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Critique de 100pour100lecture


Je ne sais pas pourquoi, mais en abordant ce roman, je pensais qu'il allait être beaucoup plus court, je pense que j'avais lu des extraits de plusieurs versions abrégées et donc je m'attendais à un livre beaucoup plus court et moins développé dans l'histoire. Mais connaissant Zola, on se doute néanmoins que ce n'est pas vraiment la brièveté qui l'intéresse, sinon de développer au contraire cette visée naturaliste en faisant une dissection de la société de son temps. de fait, Au Bonheur des Dames s'intéresse à l'apparition des grands magasins, contemporaine de l'époque de Zola, et montre les bouleversements induits par cette évolution du commerce, en apparence presque anodine.
L'histoire est narrée du point de vue de Denise, jeune fille fraîchement arrivée des environs de Paris avec ses deux plus jeunes frères dont elle s'occupe, et qui rejoint donc la capitale pour trouver un travail capable de subvenir au besoin de sa petite famille. Ainsi, le regard ingénu de Denise qui découvre, en arrivant à Paris, l'essor des grands magasins, permet à Zola de se placer en observateur et nous introduire peu à peu dans les arcanes de ce nouveau mode de consommation. En effet, Denise découvre d'abord Au bonheur des Dames en remarquant sa devanture éclatante en face de la boutique de son oncle chez lequel arrive. Celui-ci, M. Baudu est ensuite le second à aborder le sujet, critiquant d'emblée l'ouverture de ce grand magasin qui pratique une concurrence déloyale sans scrupule et semble viser à racheter peu à peu toutes les petites boutiques alentours, pour toujours s'étendre davantage. Denise ne cache pourtant pas sa fascination pour ce grand magasin et vient peu de temps après à y être embauchée comme vendeuse. On découvre alors aux côtés de Denise les coulisses de ce grand magasin et rapidement, le vernis semble s'écailler en révélant la façon dont sont traités les employés, et surtout Denise, moquée par ses paires, qui devient rapidement la cible favorite des moqueries. Parallèlement à l'arrivée de Denise au Bonheur des Dames, on suit les intrigues internes au magasin, d'affaires, amoureuses et amicales, ainsi que les préoccupations des petits commerçants qui ne peuvent peu à peu plus faire face à cette concurrence. Malgré les conditions difficiles au Bonheur des Dames, Denise décide d'y revenir dès qu'une place de vendeuse s'y libère, et face à l'étonnant intérêt du patron pour elle, Octave Mouret, elle grimpe peu à peu les échelons jusqu'à s'imposer comme son bras droit. Néanmoins, partout autour, les petits commerces sont contraints à fermer les uns après les autres, et les conditions de vie des commerçants que connaît Denise se dégradent de façon tragique.

Ce qui m'a frappée à la lecture de Bonheur des Dames, c'est la modernité et l'actualité de ce roman. le thème principal est en effet ce que l'on peut considérer comme le début du capitalisme avec le fleurissement des grands magasins et l'essor de la classe bourgeoise, les deux phénomènes s'entretenant de façon réciproque. Ce qui est d'autant plus intéressant, c'est l'approche assez sociologique de Zola, qui décrypte non seulement des phénomènes économiques de société mais aussi de l'impact de ceux-ci sur le tissu social, les relations de travail autant qu'intimes. Cent cinquante ans avant nous, Zola décrit déjà ce que l'on voit très souvent dans les grandes sociétés multi-nationales: des salariés parfois précaires, interchangeables sans problème, et donc peu de stabilité dans les sociétés au niveau des emplois. Cela m'a d'autant plus interpellée que j'ai regardé à peu près au même moment un reportage de Cash Investigation sur le thème de l'application des algorithmes dans les entreprises aujourd'hui (je vous le recommande par ailleurs si le sujet vous intéresse, il est disponible sur Youtube), et c'était une description assez similaire déjà, même s'il y a bien sûr de nouvelles implications aujourd'hui. Ce qu'il faut également noter dans l'oeuvre de Zola c'est qu'elle donne un point de vue très complet sur ce bouleversement sociétal, en donnant à voir la vision de Mouret des grands magasins, celle des vendeurs et vendeuses à travers Denise, celle des clientes et celle des petits commerçants. Ainsi, bien que ces grands magasins soient décrits comme des « monstres » d'un côté, on ne peut s'empêcher de sentir la fascination de beaucoup pour ces grandes devantures éclairées, son agitation permanente, ses prix attractifs et on comprend aussi d'autant mieux cette attraction-répulsion qu'exerce encore aujourd'hui le capitalisme.
Si l'on doit continuer la comparaison avec notre situation actuelle, le roman semble terminer sur le triomphe éclatant des grands magasins et de Mouret, quand notre société d'aujourd'hui paraît être davantage critique envers ces structures, et rétrocéder peu à peu pour revenir à un contact plus simple et direct entre le vendeur et le client (et non plus seulement consommateur).
En bref, un roman très actuel par son thème et son approche, qui s'attache plus à la description de moeurs qu'à des intrigues pleines de rebondissements, mais se lit néanmoins de façon fluide du début à la fin. Une bonne lecture !
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