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Ma fascination pour la Hongrie continue avec ce premier tome de la saga des Dukay, écrite par Lajos Zilahy au milieu du siècle dernier. Sous l'oeil de la nouvelle gouvernante d'origine française, Madame Couteaux (quel nom !), le lecteur est introduit à la noble et très ancienne famille Dukay. Ensuite, le lecteur a droit à un bref historique de sa généalogie et de ses possessions : le palais de Septemvir Utca, à Budapest, mais aussi le fameux château éponyme à la campagne, à proximité duquel se trouvait le village de Hemlice, déplacé sur les hauteurs après une inondation et nommé justement Ararat. Je passe sous silence les demeures de Vienne et de Paris. Qui sont les Dukay ? Eh bien, il y a le patriarche Istvan Dukay (Dupi) et son épouse, la princesse Klementina Schäyenheim (Menti), le plus pur produit de l'aristocratie autrichienne. Ensemble, ils auront cinq enfants : Imre (Rere), déficient intellectuel, Kristina, György, Janos et Terezia (Zia). Autour d'eux gravitent quelques distants parents, des serviteurs, des employés et quelques membres de l'élite austro-hongroise.

Le premier tier du roman se concentre sur Kristina. Très tôt, elle fait preuve d'indépendance. Une diseuse de bonne aventure lui prédit qu'elle tiendrait dans ses mains le coeur du prince héritier Charles d'Autriche-Hongrie. Mystère ! À partir de ce moment, elle rejette toute union qu'on lui propose, même après que le prince se marie. Quand, après la Première Guerre mondiale, ce dernier perd la couronne et se trouve exilé à Madère, elle le suit. C'est une triste histoire d'amour à sens unique.

Le reste (et la majeure partie) du roman se concentre sur Zia. Bien sur, à travers elle, on suit un peu les destinées des autres membres de la famille. Mais Zia est aussi forte que sa soeur, sinon plus. Elle aime voyager, s'intéresse à la photographie. Elle visite Paris, Venise, Mandra… Elle rencontre le prince italien Filippo Ozzolini, qu'elle finira par épouser. Ce sera le mariage du siècle, décrit en long et en large. Mais que se passera-t-il donc ensuite, il reste encore 300 pages ! Je ne veux pas dévoiler le reste de l'intrigue.

Lajos Zilahy ne réinvente pas la roue, le roman suit le style des grandes sagas familiales européennes. Tout le long de ma lecture, je pensais au roman Les Buddenbrook, de Thomas Mann. Même Kristina et Zia me faisaient penser à Antonina Buddenbrook… En d'autres mots, on entre dans le cercle intime d'une famille, de sa grandeur à sa chute. Les filles connaissent des difficultés amoureuses, l'aîné est débile, György se lie avec une roturière américaine et Janos s'intéresse au fascisme et aux Croix de fer. le temps avance, les années 1930 tirent à leur fin et on ne peut que présager le pire… Au final, c'est assez bien réussi, l'auteur a au moins le mérite de mettre de l'avant des personnages féminins forts, d'être capable de mêler réalisme (et vérité historique) et romantisme, et même de surprendre. Une belle découverte !
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Ecrite par un auteur hongrois populaire tapi dans une cave en 1944 pour échapper aux nazis puis exilé aux Etats-Unis en 1947 où il la publia, cette formidable saga familiale est une preuve lumineuse que l'écriture est mère de toutes les évasions et la mémoire fantasmée un remède contre le désespoir.
Car c'est un monde perdu que Lajos Zilahy fait revivre dans ce gros pavé propre à enchanter les soirées d'automne, en ravivant les couleurs de la richissime et ancestrale famille Dukay, dont on suit les derniers soubresauts aristocratiques entre les deux guerres : le même monde d'avant de Stefan Zweig, celui de l'Europe joyeuse et insouciante des années vingt, terrain de jeu merveilleux pour les classes cosmopolites aisées; monde en déréliction cependant, sous la charge des idées nouvelles et de l'effondrement des empires, que le comte Dukay persiste à ne pas voir contrairement à ses enfants qui adoptent les temps nouveaux : sa fille aînée qui court après les rois comme après un rêve qui disparaît, Georges l'aîné qui embrasse les nouveaux empires du commerce en Amérique, la délicieuse Zia qui ose le divorce et l'indépendance, et enfin Janos le fils honni qui se jette dans les bras d'Hitler. Seul Rere, le premier fils attardé qui fait honte mais que la famille assume, sera auprès du lit de mort du père pour pleurer avec lui le monde perdu.

