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Critique de MarianneL


À l'heure où le rapport entre travailler et gagner sa vie tend vers sa dissolution, le deuxième roman de Daniele Zito (et le premier traduit en français) paru en 2017, traduit de l'italien par Lise Chapuis pour Christian Bourgois éditeur, imagine, une dystopie proche et dérangeante où les chômeurs décident, pour redonner un sens à leur vie, de travailler sans salaire et sans contrat dans des grandes entreprises, s'y insérant comme des passagers clandestins.

Le livre se présente comme les cahiers d'un journaliste disparu, Michele Robledo, personnage créé de toutes pièces par Daniele Zito. Ce journaliste disparu de manière mystérieuse a enquêté sur les travailleurs fantômes, et leur réseau clandestin TPT, le Travail Pour le Travail. Les membres de cette organisation secrète à la fois révolutionnaire et réactionnaire, chômeurs ou travailleurs lassés de leur précarité, finissent par rejoindre les rangs des salariés des grandes enseignes telle qu'Ikea ou Décathlon pour devenir des salariés fantômes, empruntant ce qu'ils appellent leur «chemin de libération», jusqu'à l'épuisement de leurs ressources.

Assemblage de cahiers controversés rédigés par Robledo, interviews, traces ou billets d'adieu rédigés par les membres du TPT, textes peut-être contrefaits par la police, le roman est une enquête présentée avec le plus grand sérieux tout en étant constamment placée sous le signe du doute, doutes sur les sources ou la véracité du récit diffusés par des autorités incertaines. de manière insidieuse, Daniele Zito évoque ainsi non seulement les contradictions de notre rapport au travail mais aussi la manière piégée dont la réalité est représentée dans notre société et en particulier dans les médias, constamment cités sous des faux noms, comme s'ils étaient les fragments d'un énorme canular.

En brossant de la sorte ce portrait d'un monde terminal du travail, par la plume d'un journaliste lui-même travailleur fantôme avant cette enquête dans sa propre rédaction, «Robledo» parvient à montrer de manière sombre, féroce et poétique, comment la fiction peut s'emparer de nos contradictions et en jouer, et partant, à déployer la puissance de la fiction.

Le procès de France Telecom et de ses anciens dirigeants nous a récemment cruellement rappelé qu'on peut se tuer à la tâche. En écho aux «Petites natures mortes au travail» d'Yves Pagès, poussant la logique et l'humour féroce du «Lutte des classes» d'Ascanio Celestini jusqu'à un point extrême pour montrer l'absurdité des valeurs habituellement associées au travail, «Robledo» capte avec une imagination et une force singulière la réalité des excès du capitalisme qui poussent les salariés à bout, la décomposition du marché du travail en même temps que le sort absurde des salariés prêts à tout pour retrouver un emploi et qui n'entrevoient d'autre choix que d'aller jusqu'au bout dans l'acceptation d'un système qui souvent les broie.

Retrouvez cette note de lecture et et beaucoup d'autres sur le blog de Charybde ici :
https://charybde2.wordpress.com/2019/07/13/note-de-lecture-robledo-daniele-zito/
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