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4,06

sur 2389 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est au coeur des Halles Baltard, que nous retrouvons Lisa, la fille d'Antoine Rougon, ce dernier s'étant fait remarquer par sa fainéantise et son alcoolisme à Plassans, alors que la république était renversée par le coup d'état de décembre 1852.

Lisa est une travailleuse, et une ambitieuse . Et elle a vite pignon sur rue , dans la charcuterie de son mari, dans ce quartier foisonnant où convergent tous les producteurs de marchandises alimentaires destinées à approvisionner la capitale. C'est dire que le roman regorge de descriptions de légumes, fruits, viandes, poissons riches en couleurs et en parfums, ceux des fleurs compensant ceux de la marée. Zola ne se prive pas de détailler les étals, au risque même d'oublier qu'il y a des saisons et qu'au 19è siècle, il est peu probable que les potirons aient côtoyé les asperges, et que l'on ait pu acheter du lilas blanc en hiver!

Outre ces tableaux grouillants de l'activité commerciale du lieu, l'intrigue se noue autour de Florent, un bagnard évadé, demi-frère de Quenu, le mari de Lisa. Accueilli à bras ouverts par les charcutiers, il fera peu à peu l'objet de ragots et de commérages, et même pour ainsi dire de fake-news, qui ne portaient alors que le nom de rumeurs et qui se propageaient à l'époque très bien via des réseaux sociaux non numériques! Il suffisait d'une commère aigrie et acariâtre pour que les réputations se fassent et se défassent comme une triante de poudre.

On y croise aussi Claude Lantier, un peintre qui traine ses guêtres et son désabusement à travers le quartier.

Beaucoup de personnages, une peinture colorée des lieux, une bonne intrigue, encore un plaisir immense pour cette lecture.
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Le « ventre » de Paris, ce sont ses Halles, un «géant de fonte», une «Babylone de métal», un «organe central battant furieusement» qui ingurgite une profusion de denrées pour les recracher mâchées à ses deux millions d'habitants. Zola les décrit dans leur globalité, des toits aux sous-sols, en s'attardant sur chaque commerce d'alimentation et de bouche. Après avoir étudié les affairistes et les spéculateurs dans la Curée, il choisit d'analyser les petits commerçants qui s'enrichissent paisiblement sous le Second Empire. La charcutière Lisa symbolise cette classe. Elle mène une existence rangée, soucieuse de son confort. Elle soutient l'Empire et l'Église qui confortent son égoïsme tranquille. L'arrivée de son beau-frère qui s'est échappé du bagne va bousculer la mollesse de ses habitudes et la vie du quartier. le gros système digestif se trouve indisposé, fiévreux.

La charpente des « Rougon-Macquart » transparait nettement dans ce volume mais j'avoue être peu sensible à la fresque sociale et politique du Second Empire et aux questions d'hérédité. Et puis il y a cette volonté de l'auteur de vouloir tout dire et tout montrer au risque de surcharger son récit.
Par contre, j'ai apprécié Zola le peintre qui parvient à décrire un amoncellement de légumes, un étalage de charcuterie, une vitrine de bijoutier, les mannes d'un poissonnier ou l'architecture d'un pavillon avec un sens pictural extraordinaire. Il utilise dans ses descriptions une palette de couleurs et il sait jouer avec les lumières. Il parvient à faire ressentir l'atmosphère épaisse et lourde d'un espace fermé, la tiédeur d'un souffle, la touffeur d'une cave. le lecteur suffoque dans les remugles de vieux fromages ou la puanteur des resserres où les volailles sont entassées. Zola se sert d'images délicates ou brutales. Les choux-fleurs figurent des bouquets de mariée, les poissons des bijoux barbares. Les charcutiers sont décrits tout en ventre ou en gorge et sont dotés des attributs des porcs : groin ou couenne. Les rues, les murs, les eaux transpirent de graisse. Outre les images, il y a les juxtapositions qui sont riches en significations : les pavillons Baltard tout en vitres et en zinc s'opposent à l'église Saint-Eustache sombre et grise, à l'architecture surannée ; les ramiers des Tuileries s'ébrouent dans le parc quand des pigeons sont égorgés par centaines dans les caves des Halles.
J'ai aimé la mise en scène de cette comédie sociale résumée par cette saillie célèbre de Claude Lantier : « Quels gredins que les honnêtes gens ! » Dans la petite société des Halles, tout n'est que médisances, commérages, jalousies, trahisons. C'est le règne de la cupidité drapée de vertu.
Enfin, le roman nous rappelle tout un monde perdu : les légumes sont cultivés à Nanterre, on se retire à Clamart pour sa retraite, on cherche la campagne à Romainville, et les rues de Paris sont encombrées de charrettes de marchande des quatre-saisons…

