Edencity, tome 2 : Les patrouilles du crépuscule

Nous sommes tous perdus, Saralynn. Le jour où la peur cesse de nous étreindre, nous n'avons plus rien d'humain. Mais elle est là, chaque matin au réveil et chaque soir au moment de s'endormir, n'est-ce pas ?

Quand on est en guerre, il n’y a plus de règles.

La peur tue l'esprit et réveille l'instinct

La vieillesse vient plus vite qu'on ne croit et quand elle est là, il est trop tard pour revenir en arrière

-Quarante-neuf ans.

Je plissai les yeux, essayant d'assimiler l'information.

- Non, c'est impossible, protestai-je. Tu es beaucoup plus jeune que ça.

-Quand on a mon âge, on ne dit pas "jeune" mais "bien conservé".

Je repensai à la loi du silence qui entourait les vies privées des membres de l'Organisation. C'était pour des raisons de sécurité, bien sûr, mais je me demandais parfois si ce n'était pas pour camoufler le gouffre que ce travail faisait de nos existences.

- Quelle heure est-il demanda Gaspard en tassant une dernière fois les feuilles sur le caveau improvisé.

Je regardai mon poignet avant de me souvenir que je n'avais plus l'heure depuis près de deux semaines et haussai les épaules.

- Aucune idée: un vampire a cassé ma montre.

-Encore? Il faut que t'en rachètes une, t'es déjà tout le temps en retard, alors si en plus tu le sais pas...

Mon coéquipier contempla le carnage d'un air satisfait, les yeux encore brillants d'excitation. Je me redressai et tournai le dos aux zombies - je détestais la vue de ces corps décapités, surtout lorsque c'était mon oeuvre. Je n'arrivais pas à comprendre comment Gaspard pouvait prendre plaisir à faire ces choses qui me dégoûtaient tant. Peut-être était-ce parce que malgré moi, je continuais de voir en eux les humains qu'ils avaient été; lui ne voyait que les monstres qu'ils étaient devenus.

Durant une nuit, les nécromanciens et leurs créatures sont devenus complètement enragés, de vraies bêtes sauvages. Le lendemain matin, tout était rentré dans l'ordre.
-Il y a eu des victimes?
-Humaines? Non, personne, à part notre patrouille. Nous avons de la chance, une chance qui ne se reproduira pas une deuxième fois, tu peux en être sûre. Par contre chez eux... (Il eut un sourire sans joie) Certains se sont fait dévorer par leurs propres zombies.