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4,16

sur 1178 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En tournant la dernière page de ce terrible roman, j'ai tendance à me dire que j'ai lu « du grand Zola » mais un petit Rougon-Macquard qui fait arriver un jour à Rognes, Jean, frère de Gervaise dans l'assommoir, unique représentant de la famille, solitaire, mais qui se pose en témoin des actions dans l'histoire, qui contraste avec la majorité des personnages du roman par son comportement posé et veule et qui constitue une sorte de fil conducteur du roman, et qui, à l'instar d'Etienne dans Germinal, me semble-t-il, arrive au village, y passe un certain temps, puis s'en va, apportant dans le monde paysan, une autre vision des situations.

Trois maîtres mots pour résumer l'histoire : l'argent , la terre, la gaudriole pour rester correcte dans mes propos. Je place la terre en deuxième position car il semble bien que pour ces gens, la terre soit la source de l'enrichissement pour certains, et de la cupidité pour d'autres.

Au fil de ma lecture je me suis interrogée longuement sur la vision qu'Emile Zola avait de ces gens qu'il n'a pas forcément côtoyés et qui décrit des personnages au tempérament bien marqué comme il aime le faire :
Fouan, l'aïeul partage son bien entre ses trois enfants : Hyacinthe dit Jésus Christ, peut-être le plus sympathique des trois, ivrogne qui s'empresse d'hypothéquer sa part d'héritage pour se livrer à son passe-temps favoris, la boisson, et en faire profiter ses amis. Plutôt comique, incapable d'évaluer les situations qui réclament du sérieux, facétieux, mais pas mauvais bougre, en tout cas le plus agréable des trois avec son vieux père bien qu'il lui soutire de l'argent et essaie de dégoter le « magot » économisé par ce dernier.
Fanny, la fille de Fouan, près de ses sous, les pieds sur terre, reprochant pratiquement à son père de se nourrir et d'avoir quelques maigres plaisirs.
Buteau, personnage clé du roman, cupide, violent, trousseur de jupons quoique semble-t-il travailleur qui ne trouvera le repos que lorsqu'il aura dépossédé son père de ses biens.
La grande, soeur de Fouan, sans doute doyenne du village, avare, calculatrice à en devenir comique, aimant semer la zizanie, et que tout le monde craint.

Viennent ensuite de nombreux personnages qui entrent en jeu pour permettre à Zola de décrire une communauté paysanne dans une région bien française : la Beauce.

J'ai retrouvé dans la terre, une ambiance décrite par mes propres grands-parents et par mes parents qui ont grandi dans un milieu paysan du Morbihan, ambiance que j'ai des difficultés à expliquer : même si la vie est dure, faite de travail pénible au quotidien, si on se lève et que l'on se couche avec le soleil, il ressort malgré tout de la gaieté de ces scènes paysannes : le travail est communautaire, l'entraide existe et c'est avec le sourire que j'ai abordé pas mal de scènes, même lorsque que les situations amenaient des personnages à se battre, s'insulter, peut-être parce que je n'étais que le témoin de ces affaires, et aujourd'hui elles feraient sourire (un peu l'histoire de la mule boiteuse du petit fils de Figatélix dans Astérix chez les Corses ), peut-être aussi parce que j'ai trouvé que les descriptions que Zola faisait du monde paysan sont caricaturales, même s'il y a un gros fond de vérité.


Question gaudriole, on est servi : ça passe son temps à s'envoyer en l'air dans les meules de foin, dans les granges, bref un peu partout, les femmes se retrouvent grosses sans que pour autant leur maternité ne s'épanouisse, loin de là, Zola ira jusqu'à employer le terme de « veler » en parlant de Lise, l'épouse de Buteau, et mettra en scène une double naissance : celle d'un veau à l'étable et celle de l'enfant de Lise et Buteau, scène cocasse et hilarante, frisant l'humour noir. Là je n'ai aucun récit de mes aïeux quant à la réalité de ces amusements d'ordre sexuel.

Certaines scènes sont particulièrement violentes, physiquement ou psychologiquement, Emile Zola ayant l'art de décrire la brutalité de certains personnages et de manier le verbe quand il s'agit de toucher l'autre en plein coeur.

