simples, argumentées, pédagogiques. Dérangeantes.
"Le pouvoir financier des 562 personnes les plus riches du monde a augmenté de 41% entre 2010 et 2015, tandis que les avoirs des 3 milliards d'individus les plus pauvres ont chuté de 44%."
Les données sur l'état de notre monde font froid dans le dos : beaucoup d'êtres humains n'ont aucun accès régulier à une eau potable. Toutes les quatre minutes, une personne perd la vue par manque de vitamines A. Et si les épidémies, sont éradiquées depuis bien longtemps sous nos latitudes, il faut savoir qu'elles font annuellement des dizaines de millions de victimes dans les pays de l'hémisphère sud.
Chacun de nous a en mémoire les terribles attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles. Ils tuèrent 2973 personnes de 67 nationalités. Personne n'a parlé, personne n'a été ému des 35 000 enfants morts de faim ce jour là, le lendemain aussi et chaque jour dans le monde.
Ce n'est pas un roman, c'est notre monde. Notre monde dans lequel on nous parle du "ruissellement" devenu un postulat d'imposition. Ziegler nous en parle aussi. Sa vision est toute autre.
Un livre important, à lire afin de se faire une opinion, que notre presse ne nous présentera jamais : "En France, cinq milliardaires possèdent plus de 80% des hebdomadaires, mensuels et journaux. Et, de fait, aucune information trop choquante sur les victimes de l'ordre cannibale du monde n'atteint la conscience collective."
La dictature du capitalisme qui arrive par ses pressions à faire plier l'ONU et à lui interdire certaines actions.Jean Ziegler est bien placé pour nous en parler !
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Difficile d'expliquer en 115 pages la complexité de notre système économique et politique, d'illustrer son origine, de dénoncer ses conséquences dramatiques dans le monde et sur les hommes, de donner des solutions pour en sortir de manière pédagogique, simple et j'ajouterai objective puisque l'objectif de ce recueil est d'expliquer le capitalisme à une jeune adolescente.
De mon point de vue c'est raté. Il s'agit plutôt d'un ouvrage militant, certainement sincère lorsque l'on connaît l'histoire et les engagements de Jean Ziegler en faveur des pays du tiers-monde et dénonçant depuis plus de cinquante ans l'exploitation des hommes et des ressources naturelles.
Jean Ziegler n'explique pas, il dénonce. A la fin de ma lecture, je ne vois pas comment un adolescent sera convaincu du bien fondé des propos de l'auteur au-delà d'une indignation légitime mais plutôt superficielle, les réactions de Zohra aux explications de son grand-père en sont la démonstration.
Jean Ziegler dénonce la lâcheté des politiques et surtout les leaders économiques mondiaux déployant sur le monde leur rapacité à maximiser leur profit, sans rappeler que nous sommes tous responsables de cette situation. Nous sommes à la fois citoyen, consommateur et salarié et nous devons faire face à nos propres contradictions.
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Intriguée depuis longtemps par les écrits de Ziegler que je n'avais jamais eu l'occasion de lire, ce sont les derniers mots de ce court essai qui m'ont décidée à l'acheter: Podrán cortar todas las flores, pero jamás detendrán la primavera.

Le ton est donné dès les premières pages, très critique, parfois véhément, doté de nombreuses références à des débats télévisés houleux. Je craignais que le livre ne se transforme en pamphlet, passant outre la complexité de certaines situations. Si cette complexité n'est pas forcément détaillée, Ziegler ne réduit néanmoins pas ses dires à une simplification démesurée, et c'est là la force de l'ouvrage. Très engagé, aux opinions affirmées, certes, le capitalisme expliqué à ma petite-fille n'en couvre pas moins des thèmes importants que l'on connaît sans nécessairement en saisir la vraie problématique: propriété privée, héritage de la Révolution française, répartition des terres et révolution agraire, matières premières minérales et exploitation des enfants, société de consommation et obsolescence programmée, paradis fiscaux et dettes souveraines, ou encore fonds vautours.

L'exposé est finalement clair, et chaque assertion est accompagnée d'un exemple réel, parfois très classique, parfois moins. À défaut de laisser le choix à son lecteur de son opinion politique (ne pas être d'accord avec Ziegler revient à être un franc salaud ou un aliéné ayant oublié son impératif moral), Ziegler a le mérite de dresser un tableau sans fard de situations et mécanismes économiques qui gangrènent nos rapports humains et l'équilibre mondial.