Le récit est gonflé par une ambition démesurée et les ficelles sont parfois un peu grosses. Mais Zola parvient à transfigurer la réalité grâce à ses descriptions pleines de poésie et à rendre parfaitement les caractères et les mœurs du peuple des Halles.
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♬ J'ai bien mangé, j'ai bien bu. J'ai la peau du ventre bien tendue... ♬
Quel livre !
C'est un véritable menu gastronomique que nous offre Émile Zola, complet et copieux.
Après La Curée, les intérieurs luxueux et les toilettes recherchées, Zola plonge brutalement ses lecteurs au milieu des étals de poissons ou dans une charcuterie en pleine fabrication du boudin. Quel contraste !
On dirait presque que l'auteur s'est livré à un exercice de style, tant l'histoire est secondaire dans ce troisième volume des Rougon-Macquart.
Le ventre de Paris est le roman des descriptions.
Les descriptions, toutes les descriptions, rien que des descriptions. Enfin... presque.
Le ventre de Paris sollicite les cinq sens du lecteur.
L'idée m'a souvent traversé l'esprit de respirer certaines pages du livre pour essayer d'y sentir les odeurs que le texte faisait naître dans mon esprit. J'ai même été tentée d'en déchirer certaines pour les déguster...
Je vous rassure tout de suite sur mon état mental : je ne l'ai pas fait. Mais ce n'est pas faute d'en avoir eu envie !
Zola nous met littéralement l'eau à la bouche avec ce Ventre de Paris... qui a failli terminer dans le mien.
En premier, la vue, évidemment. Légumes, viandes, poissons, tout y passe et après avoir lu le roman, on ne regarde plus un étalage de la même façon.
L'odorat, bien sûr. Les fromages, entre autres, m'ont fascinée. En fermant les yeux, je les ai vus et sentis.
L'ouïe. Zola nous fait entendre toutes sortes de sons. Du bruit effréné qui règne dans les Halles à la musique plus subtile d'un plat qui mijote.
Le toucher. Velouté, piquant, mou, dur, fondant et quantité d'adjectifs pour nous faire toucher des yeux les denrées exposées.
Et n'oublions pas le goût ! Certains passages m'ont mis l'eau à la bouche, littéralement.
Le ventre de Paris, c'est une incroyable richesse de langue au service de toutes ces descriptions.
Un régal littéraire.
C'est aussi une abondance, voire une surabondance de nourriture.
Florent qui débarque aux Halles se sent perdu, comme englouti par cette avalanche de denrées. En décalage complet avec l'ambiance des lieux. "À cette heure, il était seul, il pouvait crever, sur le pavé, comme un chien perdu." : le flot d'hommes et de marchandises dans lequel il est plongé accentue son sentiment de solitude.
Et comme si cela ne suffisait pas, Florent détonne dans cet environnement où il est de bon ton d'être bien en chair : "ils le regardaient avec l'étonnement de gens très gras pris d'une vague inquiétude en face d'un maigre." Parce que le ventre de Paris, c'est aussi la bataille du gras contre le maigre, et Florent le décharné est d'emblée suspect. Les gens riches mangent en quantité et s'offrent les meilleurs morceaux. Leur silhouette s'en ressent et ils se distinguent des pauvres.
Comme dans les autres volumes des Rougon-Macquart, Zola décrit la société du Second Empire. Ici, il s'intéresse plus particulièrement aux petits commerçants qui vivent une grande période de prospérité, et à leurs clients. L'appât du gain des premiers contre l'avidité d'achats des seconds, préfiguration de notre société de consommation.
Zola a créé une belle galerie de personnages vivant dans les Halles ou gravitant autour. La jalousie est à l'oeuvre, ragots et cancans vont bon train sous l'impulsion d'une belle bande de commères, l'inénarrable mademoiselle Saget en tête. Malfaisante à souhait, c'est le genre de personnage de fiction que l'on adore détester. Une grande réussite.
Le ventre de Paris me conforte dans mon amour de Zola et mon envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
Je ne peux que vous encourager à plonger à votre tour dans ce Ventre saisissant, mais prenez une bonne inspiration avant de sauter, vous en aurez besoin !
Je termine avec une petite remarque, qui vaut ce qu'elle vaut.
Je lis toujours plusieurs livres en parallèle, parce que j'aime avancer sur différents genres de lectures. Cette façon de lire m'a été très bénéfique ici : lorsque l'indigestion menaçait, lorsque je sentais poindre le trop plein de victuailles, changer de livre m'a permis de prendre une petite pause salutaire qui a parfois fait office de trou normand !
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Du grand Zola, le Ventre de Paris !