Par ailleurs, la terre fournit un documentaire intéressant sur la condition paysanne au XIXème siècle, avec quelques débuts de progrès matériel à la portée des plus grosses exploitations, la révolte des paysans en ce qui concerne le libre-échange, la politique de l'époque (orléanistes ou bonapartistes), la monnaie, l'opposition entre les ouvriers et les paysans : si l'ouvrier s'enrichit, le paysan s'appauvrit (question du prix du blé) et inversement.



Cela faisait très longtemps que je n'avais pas eu l'occasion d'apprécier un Zola et j'ai retrouvé avec plaisir les descriptions qui sont si chères à ce grand écrivain.

Challenge pavé.
Challenge multi-défis.
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Dans ce quinzième tome des Rougon-Macquart, Zola nous invite à découvrir la vie des paysans. C'est à la Beauce, en Eure-et-Loir, dans un village qu'il a nommé Rognes, qu'il situe le déroulé des événements. On y suit principalement la famille Fouan, dans laquelle on verra évoluer Jean Macquart (fils d'Antoine Macquart, frère de Gervaise et Lisa).

Après son temps dans l'armée, Jean délaisse son métier de menuisier pour travailler la terre. D'abord employé chez le respectable Hourdequin, les circonstances l'amèneront à épouser Françoise qui, nouvellement majeure, peut enfin bénéficier de sa part d'héritage. le voilà désormais mêlé à des histoires de famille à n'en plus finir. Lui qui avait fui la sienne en retrouve finalement une qui ne vaut pas mieux. Chacun se bouffe les uns les autres avec leurs histoires d'héritage, d'argent, de rentes.

Comme à son habitude, Zola implante son contexte environnemental avec brio et réalisme. La terre, ici, joue son rôle à la perfection. Tout se déroule au rythme des saisons et du travail qui s'y prête. Elle est dure, intraitable, sans aucune empathie pour les paysans qui dépendent d'elle, totalement immuable et méprisante face aux déboires des hommes.

"La Terre" est l'un des Rougon-Macquart les plus difficiles à lire, mais non pas par le style de l'auteur, qui est toujours aussi minutieux et efficace. D'autant plus qu'il ne part pas dans de grandes descriptions comme il en a souvent l'habitude (et qui ne m'ont que très rarement dérangée par ailleurs), il les intègre ici dans les différents événements et actes de ses protagonistes, ce qui ne m'a pas permis d'en ressentir la moindre longueur, alors que ce roman est l'un des plus "épais" de la série.

Bien que Zola aborde avec habileté les conditions difficiles de la vie de paysan, de la dureté du labeur et du travail de la terre, ce n'est pas non plus ce qui a rendu la lecture plus ardue que d'habitude.

Non, ce qui a rendu la lecture un peu plus difficile, c'est la teneur des événements. S'il y a toujours autant (si ce n'est plus) de mesquineries, de cancans, de rancunes et de querelles entre les différents protagonistes, si l'auteur met encore une fois en avant leur cupidité et leur désir d'en avoir toujours plus, les penchants alcooliques des hommes et le "dévergondage" des femmes, il va ici beaucoup plus loin dans les différents actes des personnages. Il y est constamment question de vol et de deshéritage, mais aussi de maltraitance, de viol et de meurtre. Je n'ai pas encore tout lu des Rougon-Macquart, mais pour moi, "La Terre" fait partie des tomes les plus sombres et les plus violents, au même titre que "L'assommoir", "Germinal" ou encore "La bête humaine".

Là où ce roman se démarque des autres, c'est que Jean Macquart n'est pas le personnage principal, il sert avant tout à mettre en avant les différents membres de la famille Fouan en jouant le rôle d'une de leurs victimes dans les guerres qu'ils mènent les uns contre les autres. Il m'a un peu fait penser à Florent dans "Le ventre de Paris", qui jouait plus ou moins le même rôle, et dans lequel les Rougon-Macquart ne jouent pas un rôle premier là non plus. La famille Fouan comprend de nombreux membres détestables, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre : entre les uns trop cupides, avares, hypocrites, rancuniers ou jaloux, très peu ont eu droit à mon empathie (uniquement les "victimes", les plus faibles, dont le sort était déjà jeté dès le début...). Dans l'ensemble, les personnages principaux et secondaires, bien que très nombreux ici, sont tous bien creusés, dépeints de manière exagérément réaliste, comme l'auteur m'a toujours habituée.