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Moi qui vis en Ardèche, non loin de chez Pierre Rabbhi, dans un univers où les oiseaux chantent, où on peut avoir du miel directement chez l'apiculteur, où ceux qui ne pensent pas comme ceux qui tiennent le nouvel ordre mondial pensent que c'est nous qui sommes fous, de doux dingues utopiques car nous ne consommons pas comme ils le voudraient,
je trouve un écho dans les opinions de Jean Ziegler.
Malgré la fatalité, la croyance de ceux qui sont persuadés que rien ne peut plus changer car englués dans leurs crédits et leur peur du chômage, je suis sûre qu'on est au bord de la rupture et que les colosses aux pieds d'argiles qui nous ont pris en otage ne vont pas tarder à s'effondrer,
et cela à l'aide des volcans de la ceinture de feu, qui s'allument les uns après les autres; on attends l'explosion de celui de Yellowstone...
Ce livre concis est une contribution au "non politiquement correct", et bien sûr incomplet, mais il a le mérite de faire poser le questions et amener à une ébauche de réflexion.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
- J'ai toujours refusé d'avoir un téléphone portable. Chaque fois [que j'en vois un] je pense au Kivu. Le Kivu, c'est une région merveilleuse de savanes et de lacs qui s'étend au pied des chaînes volcaniques du massif des Virunga, dans l'est du Congo. Là, dans les enclaves minières gardées par des miliciens armés, les sociétés privées exploitent le coltan. Ce minerai, aujourd'hui plus précieux que l'argent et l'or, est utilisé pour les carlingues d'avion, les téléphones portables et mille autres objets essentiels pour les habitants des pays industriels. Seul problème : l'accès à ce minerai est particulièrement difficile, les puits sont parfois si étroits que seuls peuvent y descendre des enfants au corps frêle. Les veines de coltan sont situées à 10 ou 20 mètres sous la terre. La roche est friable, les éboulement sont nombreux. Les enfants sont alors enterrés vivants, étouffés dans les puits. Les recruteurs de main-d'oeuvre pour les seigneurs de ces mines sillonnent inlassablement les villages du Nord-Kivu pour enrôler les enfants. [...]
Au Kivu sévissent la faim, la guerre civile, le pillage par les miliciens, le vol des récoltes de manioc, etc.
[...]
- Mais l'Etat congolais ne fait rien pour protéger sa population ?
- L'Etat congolais n'existe pas au Kivu. A titre d'exemple, le coltan est chargé sur des camions immatriculés au Rwanda, qui passent la frontière - appelée 'la grande barrière' - à Goma, rejoignent Ruhengeri puis Kigali ; ils quittent ensuite le Rwanda, entrent au Kenya et atteignent, sur les bords de l'Océan indien, le port de Mombasa. De là, le précieux chargement rejoint les marchés industriels du Japon, de la Chine, de l'Europe, de l'Amérique du Nord. La mainmise de Glencore, Freeport-McMoRan, Rio Tinto et d'autres sociétés transcontinentales privées prend dans l'est du Congo des formes multiples. [...]
Le seul moment où, dans un récent passé, la grande presse internationale s'est intéressée au Kivu, c'est à Noël de l'année 2000. La fameuse PlayStation 2 de Sony avait disparu des magasins européens suite à une pénurie de tantale, qui provient du coltan.
(p. 49-51)
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J'ai visité le Bangladesh et sa capitale Dacca [...]. Je n'oublierai jamais ces casernes de béton gris de dix ou douze étages, aux carreaux cassés, au mobilier crasseux, aux étroits escaliers branlants, qui défigurent les banlieues de la capitale. 24h sur 24, des cohortes de jeunes femmes se succèdent devant les machines à coudre.
Le Bangladesh compte environ 6 000 usines d'habillement. Ces usines sont la propriété d'hommes d'affaires indiens, bangladais, taïwanais, sud-coréens, dont beaucoup sont de véritables vautours. Les esclaves coupent et cousent des jeans, des vestes, des pantalons, des chemises, des T-shirts, des sous-vêtements, fabriquent des chaussures et des ballons de football pour les plus grandes marques mondiales.
