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EAN : 9782825121122
646 pages
L'Age d'Homme (05/02/1990)
3.9/5   20 notes
Résumé :
Zinoviev raconte la vie dans l'enfer soviétique, dont il saisit qu'il n'est pas produit par les dirigeants, mais par les masses.
Dans cette anti-utopie, l'histoire de l'humanité se résume par une lutte entre les forces de la civilisation et celles du communisme. Zinoviev ne croit à aucune possibilité de réformer le système : le dissident est un révolté contre toute forme de société.

Robert Kopp
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Alexandre Zinoviev eût tout lieu de cocher les cases du bon profil pour entrer dans le système, être écrivain soviétique, ne disons pas philosophe car c'était suspect, parce que issu de parents pauvres, père peintre en bâtiment, mère paysanne, sans histoire, de facto artisans actifs par le travail pour la mère patrie, mais pensez-vous ? pour Alexandre plutôt jamais que faussement ou un rien de soumission coupable comme on voudra ! Bon déjà pour tempérer les ardeurs d'aucuns qui verraient chez ce jeune irréductible une entorse à la bonne et longue marche bolchévique, Alexandre était né en 1922. Russe blanc, fatalement il ne le fut pas. Ses premiers rejets du régime ne tardèrent pas et les affaires commencèrent sérieusement à se gâter, il sentait poindre la sentence quand la guerre éclata. de facto, elle fut une aubaine pour lui et comme tout bon russe patriote, il se déclara volontaire pour aller bouter l'ennemi..et termina comme pilote de combat héroïque dans l'aviation..

Alexandre n'avait jamais songé à quitter son pays, un dur à cuire non pas comme Chalamov, mais comme pensant possible une réelle dissidence comme de l'excellence fine ; l'idéal étant bien entendu de rester ancré au pays pour mesurer les ignominies de l'ennemi intérieur et d'en être informé pas à pas afin de mieux le combattre. Quand ce fut possible évidemment, car tout le monde n'eut pas cette chance, loin s'en faut. On le sentit libéré à la mort de Staline et commença à être plus offensif ouvertement, même si la naïveté ne s'était jamais emparée de lui ..
La bonne idée dans laquelle puisait alors l'intelligentsia progressiste à son endroit était de le considérer comme controversé.
Pour ce qui est de laver les cerveaux, la sphère privée n'existant pas, ni pour Lénine, évidemment pas pour Staline, ces pervers n'avaient pas leur pareil pour redoubler d'ingéniosité : c'est un trauma que de se pencher sur ce travail d'orfèvre laminant les esprits. La résonnance était à tous les niveaux, j'ai encore en mémoire la bio de Nadia Comaneci : on se demande encore si son corps de femme lui appartenait encore. Notre ami Alexandre est sur cette brèche et rien ne le fera dévier dans son réquisitoire. La révolution de 1905 fut confisquée aux paysans, on ne confisquera rien, plus tard, à Alexandre Zinoviev. Un petit grain de sable peut enrayer ces grosses machines totalitaires du genre de celle qu'il avait sous le nez !
Staline aimait bien ce genre de personnage, plutôt malin, intelligent dirons-nous,; on sait quel sort il leur réservait, une seule ombre suffisait pour l'attirer près de soi ou l'éliminait par l'éloignement quand ce n'était pas par un complot macabre. Ah, il savait purger cet homme là, on le regretterait presque de temps à autre dans certaines circonstances trop humiliantes face à l'envahisseur ! Mais, Staline pour l'heure n'était plus, bien qu'il eût toujours ses partisans féroces, on l'a vu sous Khrouchtchev, Brejnev..

Au sortir de la guerre, Alexandre Zinoviev met à profit ses connaissances scientifiques et philosophiques, obtient ses titres et ses habilitations, sans pour autant que les ennuis cessent. Ses écrits scientifiques clandestins passent à l'ouest avec succès. Dans les années 70, il passe en littérature pour narrer la vie ordinaire soviétique faisant écho à ses embûches de toutes sortes qu'il présente dans un remarquable ouvrage composite qui s'appelle : Les Hauteurs béantes (qui veut dire les sommets chimériques du bolchevisme ..). Ce livre sera perçu bien sûr comme un brulôt antisoviétique singeant la vie quotidienne des soviétiques. Il se fait cueillir par les autorités qui lui demandent de choisir comme on a pu le faire pour Tourgueniev et d'autres l'arrestation ou l'exil. Il choisira avec sa femme Olga l'exil en Allemagne où il rongera son frein en s'employant à des sous-tâches , attendant une ère favorable à son retour.
En 1999, il écrit ceci : "L'agression de l'Otan contre la Serbie est le début de la guerre de cette alliance contre l'Europe. Je suis frappé, abasourdi par la réaction que l'on a eue en France et en Europe occidentale face à cette guerre. Les français doivent bien comprendre qu'en approuvant cette agression, ils commettent un acte de suicide historique." Donc écoeuré par ces événements à contre-courant de l'histoire, d'une ironie sardonique, il sera de retour au bercail.