"La Terre" ne fait pas partie de mes préférés parmi les vingt tomes de la série. Il ne fait pas partie non plus de ceux que j'ai le moins aimés. Il fait partie, en revanche, de ceux qui m'ont le plus marquée et que j'ai trouvés assez dur à lire, de par le sort de certains personnages pour lesquels l'auteur est sans scrupule (Françoise notamment), de par son aspect parfois bilieux et dérangeant.

Et je peux dire encore une fois avoir passé un bon moment de lecture grâce à Émile Zola.
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Souvenir rugueux de cet opus des Rougon Macquart qui m'est rentré sous les ongles et continue de coller aux talons de mes escarpins de citadine en me rappelant mes origines paysannes.
J'aime particulièrement ce roman à part dans la saga, à la fois ode à la terre et exposition grinçante des moeurs du monde paysan de la fin du 19ième siècle, qui fait écho aux grands romans russes, Tolstoi ou Cholokhov, loin des campagnes riantes De Maupassant ou Thomas Hardy.

Tous les milieux sociaux que Zola explore dans les Rougon sont éminemment charnels et brutaux mais aucun ne l'est de manière aussi violemment érotisée et âpre que celui-là. Dans tous les sociétés humaines des Rougon on rencontre le vil et le bas, mais ces caractères ne sont jamais aussi naturels et consubstantiels à l'homme dans son mileu que dans "la Terre".
La matrice de l'oeuvre, peut-être?
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Si, au commencement de ce quinzième tome, j'ai eu les yeux baissés, le regard rivé sur la terre, c'est de plus en plus courbée, pliée sous le poids des multiples vacheries humaines grouillant sur sa surface que j'ai refermé ce volume, complètement écrasée, le nez collé sur cette fameuse terre, objet de tant d'amour et de tant de haine.
À l'origine nourricière, la terre est bien loin de se résumer à cet unique aspect. Convoitée, achetée ou héritée, elle agit comme catalyseur de tous les penchants immoraux et cruels des paysans avides de possessions et de richesses.
Zola nous emmène donc grattouiller la terre de la Beauce. Il ne la grattouille pas vraiment d'ailleurs, il la retourne avec une telle énergie, un tel acharnement qu'il en déterre un joli tas d'immondices déposés par ceux qui la travaillent et dont les relents fétides n'ont rien à envier à ceux dégagés par le lisier !

Côté terre, c'est la Beauce, son étendue à perte de vue de champs cultivables. Un paysage monotone mais fécond où d'entrée de jeu les semeurs s'activent à ensemencer ses parcelles. Au gré des saisons, Zola nous servira les labours, la moisson, la fenaison, les vendanges… L'odeur de foin enveloppe, les fourchées pour former les meules cassent les reins, la sécheresse soulève la poussière au moindre souffle, la grêle fait défiler les lanternes qui sortent des logis pour constater les dégâts. L'auteur excelle à dérouler l'immensité de cette Beauce et, au printemps, y fait exploser les brins des céréales qui viennent l'animer et offrir toutes les teintes de son réveil.
Côté historique, Zola pointe déjà l'agonie de l'agriculture, le problème du morcellement, la chute des cours et la peur de la mondialisation qui va écraser les petits exploitants français.

Côté humain, c'est bien moins bucolique et monotone. le village de Rognes abrite des spécimens de la paysannerie qui prêtent parfois à rire, mais bien plus souvent à pleurer de désespoir face à la cruauté, à l'imbécilité et au comportement bestial qu'ils adoptent jusqu'au crime pour satisfaire leur cupidité.
Le vieux Fouan, fatigué et usé, s'est décidé à partager ses terres entre ses trois enfants. Zola nous régale alors d'une première scène tout à fait cocasse chez le notaire. Celui-ci, en pleine digestion, se coupe les ongles entre deux somnolences alors que la famille Fouan débat avec mesquinerie, avarice et virulence la rente dont les enfants devront s'acquitter pour subvenir aux besoins des parents vieillissants. le venin a pris sa source et nous allons le suivre dans les différents foyers de cette lamentable progéniture où tous les coups sont permis.
Dépossédé de sa terre, le père Fouan se verra aussi ravir toute autorité et toute dignité et ses enfants le feront valser de l'un à l'autre, histoire de lui extorquer le dernier bien qu'il couve fiévreusement.