Quel talent pour décrire le coeur grouillant qu'étaient les Halles à l'époque de l'Empire, vers 1858 !
L'auteur a voulu insister sur l'oppulence excessive, sur l'amoncellement de victuailles, sur les odeurs puissantes des légumes, de la charcuterie, des poissons.
Il le fait tellement bien qu'on ne peut qu'être pris d'une légère nausée en cours de lecture.
Dans le chapitre V, une conversation entre trois commères se déroule dans l'accompagnement littéralement musical des odeurs de fromages variés se développant en même temps que les horreurs racontées... une véritable "symphonie des fromages".
Une oppulence qui rend le peuple de Paris imbu de lui-même, égoïste, envieux, accapareur, capable de méchanceté pour préserver son auto-satisfaction.

Florent, rescapé du bagne de Cayenne, revenu dans la capitale afin d'y retrouver son frère, en fera les frais.
Amaigri, sans le sou, on se méfie de lui, on le manipule, on lui prête les pires intentions.
Naïf, il se laisse abuser sans y voir malice et se verra expulsé, recraché par ce ventre gras pressé de retrouver son écoeurante bonhomie.

Une magnifique fresque breughelienne dépeinte avec éclat !!!
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Et vas-y que ça épie et que ça cancanne entre deux grosses soles à la bouche béante, un marolle ventripotent et des pieds de cochons crochetés au plafond!
Le pauvre Florent, réchappé du bagne, grand maigrichon qui est arrivé à Paris le ventre vide, va devoir résister aux regards inquisiteurs pour se faire ingurgiter par ces halles gigantesques. Les poissonnières le harcèlent, sa belle-soeur le méprise et la police le surveille discrètement. pourtant c'est un bon bougre, timide, rêveur et qui ne réclame même pas sa part d'héritage.
Il se lie d'amitié avec Claude Lantier - peintre de L'Oeuvre , fils de Gervaise, frère d'Etienne - et la mère François. Il voudrait juste refaire sa vie et passer inaperçu, mais c'est sans compter les ragots de vieilles mégères et les services secrets du 19ème siècle.