Malgré quelques longueurs, difficilement évitables sur 800 pages, on se régale de cet univers ramené à la vie par la magie de l'écriture, on se délecte des péripéties de ces noblions vivant totalement hors sol dans une Europe en pleins bouleversements, perpétuant les traditions, convoquant les ministres pour leur moindre caprice, posant ici et là dans toutes les belles villégiatures européennes leur immense cargaison de valises à la moindre envie, ignorant des nouveaux temps qui grondent.
Quand le roman se referme sur la publication d'un livre qui dénonce les privilèges et possessions exorbitants de cette famille d'un autre âge, ces temps nouveaux sont déjà là.
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Mon premier Hongrois...Enfin je crois...
Je n'ai pas été dépaysée par ce Hun. Il m'a offert une belle et bonne saga, assez passionnante et, en plus, drôlatique.
C'est l'histoire de la très ancienne et très noble famille Dukay, patriciens de l'empire austro-hongrois (enfin au début, parce qu'avec les vicissitudes de l'Histoire, les empires tombent, la noblesse déchoit, comme vous le savez...) Nous naviguons à vue entre la fin du XIXème siècle et 1940, période assez agitée. Les Dukay ont un patriarche, le comte Istvan Dukay, dit comte Dupi. Très bon personnage, léger comme une plume, tant qu'on ne touche pas au fondement de son pouvoir, la terre...Une matriarche, Klementina von ...ouh làlà, princesse autrichienne, dite la comtesse Menti. Complexe. Et cinq bambins. le comte Rere (handicapé mental), la comtesse Kristina (qui veut épouser un roi), le comte Giorgy (on le voit pas beaucoup), le comte Janos (file un mauvais coton), la comtesse Zia (craquante, adorable, mignonne à croquer)...Ils sont entourés de beaucoup de monde, amis, serviteurs, connaissances...
Le roman nous apprend beaucoup de choses :
-On révise la situation politique et sociale de l'Autriche-Hongrie avant la première guerre mondiale, puis la Hongrie entre deux guerres (comme le bac approche, ça peut être utile)
-On pressent la fin de cette Europe dominatrice.
-On visite Budapest telle qu'on ne la verra jamais (avant bombardements et communisme).
-On rit beaucoup grâce à la gouvernante française de Zia, madame Couteaux, dite Berili par sa pupille, fille d'un fromager de Carcassonne et, mine de rien, petite-fille de sans-culotte...Ce qui ne sera pas sans influence pour Zia, aristocrate d'un pays régi par des lois sociales encore quasi médiévales.
Bref, on ne voit pas le temps passer, et on veut lire la suite...
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Après une jeunesse tumultueuse et prodigue dans l'armée des uhlans, le comte Istvan Dukay -Dupi, pour les intimes- est rentré dans le rang en épousant Klementina Schäyenheim-Elkburg, une princesse autrichienne apparentée aux Habsbourg. le noble hongrois est désormais à la tête d'une belle famille de cinq enfants. En 1919, les Dukay s'apprêtent à quitter leur terres d'Ararat où ils se sont réfugiés pendant la guerre pour retourner à Budapest en leur palais de la Septemvir utca. Ils emmènent avec eux Madame Couteaux, une française chargée de l'éducation de la petite Zia, tout juste âgée de huit ans. La fin de la guerre ouvre une ère nouvelle et l'avenir semble radieux pour les Dukay et la Hongrie. Pourtant, les temps ont changé et la monarchie austro-hongroise vacille. de 1919 à 1939, les Dukay vont traverser les bouleversements de leur monde, de la société, de l'Europe entière, chacun à leur manière. Imre (Rere), le premier-né, déficient mental au grand coeur, mène sa vie entre ses diverses collections d'objets hétéroclites, ses lubies bizarres et ses crises de colère. Kristina, l'aînée des filles, est une rêveuse romantique. Une diseuses de bonnes aventures lui ayant prédit qu'un jour elle tiendrait le coeur d'un roi entre ses mains, elle s'éprend éperdument de Charles, le prince héritier du trône d'Autriche-Hongrie et refuse toutes les demandes en mariage, même quand lui-même épouse une autre femme. Janos, influencé par son précepteur, devient un fervent admirateur des thèses d'Hitler, au grand dam de son père qui le renie. György part faire des études aux Etats-Unis dans l'optique de gérer un jour l'immense domaine familial. Et Terezia (Zia), la préférée de Dupi, une âme libre et forte, élevée avec un brin de fantaisie par Madame Couteaux, la seule peut-être à pressentir que le temps de l'aristocratie hongroise est compté.