Il m'étonnerait fort que Macron ait lu Zinoviev. Celui-ci décèdera le 10 mai 2006 des suites d'une tumeur au cerveau -chose que je connais bien dans ma famille-.et sera inhumé au cimetière de Novodevitchi ; en ce lieu sacré et célèbre situé en bas de Moscou. J'entends à travers mes lectures encore s'élever cette voix russe puissante pour en appeler à la vérité historique, contre les falsifications outrancières..

La prochaine fois que j'irai à Moscou, je déposerai une fleur sur le lieu du repos éternel du grand homme, en son souvenir ..
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LES HAUTEURS BÉANTES d' ALEXANDRE ZINOVIEV
Alexandre ZINOVIEV est un philosophe, logicien et écrivain russe, dans ce livre il s'attache à démontrer les interactions entre les individus de la société soviétique et les mécanismes à l'oeuvre. Bien qu'il soit facile de reconnaître Kroutchov ou Brejnev au fil du récit, personne n'est nommé et ce sont en fait des « produits « du système, interchangeables et donc qui seront Numéro Un, l'Adjoint, le Bavard, le Schizophrène, le Littérateur, le Tire au Cul, le Patriote, le Paniquard etc etc. D'ailleurs nous ne sommes pas en URSS, nous sommes en Ivanie, capitale , Ivanograd, les habitants, des Ivaniens qui se nomment tous Ivan. C'est dire la diversité.
C'est plus un essai qu'un roman, pas toujours facile à lire mais qui fascine par la précision de l'analyse et de la logique mise en oeuvre. C'est le livre qui vaudra à ZINOVIEV l'exclusion du PC, le retrait de son passeport et le harcèlement des autorités sur sa famille. C'est un des très grands livres sur le régime communiste et sûrement le plus analytique de tous.
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Sans doute un des livres les plus pertinents écrits sur le système soviétique.

Quand on a vécu sur place, on reconnait tous les protagonistes !

Extrêmement caustique et jubilatoire.