Les autres villageois ne sont pas en reste, bourreaux ou victimes, ils se vautrent dans l'immoralité jusqu'à épuiser deux curés qui ne voudront ou ne pourront même plus exercer leur sacerdoce auprès de ces paysans mal dégrossis.
Aussi douce qu'une lame de rasoir, il y a aussi La Grande, soeur du vieux Fouan, qui attise les haines et asservit ses propres petits-enfants, se délectant du malheur des autres et de leurs déchéances.

Au milieu de tout ce beau monde, Jean Macquard tente de trouver l'amour mais les sentiments ne poussent pas sur cette terre peuplée de rustres qui se contentent d'assouvir goujatement leurs désirs sur les moindres tas de paille.

Dans cette morne plaine céréalière, les humains se déchaînent et se déchirent pour acquérir le moindre arpent de terre. de fertile, celle-ci deviendra destructrice sous la main de l'homme, trop désireux d'en avoir la propriété. Possessions et dépossessions y jouent alors une véritable farandole macabre.
Poussée à l'extrême, mêlant scènes loufoques, graveleuses, violentes ou tragiques, la vision de Zola du monde rural de l'époque est impitoyable. Un volume qui attaque, qui dézingue et qui ose dresser un tableau peut-être un peu (ou beaucoup ?) exagéré de la paysannerie de l'époque mais qui se lit toujours avec autant d'émerveillement grâce au talent de son auteur.
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Jean Macquart, ancien soldat revenu de Solferino, frère de Gervaise et de Lisa, cultive une terre de la Beauce, appartenant à Hourdequin, le maire du village de Rognes. Il se lie d'amitié avec Françoise et l'accompagne pour conduire sa vache au taureau chez son employeur.
Françoise est la nièce du père Fouan qui décide de partager ses terres entre ses trois enfants en échange d'une rente et d'un hébergement.
Le partage provoque des querelles, des jalousies, des haines d'une très grande violence et éveille une cupidité meurtrière.
Les paysans travaillent sans relâche et sont en butte avec les aléas du climat: la grêle, la canicule qui font des ravages dans les cultures, comme aujourd'hui.
Hourdequin essaye vainement d'introduire les machines, les méthodes modernes de l'agriculture, comme les phosphates, présents désormais dans les engrais
"La Terre" d'Emile Zola est un livre très noir et cru sur les laboureurs qui restent profondément attachés à la terre, malgré la dureté du travail, et se battent pour la garder quelqu'en soit le prix.
Malgré les condamnations des critiques au moment de la sortie du livre, "La Terre" reste un des romans le plus apprécié pour son réalisme et sa modernité.
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Il y a dans ce roman un souffle qui me faisait parfois penser à Germinal: les passions exacerbées, des conditions de travail explorées à fond, une lutte sourde entre petit peuple et nantis, des rivalités malsaines au cube etc. J'ai lu avec avidité cette brique digne d'un thriller. Les descriptions de cette Beauce, ses paysages et sa terre, ne m'ont pas ennuyé du tout, au contraire, j'y ai trouvé un puissant pouvoir d'évocation qui me transportait, preuve de la qualité de l'écriture. de même que pour les dialogues, incisifs, durs, à l'image des personnages. J'ai aussi apprécié l'image de cette communauté rurale avec ses divisions, ses ambiguïtés, ses rêves perdus noyés dans l'alcool. Voilà pour les cotés positifs.