Quelle belle saga historique et familiale ! Un véritable tourbillon de sentiments, d'anecdotes, de voyages, de personnages, de perles et de diamants. Avec distance, humour mais aussi un certain sens du romantisme, Lajos Zilahy décrit cette noblesse hongroise, terrienne, attachée à l'étiquette mais qui sait aussi faire parler le sang des huns qui coule dans ses veines. Autour des Dukay gravite une galerie de personnages réels ou imaginaires, aristocrates ou serviteurs, la fine fleur de la société européenne ou les paysans de Bohème. C'est une plongée dans un monde à jamais perdu qu'il nous propose de son apogée à son inévitable déclin. Avec la fin de la première guerre mondiale s'amorce une mutation en profondeur de la société européenne. Au travers du destin des Dukay, on vit les prémisses de ces changements : conflits territoriaux, chute de l'empire austro-hongrois, révoltes ouvrières et paysannes pour plus de justice sociale, montée en puissance de l'Amérique, avènement du nazisme.
Les Dukay courent-ils à leur perte ou la jeune génération saura-t-elle s'adapter au changement ? Au moment où s'achève ce premier tome, le 1er septembre 1939, ils ne le savent pas encore mais ils s'apprêtent à vivre les heures les plus sombres de leur histoire.
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Grandeur et décadence d'une grande famille européenne.

Une plongée passionnante dans l'histoire de l'Europe entre les deux guerres mondiales, en suivant les destinées individuelles de la famille hongroise Dukay, richissime propriétaire terrienne aristocratique.
Entre la chute de l'empire austro-hongrois et l'avènement du nazisme, la géopolitique, les conflits territoriaux, les nouvelles idées de justice sociale, imposent en 30 ans une mutation radicale d'un mode de vie obsolète.

Le très noble clan Dukay, fera le grand écart, entre un style de vie fastueux représenté par le comte Dupi et les choix personnels de chacun de ses enfants. La chute d'un empire individuel qui accompagne inexorablement celui d'un grand.
Un livre historique intelligent, documenté, qui évite le pathos du romanesque. Les personnages sont attachants, crédibles, élégants.
Entre Autriche, Hongrie, Allemagne et Italie, une très agréable lecture pour un livre écrit dans les conditions difficiles d'un homme traqué durant les années 1940, et qui n'a pas pris une ride.
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Ce fabuleux roman nous conte l'histoire des membres de la puissante et riche famille Dukay, de 1919 jusqu'en 1939. D'une guerre mondiale à l'autre. Nous découvrons la noble famille tout d'abord par les yeux de la nouvelle gouvernante, Mme Couteaux, qui vient d'arriver de Paris pour s'occuper d'une petite fille de 8 ans, Zia. Elle découvre le châteaux d'Ararat, le comte Dukay, et son épouse une très grande dame autrichienne, ainsi que leurs enfants Kristina, Janos, György, Rere l'aîné simple d'esprit et la bien sûre la benjamine Zia.