Question immersion totale dans les odeurs et les parfums, le Ventre de Paris n'a rien à envier au Parfum de Süskind, car ici, on en prend plein la truffe et le palais; Il est évident, ici et quand on a lu d'autres Zola, que l'écrivain a voulu embrasser le monde, le fourrer tout entier dans ses pages sous ses moindres aspects.
Pour qui aime la bouffe, la tripaille, les légumes charnus, veloutés, colorés, les odeurs insistantes, bouffantes, appétissantes, les couleurs, les volumes, le bruit et l'odeur, je vous invite à plonger dans ce roman, le troisième de la série.
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Dans le bidon de Paname, ce zozo là y a mis toutes ses tripes.
Y'a qu'a voir l'étalage de saucisses, de filets mignons, de cochons farcis, de rillettes faites maison, de colliers en peau de boudins, de charcutaille en pagaille, sans oublier le clou du spectacle, je vous le donne en mille feuilles...les affriolants saindoux de la charcutière de Rambuteau qu'elle arbore fièrement derrière sa vitrine sous l'oeil moqueur de la
poissonnière des halles qui affiche en évidence ses beaux mulets..Quelle farce, Les deux dodues se jalousent comme de bien entendu. le tableau des Halles de Paris décrit par Mimile n'affiche pas que des têtes de lards ou des yeux de merlans frits, les laissés pour compte, les charretières et les crèves la faim sont bien croqués par l'Empire des gros qui n'en font
qu'une bouchée. Il y en a bien un , sec comme une trique qui voudrait renverser le régime mais les maigrichons, les vieilles pies et les gargouilles s'en méfient.... Sous la plume de Zola, Les Halles de Baltard avaient de la gueule, de la gouaille et le régime des gros en prenait un bon coup au dessus de la ceinture. Soit dit en passant, le nouveau quartier des Halles aseptisé vaut peau d'balle.
Je l'aurai pas cru, le ventre de Paris, il m'a englouti tout cru.
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Il y a des lieux qui vous mangent, nous dit Zola. Des lieux qui enferment un monde dont les étrangers sont exclus. Car c'est un monde déjà comble, saturé par la présence des habitants, bourré de passages, gavé d'une surabondance de nourriture, satisfait de lui-même et dont l'arrivée d'un intrus bouleverse et retourne l'estomac -qu'il ne fallait pas déranger. Florent sera cet intrus ici, cet indésirable dont on croit un instant qu'il sera digéré par la population des Halles, c'est-à-dire accepté, assimilé au lieu et aux autres personnages. Mais l'illusion ne perdure guère, et comme toujours chez Zola, la monotonie d'une vie calme et sereine ne dure pas. le désordre reprend vite de la graine, faut dire qu'il a de quoi se sustenter avec toute cette boustifaille dans le coin. L'échiquier mis en place, il ne reste plus qu'un peu de ruse malsaine -que chacun porte avec lui dans son coeur- pour que les complications donnent le résultat escompté : celui de l'évacuation, de l'épuration du lieu contaminé par l'élément importun.

De ce troisième tome de la fresque des Rougon-Macquart, il en ressort une impression terrible de violence et de mesquinerie. Ce qui n'est évidemment pas étonnant chez Zola, puisque chacun de ses livres se fonde sur un même trouble : celui de la coexistence des hommes et de leur difficulté à vivre ensemble. Ou de leur incapacité à se mêler de leurs propres affaires. Les rumeurs, les on-dits, les cancans, les mensonges, les perfidies sont le lot quotidien des "victimes" de Zola (victimes qui ne sont d'ailleurs jamais vraiment innocentes ni pures de toute vilenie, mais qui subissent tout de même injustement les bassesses de leurs voisins). Enfin, pour être franc, on adore ça. Celui qui aime lire Zola, aime à voir se jouer et déjouer les fourberies que chacun fait à tous, pour le bonheur d'observer l'être humain dans tout ce qu'il a de plus perfide et de plus roublard. Evidemment, le lieu et le temps du récit ne sont guère d'actualité, mais il suffit de peu d'imagination pour remettre une telle histoire au goût du jour. Les hommes n'ont pas changé depuis Zola, ils sont toujours aussi malins, toujours aussi retors. Alors bien sûr, j'ai adoré ce Ventre de Paris. J'étais doublement satisfaite que La Curée m'avait laissé sur ma faim... faim très vite comblée par la nuée de chère que ce nouveau tome avait à me proposer. S'il y en a que les descriptions méticuleuses d'Emile gênent, ce n'est guère mon cas. C'est bien souvent au milieu de ces pages d'exposés que je me trouve propulsée sur un petit nuage -que tout lecteur connaît quand la lecture le transporte dans les airs des songes. Comment résister à cette profusion lexicale sur le thème de la nourriture ? D'un monde (les Halles de Paris) que nous ne pourrons plus connaître tel aujourd'hui ? Mais franchement, le plus grandiose de ce roman, au-delà même de la richesse du langage et des détails, c'est cette image des Halles, de ce Ventre, de ce monstre sans coeur, que seul l'estomac agite et qui serait prêt à gober chaque rue, chaque maison et chaque âme du quartier. Les passages qui peignent cette métaphore sont sans aucun doute les plus intenses et les plus beaux du roman. de palais à machine à vapeur, les Halles, dans leur métaphore dynamique, deviennent enfin un "ventre", un monstre quasi féroce. Elles effrayent notre personnage principal autant qu'elles le fascinent. Et il semblerait que seuls Florent, Claude le peintre et Madame François soient capables de voir en elles le phénomène vampirique qu'elles représentent. Claude, en effet, voit dès le début du roman le lien entre ces Halles et la terrible vie organique qui tue pour se nourrir.