Les sociétés transcontinentales de l'habillement et leurs sous-traitants asiatiques au Bangladesh réalisent des profits astronomiques.
L'ONG suisse Public Eye a analysé l'évolution de la plus-value produite par ces femmes. Un jean de la marque Spectrum-Sweater est ainsi vendu à Genève 66 francs suisses, soit environ 54 euros. De cette somme, la couturière bangladaise touche en moyenne 25 CENTIMES d'euro. [...]
Non seulement les couturières souffrent de sous-alimentation et de misère, mais il arrive encore que ces casernes de béton, mal entretenues, viennent à s'effondrer. Ainsi, en 2013, l'immeuble Rana Plaza, une usine vétuste de 10 étages, à Dacca, s'est effondrée, enterrant 1 138 personnes sous ses décombres, en majorité des jeunes filles. Aucun responsable n'a jamais été condamné.
(p. 62-63)
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- L'autocensure intentionnelle ou subconsciente existe chez presque tous les journalistes. Il s'y ajoute le fait que dans les pays occidentaux, démocratiques, vivant en principe sous l'empire de la liberté de la presse, une poignée de milliardaires contrôlent aujourd'hui l'essentiel des médias. En France, cinq milliardaires possèdent plus de 80% des hebdomadaires, mensuels et journaux. Et, de fait, aucune information trop choquante sur les victimes de l'ordre cannibale du monde n'atteint la conscience collective.
- Ah bon, tu es sûr de ça, tu as des exemples ?
- Ils sont innombrables. Regarde ce qui s'est passé le jour du 11 septembre 2001. Des terroristes islamistes, des fous, ont jeté deux avions remplis de passagers sur deux gratte-ciel à New York, un troisième sur le Pentagone, à Washington, quand un quatrième s'est abîmé en Pennsylvanie. Dans les avions et les bâtiments détruits, 2 973 hommes, femmes et enfants appartenant à 67 nationalités différentes ont été brûlés, tués par ces criminels. Cette tragédie a bouleversé le monde. Seize ans plus tard, ce crime monstrueux habite encore la conscience collective. Mais ce même 11 septembre 2001, comme chaque jour, plus de 35 000 enfants âgés de moins de 10 ans sont morts de faim ou de ses suites immédiates dans l'hémisphère Sud. Pratiquement personne n'en a parlé.
(p. 90-91)
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- Prends d'exemple du Malawi, petit pays agricole du sud-est de l'Afrique. La nourriture de base de ses habitants est le maïs ; les famines y sont récurrentes. Comme d'autres gouvernements dans la même situation, celui du Malawi a constitué des réserves de maïs. Ses dépôts sont administrés par la National Food Reserve Agency. En 2000, elle avait en stock 40 000 tonnes de maïs. En 2002, une sécheresse effroyable a détruit la majeure partie des récoltes. Sur les 11 millions d'habitants, 7 ont été frappés par la famine... Et le gouvernement ne disposait plus de réserves pour leur venir en aide. Les dépôts étaient vides : quelques mois auparavant, un tribunal anglais avait condamné la National Food Reserve Agency à vendre sur le marché mondial ses 40 000 tonnes de maïs afin de pouvoir payer en devises la somme due à un 'fonds vautour'. Au Malawi, des dizaines de milliers de femmes, d'enfants et d'hommes sont ainsi morts de faim.
(p. 86-87)
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La Suisse est dominée par une des oligarchies capitalistes les plus féroces, les plus habiles du monde. 2% de la population possède 96% des valeurs patrimoniales. Avant chaque votation populaire, les oligarques mobilisent des dizaines de millions de francs suisses pour inciter le peuple à voter dans le sens qu'ils souhaitent. Et ils parviennent la plupart du temps à leurs fins!
Prends le cas des scrutins fédéraux des deux dernières années. Les Suisses ont voté librement, dans le secret des urnes, contre l'instauration d'un salaire minimum, contre la limitation des salaires plus élevés, contre la création d'une caisse publique d'assurance maladie, contre une semaine supplémentaire de vacances pour tous, contre l'augmentation de la rente versée aux retraités...
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