Nous suivons tous ces personnages dans les derniers fastes d'un monde qui se meurt petit à petit, le monde des richissimes seigneurs ayant pratiquement droit de vie ou de mort sur leurs paysans, le monde des fêtes somptueuses, des mariages arrangés, des derniers rois. Mais aussi nous les voyons évoluer dans un monde en train de changer, politiquement, socialement, techniquement.

Lajos Zilahy nous dépeint des personnages sensibles et forts, en particuliers de magnifiques portraits de femmes, Mme Couteaux, si optimiste et pleine de vie malgré tous ses malheurs, Kristina obsédée par une prophétie qui lui promettait de tenir dans sa main le coeur d'un roi, et surtout la merveilleuse Zia, qui après un mariage désastreux, saura prendre la maîtrise de sa vie, et renoncer aux prérogatives de sa classe.

Ce roman nous offre un merveilleux voyage à travers le temps et l'espace, en compagnie de personnages attachants, et nous déroule 30 ans de l'histoire européenne, des idées et des événements qui ont ébranlés le continent.

L'auteur possède une splendide écriture, très classique en apparence, mais un peu ironique et décalée, qui rend à merveille ce monde en train de mourir.
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J'ai déchanté à la page 350 et j'ai fini par abandonner à la moitié.
Au début je pensais tenir un roman de la trempe du Guépard (de Lampedusa) : le somptueux décor Mitteleuropa, le portrait haut en couleurs du chef de clan, le mélodrame autour de Kristina – histoire, chronique romancée et élégie de l'aristocratie. L'épisode du couronnement de l'empereur Charles de Habsbourg-Lorraine à Budapest en 1916 – quel sens de la mise en scène ! (p165)

L'auteur se moque de l'antagonisme des classes sociales ou plutôt de clichés liés à cet antagonisme ; et il rit gentiment de l'aristocratie. Une satire plutôt indulgente.

Mais au fil des chapitres l'intrigue s'effiloche, les anecdotes coulent comme une piquette indigeste. Des scènes me font penser à un soap opéra. Je n'arrive plus à m'intéresser aux personnages.

Extraits :
« A la fin du siècle, l'Europe [ ] étincelait et pirouettait, bercée par sa propre musique, semblable à un arbre de Noël surchargé de décorations, qui pivoterait sur une base dans laquelle une boîte à musique jouerait God Save the King ou le Deutschland über Alles, ou les accents apaisants de Gotterhalte [l'hymne impérial de la monarchie autrichienne]. [ XIXè] siècle dont Metternich, Disraeli, Bismarck furent un jour les rois. »

« Et la ronde continuait. Dans les boîtes de nuit parisiennes les femmes étaient complètement nues ; les gros bourgeois de la petite Hollande accumulaient l'or venu d'îles lointaines ; l'Italie n'avait d'autre soin que d'éclaircir sa belle voix de baryton ; et à Berlin, les policiers eux-mêmes devenaient homosexuels, pour se mettre à la page. » p57

« … Briand et Stresemann qui s'embrassaient à Locarno et qui juraient solennellement que la France et l'Allemagne ne reprendraient plus jamais les armes l'une contre l'autre. » p288
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Un bonheur. Un vrai bonheur à lire. Ce roman hongrois appartient à ces livres dont on ne voudrait pas voir la fin, tant l'histoire est aussi belle et raffinée que ne le sont l'écriture et les personnages. Un peu surannée, l'histoire d'une famille d'aristocrates hongrois de 1919 à 1939 qui symbolise la décomposition de l'Empire austro-hongrois, tout en participant sans le savoir à la composition d'une Europe nouvelle.



