Colossal et d'une ambition documentaire difficilement égalable, le Bonheur des Dames d'
Emile Zola rivalise de mégalomanie avec les appétits de pouvoir d'Octave Mouret. Si personne ne peut égaler ce dernier dans son projet d'édification d'un temple commercial, aucun écrivain de son temps ne devait égaler
Emile Zola dans sa volonté de saisir les rêves et les aspirations du peuple parisien de la fin du 19e siècle.
Emile Zola soupçonna la défaite d'un Octave Mouret mais la transposa au domaine affectif, se plaisant à imaginer l'imperfection constante de l'être humain qui ne peut trouver le succès dans tous les domaines en même temps. Mais il ne semble pas que
Zola ait pu douter un instant de la faillite à long terme d'une entreprise de l'envergure du Bonheur des Dames.
« Je veux, dans
Au Bonheur des dames, faire le poème de l'activité moderne. Donc, changement complet de philosophie : plus de pessimisme d'abord, ne pas conclure à la bêtise et à la mélancolie de la vie, conclure au contraire à son continuel labeur, à la puissance et à la gaieté de son enfantement. En un mot, aller avec le siècle qui est un siècle d'actions et de conquête, d'efforts dans tous les sens. »
Emile Zola ne semble même pas devoir réfréner le pessimisme : il est absent et semblerait peut-être inopportun à la vue de celui qui, de son vivant, ne connut que le succès grandissant du Bon Marché tenu par Aristide Boucicaut. Tout doit peut-être mourir pour permettre
au Bonheur des dames de s'exalter –l'amour, la tradition, la famille et la morale- mais le Bonheur ne s'en amenuise pas pour autant.
Poussé à son tour à la mégalomanie,
Emile Zola transpose sur le plan littéraire l'exaltation des entreprises gigantesques et cannibales. du gros au grossier, il n'y a qu'un pas ; du magnifique au grotesque ; de l'éclat à la chute. le processus se réalise dans le Bonheur des dames d'
Emile Zola. Aveuglé par les ambitions qu'il poursuit, l'écrivain ne remarque pas qu'à trop vouloir rassasier ses lecteurs, il prend le risque de les écoeurer.