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Critique de LiliGalipette


Nous retrouvons Aristide Saccard qui avait brassé tant de millions dans La curée, largement cocu et en passe d'être ruiné à la fin du roman. Nous voici 12 ans plus tard : après de sérieux revers de fortune, Saccard a tout perdu et il a dû vendre son superbe hôtel de la rue Monceau pour payer ses créanciers. Mais la rage de réussir tenaille toujours l'ancien spéculateur immobilier et c'est vers la Bourse qu'il tourne des regards avides. Hélas, il se chuchote que l'Empire court à sa fin : de prochaines élections pourraient le renverser et la guerre menace. « Est-ce que cet empire qui l'avait fait, allait comme lui culbuter, croulant tout d'un coup de la destinée la plus haute à la plus misérable ? » (p. 12) Et la Bourse est très sensible au climat politique : y entrer demande des nerfs d'acier, une solide connaissance de l'actualité, mais aussi un goût pour le jeu et le pari, surtout s'il est fou, hors normes.

Sachant ne pouvoir compter que sur lui-même, et certainement pas sur Eugène Rougon, son ministre de frère, Saccard fait fi des menaces qui planent : il lance ses dernières économies et toute son énergie dans la création de la Banque universelle, société de crédit destinée à financer de grands projets en Orient. « Rien n'était possible sans l'argent, l'argent liquide qui coule, qui pénètre partout. » (p. 154) Pour constituer le capital, Aristide Saccard attire de pauvres gens aux maigres économies, des nobles déchus rêvant de gloire retrouvée et toute une traîne de profiteurs qui espèrent d'enrichir dans la juteuse affaire.

L'homme est convaincu de sa haute intelligence financière et persuadé de faire fortune, pour une fois de façon durable. Aux quelques amis qui lui recommandent la prudence, notamment parce qu'il joue avec l'argent des autres, il répond plein de morgue qu'il connaît son métier. « Non, vous pouvez être tranquille, la spéculation ne dévore que les maladroits. » (p. 166) Et les premiers temps, la Bourse semble lui donner raison : la valeur des actions de la Banque universelle ne cesse de monter et Saccard savoure sa victoire et sa domination retrouvée sur les autres financiers parisiens. Mais la fièvre le gagne : voulant sans cesse augmenter la valeur de ses actions, il achète ses propres titres en catimini pour faire croire à une demande incessante. La manipulation est habile, mais risquée puisque l'édifice bancaire risque alors de s'effondrer sur lui-même. À cela s'ajoute une sordide histoire d'enfant naturel qui ressurgir après des années de silence.

Après La curée qui dénonçait les pratiques frauduleuses des spéculateurs immobilières et La terre qui peignait un tableau sans concession de l'avarice paysanne, L'argent est le point d'orgue d'une fièvre de possession. Nullement échaudé ou guéri après ses premiers échecs, Saccard se laisse dominer par une obsession de richesse sans mesure. « L'argent, l'argent roi, l'argent Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l'infini de sa présence. » (p. 274) Dans le milieu boursier où l'argent ne se compte qu'à millions, rares sont ceux qui semblent capables de se maîtriser. Parmi eux, il y a les juifs qui, tout au long du roman, sont accusés des pires malversations et à qui l'on prête les pires desseins. Voilà hélas un cliché qui a la vie dure.

J'avais un peu peiné sur Son excellence Eugène Rougon et les longues considérations politiques sur le clientélisme. Ma lecture de L'argent a été encore plus difficile. Il faut tout de même relativiser puisque j'ai lu les 500 pages de ce volume en 3 jours, mais les descriptions de la Bourse et autres mécanismes financiers m'ont parfaitement barbée ! Heureusement, toujours aussi puissante et aiguisée, la plume d'Émile Zola sait emmener son lecteur dans une histoire où le sordide se dissimule souvent derrière les rideaux. Je ne suis pas déçue de cette lecture, mais j'en sors soulagée. Émile, mon chéri, entre amis, il ne faudrait jamais parler d'argent.
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