Ivan Dukay, à la tête d'un empire, est le chef d'une grande famille, dont l'auteur nous raconte les aventures, les malheurs et les déconvenues. Marié à une femme aussi belle qu'hautaine, apportant une dot non sans intérêt, il tente de maitriser ses enfants, dont l'éducation est assurée par des précepteurs choisis avec soin, aux personnalités croustillantes, et dont la propension aux extravagances financières ou amoureuses sont sans limites. Propriétaire d'un domaine qui ferait pâlir d'envie n'importe quel investisseur, il représente une aristocratie qui va nous inspirer des sentiments allant de l'admiration à l'irritation, en passant par une nostalgie, que seule une poignée d'héritiers ont pu connaître. On entre donc dans le livre avec une certaine réserve, tant ce monde nous semble loin, démesuré, inaccessible. Mais l'auteur nous attrape avec des anecdotes drôles vécues par des personnages auxquels on s'attache sans s'en rendre compte. L'extravagance, l'ambition, la simplicité, la séduction, sont incarnées par ces enfants qui grandissent au fil d'une l'histoire qui se poursuit, un peu comme un journal, avec de temps en temps de sublimes pages sur l'histoire, qui nous rappellent que nous ne sommes pas toujours dans un roman.

Ce monde là n'aurait pas pu survivre. Il y avait quelque chose de révoltant dans cette démesure, cette injustice. Mais nous sommes en Hongrie, ce territoire largement ouvert aux influences extérieures et au brassage de populations. Cet empire retrouvant sa souveraineté en signant son émancipation vis-à-vis de sa voisine autrichienne, mais aussi réduit à une peau de chagrin après le traité de Trianon en 1920, ce pays au coeur de l'Europe avec une population magyar d'origine asiatique, et farouchement attachée à son identité, et qui s'est battu contre les invasions turques au germaniques. Ce tempérament hongrois qui alimente chaque ligne de ce livre, est le protagoniste du livre. " On dit que les hongrois ont un caractère impulsif et prompt à la décision. Impulsif, seulement. Prompt à décider? ne prétendent cela que ceux qui persistent à confondre le caractère magyar à l'écorce allemande dont il s'est enrobé. le Magyar a apporté de l'Asie sa propension à penser..." Il est dans l'écriture, dans l'histoire, dans les acteurs
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Dukay, ce nom est synonyme de richesse, d'extrême richesse et de prodigalité. C'est la fine fleur de l'aristocratie hongroise. Cette famille prestigieuse, de la plus pure et ancienne noblesse magyar, ce noble chène a étendu ses rameaux sur toute l'Europe, s'alliant avec les plus illustres cours du continent. Le roman retrace l'évolution de cette dynastie qui traversa triomphalement les siècles, de l'aube du XXème siècle à l'envahissement de la Pologne par l'Allemagne, cinquante ans seulement, mais des plus agités.

On s'attend à suivre l'écroulement de cette lignée condamnée par l'histoire, s'effondrant sous les coups de boutoir de deux guerres et la dégradations de valeurs ancestrales. Que nenni, c'est une lente et logique érosion, à peine troublée par la dislocation de l'empire austro-hongrois, une vague onde d'un cailloux jetté dans une eau tranquille. C'est pourtant là qu'aurait dû se trouver l'intérêt du livre. Non, pas plus mouillé que le plumage d'un canard. C'est long, fastidieux même, l'auteur emploi des procédés maladroits et grossiers pour attirer notre attention. C'est très inégal. On sent passer les huit cent pages. On est très loin de la Marche de Radetzky de Joseph Roth, qui incarne un empire finissant, et qui est pour le coup un authentique chef-d'oeuvre.
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Istvan Dukay est le chef d'une famille de l'aristocratie hongroise. Sa femme, la comtesse Menti, est autrichienne et descend des Habsbourg. Leurs possessions sont immenses et au début du roman de Lajos Zilahy, la famille revient sur ses terres au château d'Ararat après la chute de la République. Cette immense résidence nous apparaît comme une demeure de rêve, de conte de fées :”En face de l'entrée principale, au milieu d'un bassin bordé de pierres de couleur, un jet d'eau s'élançait, dont les arabesques perlées et diaprées atteignaient la hauteur du deuxième étage. Un paon déroulait sa traîne somptueuse au bord du bassin tandis que des perroquets verts, perchés sur des balançoires de cuivre, entonnaient un choeur rauque et qu'un danois noir et fauve, les oreilles coupées, s'immobilisait, pétrifié à la vue des nouveaux arrivants (…). Devant le château, des massifs de fleurs flamboyaient au soleil de midi, et l'air était rempli de fragrances douces et lourdes. L'ensemble paraissait tellement étonnant, tellement irréel ! Avec ces trois étages, l'immense château, ramassé et massif émergeait fièrement dans l'éclatante lumière, et ses persiennes, d'un rouge pompéien fané, tranchaient sur la monotonie des murs jaune d'ocre.” Nous sommes juste après la première guerre mondiale, les Dukay vivent dans le luxe et leur richesse semble infinie. Lajos Zilahy nous raconte la saga de cette famille, ballottée par les soubresauts de l'histoire, jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale.