Il n'y a d'ailleurs pas que des histoires de légumes qui sont comptées dans ce livre. La part belle est faite à la charcuterie puisque les hôtes de Florent, son beau-frère Quenu ainsi que sa femme Lisa, sont ce que l'on nomme des charcutiers. Il y a Quenu, ce beau-frère ignorant et naïf, loin de se douter ou bien de participer à quelque aventure que ce soit, et qui fait ses boudins dans l'arrière de sa boutique. Si un classement était à faire, il serait avec Florent l'un des deux innocents de l'histoire. Ce qui n'est bien sûr pas le cas de sa femme, la belle Lisa, représentant à elle seule l'ambivalence caractéristique des personnages de Zola. Lisa, c'est une femme qui plaît, ne la surnomme-t-on pas "la belle Lisa" ?, qui apparaît au début du roman comme un personnage adjuvant, mais qui se transformera au fil du récit en opposant, voire en ennemi farouche de Florent. Son ombre large plane derrière chaque page, puisqu'elle précipite vivement et volontairement le triste dénouement. Nous y retrouvons beaucoup d'autre personnages notables, comme la belle Normande, rivale direct de Lisa, qui donne l'occasion à Zola de développer sur l'asexualité (oui presque) de son héros avec brio et fantaisie. Mais le personnage le plus intéressant reste tout de même Claude Lantier, le futur héros de L'Oeuvre, qui délivre à quelques occasions sa vision de Paris, des Halles et de ses occupants, en tant que peintre désabusé. A plusieurs reprises, ses réflexions sont des morceaux de pensées étranglées, parfois dures, parfois cocasses ; comme quand il voit une sorte de réincarnation dans chaque légume de Madame François.
Quoiqu'il en soit, difficile de tirer une conclusion ou une morale à une histoire de Zola, encore moins celle-ci. Les conjectures s'entremêlent et les personnages, comme toujours, ne sont jamais à absoudre de tout péché. C'est un des points qui ravissent et exaspèrent en même temps, de ne pouvoir trancher sur qui que ce soit, de ne jamais rencontrer une figure du bien au milieu de la pourriture, du fumier, des odeurs de sang et du bitume frais, qui colle aux chaussures. Mais c'est magnifique, c'est de la littérature, ça emporte loin sur des cimes abruptes et ça nous tend la main pour nous faire redescendre des monts escarpés sur lesquels il nous a précédemment projeté. Il y a bien plus à dire sur ce roman et sur Zola évidemment. Il y a même trop à dire, tant il nous enchante encore et nous comblera pour longtemps, très longtemps je l'espère, de son élégante plume et de sa somptueuse littérature.
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Une nuit, aux portes de Paris, Madame François, maraichère de Nanterre, doit arrêter son cheval Balthazar : un corps empêche le passage de sa voiture à légumes. Ce corps, c'est celui de Florent, condamné à la déportation pour sa participation au coup d'état de 1848. Echappé de Cayenne, il est tombé, vaincu par la faim. Il est emmené par la maraichère à la Pointe Sainte Eustache, son ancien quartier, avant l'aube. Tandis que les maraîchers vendent leurs produits aux marchands, Florent, toujours affamé, découvre les récents travaux des halles. Il n'a qu'une hâte, retrouver son frère Quenu, charcutier prospère dont le ventre ne cesse de s'arrondir…