Mais quel gang de vindicatifs, toujours à s'entredéchirer, chérissant leurs rancoeurs, jouissant des prises de becs ! À la longue cette violence continuelle m'a fatigué; seuls Delhomme et Jean détonnent parmi ces obsédés de la confrontation. La fixation des acteurs sur l'argent devient également lassante. Quant au sort réservé aux femmes il est loin d'être enviable, sans doute une réalité de l'époque, mais quand Françoise se fait violer par son beau-frère, aidé de sa soeur en plus, et que Zola lui fait aimer cela, j'ai quelque peu décroché . . . Il y a des passages déchirants dans ce roman, notamment tout ce qui a trait à la déchéance du père Fouan et des sévices que lui infligent ses enfants. Les hymnes à la terre devancent presque aussi le courant actuel de nature writing. Mais au total d'autres éléments laissent un goût amer qui teinte mon appréciation.
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Ce quinzième volume de la série des Rougon-Macquart repose tout entier sur un parallèle, établi par Zola, entre la Terre et la Femme. Toutes deux sont sources de fécondité, toutes deux sont l'objet du désir des hommes et doivent être possédées.
Au début de l'histoire, le vieux Fouan, devenu trop âgé pour entretenir sa propriété, doit la partager entre ses trois enfants, Hyacinthe dit Jésus-Christ, Fanny et Buteau. Pour lui, se séparer de sa terre est un déchirement.
« Il avait aimé la terre en femme qui tue et pour qui on assassine. Ni épouse, ni enfants, ni personne, rien d'humain : la terre ! Et voilà qu'il avait vieilli, qu'il devait céder cette maîtresse à ses fils, comme son père la lui avait cédée à lui-même, enragé de son impuissance. »
La première scène qui se déroule chez le notaire lors du partage, donne le ton de la violence qui s'exercera par la suite. La négociation sur la valeur des terres, et sur la rente qui sera accordée au père Fouan est une lutte sous par sou, et tout sentiment familial est totalement banni. Par la suite, chacun des enfants tentera de se concilier les bonnes grâces du père, car on se doute que tout n'a pas été mis dans le partage, et qu'il y a un magot caché quelque part…
Le personnage central du roman est Buteau : c'est lui qui est le plus acharné à accaparer la plus grande part de terre possible, et en acquérir encore davantage. C'est aussi un mâle aux appétits violents, à la sexualité bestiale. Il a engrossé sa cousine Lise, mais ne se résout à l'épouser que lorsque celle-ci se retrouve héritière, en même temps que sa soeur Françoise, encore mineure. Dès lors, le plan de Buteau est simple : posséder les deux soeurs, et donc l'héritage complet. Pour échapper aux assiduités brutales de Buteau, Françoise consent à épouser Jean, un ancien soldat devenu ouvrier, puis journalier dans une ferme voisine.
Jean est sincèrement amoureux de Françoise, et ne cherche qu'à mener une existence paisible. Mais c'est compter sans l'acharnement de Buteau, qui n'hésite pas en définitive à devenir un véritable criminel pour arriver à ses fins.
Jean réalise alors qu'il n'appartient pas à ce monde de la terre.
« Toujours il avait eu des idées de retraite à la campagne. Mais quelle sottise e s'être imaginé que, le jour où il lâcherait le fusil et le rabot, la charrue contenterait son goût de la tranquillité ! Si la terre était calme, bonne à ceux qui l'aiment, les villages collés sur elle comme des nids de vermine, les insectes humains vivant de sa chair, suffisaient à la déshonorer et à en empoisonner l'approche. Il ne se souvenait pas d'avoir souffert autant que depuis son arrivée, déjà lointaine, à la Borderie. »
Quittant la Beauce, il va s'engager à nouveau dans l'armée, pour la guerre qui s'annonce.
Dans ce volume, on ne retrouve pas le Zola impressionniste, peintre de paysages ou de scènes urbaines de certains des volumes précédents. Il ne décrit que très parcimonieusement la terre de Beauce. Il se fait plutôt portraitiste, voire caricaturiste à la Daumier, pour croquer férocement des personnages comme Jésus-Christ, l'ivrogne matois et pétomane, Macqueron, le cabaretier opportuniste, ou la Grande, l'aïeule qui ne vit que pour semer la discorde dans sa propre famille et exploiter son petit-fils Hilarion, le colosse débile.
Il donne aussi son analyse de la population paysanne à la fin du XIXème siècle, une société dans laquelle commence la mutation du machinisme, mais qui reste comme engluée dans une mentalité étroite et qui ne voit que le profit à court terme.
« Depuis des siècles, le paysan prenait au sol, sans jamais songer à lui rendre, ne connaissant que le fumier de ses deux vaches et de son cheval, dont il était avare ; puis, le reste allait au petit bonheur, la semence jetée dans n'importe quel terrain, germant au hasard, et le Ciel injurié si elle ne germait pas. le jour où, instruit enfin, il se déciderait à une culture rationnelle et scientifique, la production doublerait. Mais, jusque-là, ignorant, têtu, sans un sou d'avance, il tuerait la terre. Et c'est ainsi que la Beauce, l'antique grenier de la France, la Beauce plate et sans eau, qui n'avait que son blé, se mourait peu à peu d'épuisement, lasse d'être saignée aux quatre veines et de nourrir un peuple imbécile. »
On retrouve là l'auteur du « Bonheur des dames » qui plaide pour le progrès, l'utilisation des engrais et des tracteurs, et qui aurait peut-être apprécié les immenses exploitations céréalières de la Beauce d'aujourd'hui.
Au passage, quelques coups de griffe égratignent les notables locaux, le curé méprisé par ses ouailles ou les élus se livrant à une cuisine politicarde de bas étage.
Mais toujours, le thème central revient, fécondité et possession, et lutte des hommes pour s'approprier cette terre idéalisée en Femme. L'allusion devient transparente dans la scène où Jean laboure sa parcelle, dans une sorte d'accouplement symbolisé par le soc de la charrue qui ouvre la terre… L'ensemble du roman baigne d'ailleurs dans une tension sexuelle constante, qui a beaucoup choqué les lecteurs de l'époque.
Et à la fin du livre, on passe à un stade encore plus élaboré, où la terre devient une divinité, comme dans l'Antiquité :
« La terre n'entre pas dans nos querelles d'insectes rageurs, elle ne s'occupe pas plus de nous que des fourmis, la grande travailleuse, éternellement à sa besogne. »