Il faut comme disait je ne sais plus qui, il faut s'efforcer de rire pour éviter d'avoir à pleurer...
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Regards et analyses sans concessions d'un système autoritaire, dictatorial et tyrannique.
Chacun dans sa vérité, sa réalité apporte sa part d'authenticité et de responsabilité.
L'auteur y apporte son style, sa sincérité et son ironie pour le plus grand plaisir de ses lecteur(rice)s.
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Les figures de Staline et Soljenitsyne se côtoient, avec d'autres personnages historiques, dans cette somme où le communisme soviétique est dépeint dans toute sa bêtise, tantôt sous une forme romanesque à l'humour noir, ironique et scandaleux dans les biais sexuels et scatologiques employés pour ridiculiser idéologues, technocrates et arrivistes participant à la mascarade sociale (ce qui ne va pas sans évoquer le travail d'un Serge Rivron dans Crafouilli) ; tantôt sous les traits d'un essai sociologique gouverné par une logique implacable, où le pouvoir et ses mécanismes sont exposés avec une rare intelligence (comme Juan Branco a pu le faire dans quelques ouvrages).
Mais le logicien, sociologue, romancier et poète russe va plus loin, car nul n'est épargné dans sa fresque monstrueuse, pas même les opprimés, tant la vérité ne laisse pas grand monde debout une fois qu'on la révèle sans préconceptions ni intéressement.
Lien : https://www.senscritique.com..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Dans la mesure où le pouvoir [...] s'approprie l'intelligence et la volonté de la société, il cherche naturellement à faire approcher l'état réel des choses de cet idéal et il considère les manifestations de volonté des personnes qui commencent, sans son autorisation, à réfléchir sur la société, ses lois, son système dirigeant, son économie, son droit, sa presse, ses arts, etc., comme des immixtions illégales dans un domaine qui lui est réservé. Et si ces personnes commencent à mieux comprendre les problèmes de la société que les représentants du pouvoir (ce qui n'est pas difficile à obtenir, car le niveau officiel de compréhension tend à un minimum de vérité et à un maximum d'erreur), elles apparaissent même au pouvoir comme des criminels, quoique, juridiquement parlant, il ne soit interdit à personne de comprendre le milieu où il vit. On contourne facilement cette absence de sanction juridique en présentant la compréhension de la société comme une calomnie évidente et subversive, sous prétexte qu'elle ne coïncide pas avec les vues officiellement prescrites.
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Les intérêts du groupe sont les intérêts de certains membres du groupe et avant tout, de ses membres dirigeants. Des intérêts généraux et communs du groupe sont un mythe, une tromperie ou une pure abstraction. A la rigueur, cela arrive, à titre d'exception. La direction du groupe lui impose, sous couleur de ses intérêts communs, quelque chose d'extérieur aux intérêts de ses membres. Bien entendu, on tient quand même compte des membres du groupe, mais on le fait dans la moindre mesure possible. C'est là une source de conflits et de conséquences incontrôlables. L'éducation officielle des hommes cherche à leur faire considérer des intérêts extérieurs comme leurs propres intérêts (selon les principes "Tout cela se fait pour toi", "C'est ton entreprise", "C'est toi, le maître ici", etc.).
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De nos jours, la peur de la vérité n'est pas une peur de l'inconnu, mais une peur de quelque chose qu'on connaît très bien. Les gens ont peur d'eux-mêmes parce qu'ils savent qui ils sont.
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Expliquer comment, sur la base d'un volontariat intégral, il peut se développer la contrainte la plus complète et la plus débridée que connaisse un pouvoir, voilà une tâche pour ceux qui se plaisent à résoudre des paradoxes. L'oppression est une résultante des libres volontés des individus et non un dessein maléfique des tyrans. Aux mains de ce pouvoir, les tyrans sont tout autant des pions que leurs victimes. Le prétendu pouvoir illimité des tyrans est une pure illusion, produite par une situation où les victimes du pouvoir sont en fait toutes-puissantes.
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Les indépendants. Ceux-là sont des anticorps dans notre société. Ils sont très peu nombreux. Mais ils sont dangereux, parce qu'ils sont maîtres d'eux-mêmes. Un seul de ces indépendants peut nous causer bien plus de tracas qu'un parti d'un million d'opposants. Personnellement, j'autoriserais bien les partis. De toute façon, chez nous, ils dégénéreraient forcément en une comédie d'avortons, et cela sans aucun emploi de la contrainte.
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Video de Alexandre Zinoviev (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alexandre Zinoviev
« Ce livre fut écrit en 1975 ; il devait reconstituer un chapitre perdu des Hauteurs béantes. Je voulais le publier en même temps que L'avenir radieux, dont le contenu et la forme littéraire étaient proches du Veilleur de Nuit. […] Pourtant, je l'ai gardé tel quel. […] l'ibanisme n'est pas un phénomène exclusivement soviétique […]. » (Alexandre Zinoviev)
« […] Ibansk […]. Ce lieu mystérieux, véritable sujet du livre et « localité qui ne localise rien » dans laquelle on ne peut entrer qu'en remplissant des formulaires […]. […] le pays Ibansk est un foutu pays et […] ses habitants les Ibaniens se font toujours baiser […], soit par leurs chefs, soit par l'Ibanisme, puissante théorie qui régit le pays, soit par les Ibaniens eux-mêmes. » (Wladimir Berelowitch)
« Ainsi donc, je me suis volontairement exclu. […] Celui qui s'exclut volontairement, c'est un Ibanien qui a eu le toupet d'exposer publiquement une opinion non conforme à celle des autorités, ni, par voie de conséquence, à celle du peuple ibanien tout entier, puisque lesdites autorités passent leur temps à exprimer les pensées et les aspirations profondes du peuple. […] » (Alexandre Zinoviev)
« […] En Union Soviétique, on appelle « les exclus » (otchtchepentsy) les personnes qui s'opposent non seulement à une collectivité soviétique donnée, mais à toute collectivité soviétique. Ils s'y opposent de telle façon qu'ils sont exclus de la société tout entière. de la sorte, ils s'opposent à la structure même de la vie sociale. le plus souvent, ceci se produit indépendamment de la volonté de l'exclu, ou du moins sans qu'il le remarque. […] la société a besoin d'exclure et […] elle produit des exclus de façon régulière et systématique. Elle les combat, mais elle en a également besoin, précisément pour les combattre. […] La société a besoin de l'exclu, car en le combattant, elle se soude, s'unifie, devient monolithique. […] le Veilleur de Nuit, supposé être l'auteur de ces Notes, est un exclu ordinaire, il n'occupe pas de poste important, il n'est pas connu, n'a guère de relations avec les étrangers. […] En général, ces exclus sans défense sont rejetés de la vie normale, ils se démoralisent, deviennent alcooliques, malades mentaux. […] Par « désoeuvrement », le Veilleur de Nuit se met à observer la vie de son bureau, en adoptant une sorte de point de vue sociologique. […] […] Il existe encore beaucoup de personnes naïves qui croient à une variante rectifiée du communisme, à un communisme démocratique ou un communisme à visage humain. le communisme à visage humain ou le communisme démocratique, ce serait comme si on imaginait un capital sans argent et sans profit. […]. (Alexandre Zinoviev, Moscou, 1978)
0:00 - L'homme de bien 2:09 - Ma relève 3:23 - Elle 5:02 - Cri de l'âme 6:02 - Générique
Référence bibliographique : Alexandre Zinoviev, Notes d'un veilleur de nuit, Éditions L'Âge d'Homme, traduit par Wladimir Berelowitch, 1979
Image d'illustration : https://www.24heures.ch/vivre/histoire/22-septembre-1978-zinoviev-dissident-prive-citoyennete/story/20066552
Bande sonore originale : Carlos Viola - Miss Laidcend
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/miss-laidcend-2
#AlexandreZinoviev #NotesDUnVeilleurDeNuit #LittératureRusse
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