Une plongée dans les Halles de Paris, quartier historique du 1er arrondissement, dont le surnom « le Ventre de Paris » évoque à loisir les étals débordants de mets en tous genres. Ces halles dont la modernité repousse, effraie ou séduit, attirent chaque jour des milliers de clients et de marchands répartis dans les dix pavillons de métal et de verre. Dans ses allées, il est facile de confondre le marchand et la marchandise : telle vieillarde vend des légumes fades et fanés, telle demoiselle des fruits colorés et gorgés de sucre… Tout l'art de Zola résidant en ce façonnage de l'Homme.

Florent, nommé contrôleur des halles, traîne le lecteur parmi les gras marchands : les poissonniers, charcutiers, volailleurs, tripiers, fromagers, légumiers jusqu'à provoquer l'indigestion des plus maigres. Dans les pavillons et les ruelles environnantes, l'opulence côtoie à loisir les meurt-la-faim, les étals débordants frôlent les ventres vides et les instincts les plus bas dévorent l'innocence des jeunes gens tandis que la rumeur poursuit son oeuvre.

Florent, pourtant au coeur de l'intrigue en est le grand absent : il tend presque à s'effacer au monde, subissant les appétits de ses compagnons et ne prenant part tardivement qu'à la seule véritable action qui vaille d'être menée selon lui : la révolution.

Ce troisième tome est pour moi un véritable miroir de la société du second empire. Il en devient la métaphore romanesque. Et c'est Claude Lantier, peintre raté, dont les oeuvres sont toujours en germe, qui la décrit le mieux. Il va peu à peu tenir les rennes du roman, prophétisant la chute de quelques-uns de ses protagonistes.
Comme si lire les prédictions de peintre ignoré ou incompris revenait à écouter l'écrivain naturaliste examinant à la fois les personnages qu'il a crées et le milieu dans lequel ils évoluent. Tout simplement fascinant.

Lien : https://litteralfr.webnode.f..
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Quelques jours après avoir fini cette lecture, je viens en donner mon avis, ce qui n'est pas simple...
Commençons par le début, j'ai adoré cette lecture. Certes, il y a de longues descriptions mais elles sont tellement bien formulées, emplies de sensorialité: olfactive, visuelle, auditive. On s'y croirait dans ces Halles..un peintre pourrait retrouver toutes les couleurs, formes, emplacement rien qu'en lisant.
Et le fil conducteur de l'intrigue est rondement mené, on y décèle bien ses personnages, leurs intérêts, leurs évolutions.
Et déjà les thèmes chers à Zola apparaissent, son aversion pour Napoléon III, la cupidité, les inégalités, l'avarice.
Il fait un sacré portrait des femmes, poissonnières, charcutières, fleuristes, ... toutes les commerçantes y passent : voulant toujours plus d'argent, plus de bijoux pour parader face aux autres, avoir le meilleur parti, la jalousie de sa voisine, plus, toujours plus ... engraisser de nourriture et d'argent.
Et de l'autre côté, quelques hommes qui tentent une révolution dans un élan républicain pour le partage des richesses, la baisse des impôts et comme d'habitude, le peuple ne suit pas bien trop confortablement installés dans leurs avantages, leurs conforts.
Un éternel recommencement ...
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Sans aucun doute l'un des meilleurs livres de la série des Rougon Macquart. J'ai beaucoup aimé les descriptions de la ville, mais surtout des Halles de Paris. On s'imagine rapidement les rues, les étals, les odeurs... Les personnages sont nombreux mais on repère très rapidement qui est qui. La vie de l'époque est comme toujours chez Zola extrêmement bien décrite, on s'y croirait.
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