« Et la terre seule demeure, l'immortelle, la mère d'où nous sortons et où nous retournons, elle qu'on aime jusqu'au crime, qui refait continuellement de la vie pour son but ignoré, même avec nos abominations et nos misères. »
Quand on appartient à ce peuple paysan, on est lié à la terre d'abord, tout le reste n'a qu'une importance secondaire.
Et je termine sur une question : si Zola avait consacré un volume des Rougon-Macquart à la mer et aux marins (ce qu'il n'a pas fait et que je regrette…), aurait-il écrit « Pêcheur d'Islande »?
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Jean Macquart (le frère de Gervaise de L'Assommoir et de Lisa du Ventre de Paris), l'étranger, débarque sur cette terre, celle de la Beauce couverte de blé à perte de vue. Dans le petit village de Rognes, il côtoie la famille Fouan, un couple âgé et sa progéniture, déjà adulte, Hyacinthe (surnommé Jésus-Christ), Fanny et Buteau (une des plus belles ordures imaginées par Zola !). À 70 ans passés, les parents désirent céder leur parcelle agricole et la partager entre leurs trois enfants en échange d'un toit et d'une petite rente qui devrait assurer leurs vieux jours. C'est le début de la fin.

Zola a connu la gloire littéraire de son vivant. Il a également rencontré beaucoup de détracteurs et ce 15e tome des Rougon-Macquart avait tout pour susciter leur indignation. Dans un article, son contemporain Anatole France s'est insurgé contre « l'obscénité gratuite » de la Terre. « Personne avant lui n'avait élevé un si haut tas d'immondices. »

Si le roman commence assez doucement avec des scènes de la vie paysanne, il prend c'est vrai une tournure résolument trash, notamment par l'omniprésence des violences sexuelles et domestiques. Il m'a rappelé Thérèse Raquin, en plus noir encore, dans sa manière de fouiller la pourriture humaine. Un excellent roman noir !
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Ce livre, violente peinture du monde paysan, a choqué en son temps.
Il est effectivement brutal dans les descriptions de sexualité bestiale et dans la violence exprimée de ce monde rural supposé.
Zola fut accusé d'en rajouter pour vendre et d'abimer de la sorte l'intégrité de son oeuvre.
Il s'agit d'une histoire sordide de partage de terres qui tourne mal et de rapports qui perdent leurs qualités d'humains.
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La Terre raconte le côté sordide de la campagne française au 19e siècle. On y voit autre chose que les beautés bucoliques que décrivaient les bourgeois de cette époque. Ce roman c'est plutôt les conflits familiaux pour obtenir en héritage les plus beaux lopins de terre. Ce roman c'est aussi la terre vue comme une maîtresse impitoyable qui laisse tomber son propriétaire vieillissant pour un autre plus fringant. La Terre, c'est un roman très sombre sur la vie de campagne au 19e siècle.
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