Cette aristocratie cosmopolite ne comprend pas que son monde est sur le déclin. le comte Dukay pensait que la première guerre mondiale ne durerait que quatre ou cinq semaines. Son seul embarras était de ne pouvoir aller dans son appartement parisien pour pavoiser sur les Champs-Elysées avec ses nouveaux costumes. Les choses changent, évoluent sans que Istvan Dukay n'en ait conscience, son monde existait avant lui et doit se poursuivre après. La République hongroise a été un premier avertissement, le premier évènement à ébranler les bases de l'aristocratie. le peuple commence à prendre conscience des siècles de servage subis pour le bien-être des aristocrates. le monde de ces derniers se resserre, se rétrécit au fur et à mesure que L Histoire avance. Lajos Zilahy nous annonce, comme un mauvais augure, l'avenir des Dukay et notamment du château d'Ararat qui sera saccagé pendant la seconde guerre mondiale. le présent des Dukay est ainsi entâché par leur futur déclin. L'auteur laisse transparaître par moments la terrible décrépitude de cette famille, qui est celle d'une classe sociale mais aussi d'un empire que ne cesseront de regretter des écrivains comme Joseph Roth ou Sandor Marai.

Les enfants d'Istvan Dukay accompagnent les différents moments de l'Histoire. L'aînée des filles, Kristina, se sacrifie tout entière à la monarchie depuis qu'une voyante lui a dit : “Et un jour, vous tiendrez entre vos mains le coeur du roi.” Croyant au départ qu'elle épouserait l'héritier du trône de François-Joseph, elle finit en réalité par le suivre en exil à Madère. Kristina le suit jusqu'à sa mort en tant qu'infirmière. Mais c'est essentiellement à la deuxième fille du comte, Zia, que s'intéresse Lajos Zilahy. Elle représente l'avenir, l'avancée de l'Histoire. Zia est la seule à sentir le crépuscule de l'aristocratie. Sa gouvernante, la vivante et affectueuse Mme Couteaux, lui a expliqué ce qu'était la Révolution française et ses raisons. Zia comprend alors que toute la munificence des Dukay devra un jour se payer. Ouverte et intelligente, Zia rejoint les idées communistes par amour et par conviction. Elle symbolise concrètement la fin de l'Empire austro-hongrois. le dernier enfant Dukay, Janos, ouvre la fin du roman vers un avenir sombre. N'ayant pas eu la chance d'être élevé par une Mme Couteaux, il devient nazi mais ce nouveau drame de l'Histoire fait sans doute l'objet du deuxième volume de la trilogie de Lajos Zilahy.

Les Dukay” est le formidable récit d'une chute, d'un déclin annoncé. Lajos Zilahy choisit de nous raconter la fin de l'empire austro-hongrois par la saga de la famille. Ce sont les vies des enfants qui priment sur L Histoire. le ton du livre n'est pas mélancolique, comme chez Sandor Marai, tant la fin est inéluctable. Cette aristocratie au panache insensé ne pouvait que plier face au vent de l'Histoire. J'ai quitté néanmoins avec tristesse ces personnages si finement ciselés par Zilahy mais ce n'est que pour mieux les retrouver dans “L'ange de la colère”.
Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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