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sur 1685 notes
Aïe !, aïe !, aïe ! Un sujet qui fâche ! Je m'apprête à passer une nouvelle fois sous les Fourches Caudines des adorateurs et recueillir en pleine face les tomates pourries de leur ressentiment... mais c'est ainsi.
Soyons clairs. de deux choses l'une : soit je suis passée complètement à côté de ce roman sans en saisir aucunement l'immatérielle, la consubstantielle beauté littéraire ni l'élan de foi noble et pure qu'il recèle (ce qui n'est pas impossible) ; soit ce numéro 5 des Rougon-Macquart est un très mauvais cru, des plus mièvres et des plus faibles qui soit (ce qui n'est pas impossible non plus !).
Et c'est moi qui vous le dit, moi qui suis pourtant une fan absolue tant de l'auteur, qui m'a souvent tant ravie, que de son gigantesque projet littéraire — peindre une histoire naturelle et sociale sous le second Empire. Je crois qu'il peut être utile aux deux de leur rendre ce petit service en prenant d'emblée position pour dire qu'il s'agit probablement (je le rappelle ce n'est que mon avis) d'un des plus piètres romans de la série et qu'il ne lui fait vraiment pas honneur.
Quelle déception, lorsque Zola fait du Paul et Virginie ! Il n'est tellement pas sur son terrain que c'en devient risible et pathétique.
Le roman se divise en trois parties ; les première et dernière pouvant, à l'extrême rigueur, faire un peu penser à du Zola très bas de gamme En revanche cette deuxième partie, surtout, constitue l'un des pires moments qu'il m'ait été donné de passer en littérature. Émile Zola y revisite le thème du jardin abandonné de la rue Plumet qu'avait exploré Victor Hugo avec parcimonie dans Les Misérables mais qu'ici il use jusqu'à la corde de la pire façon qui soit : du mièvre, du catalogue horticole, du plan-plan à souhait. Bref, un calvaire où j'ai vraiment porté ma croix de lectrice. L'ombre, de l'ombre, du collier, de la laisse, du chien qui galope après Zola, le vrai Zola qu'on aime. Une horreur.
On voit que l'auteur s'est documenté, un peu trop même, ou trop théoriquement, il a ouvert un traité de botanique et a tout pompé et tout réinjecté dans son texte. On croirait lire du Jules Verne dans ses interminables descriptions soporifiques de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers.
C'est encore pire que dans le Ventre de Paris, où les pléthoriques descriptions de fruits ou de légumes avaient une fonction documentaire.
Ici, c'est artificiel au possible, on comprend vite que Zola n'y connait rien en jardinage sans quoi il n'écrirait pas de telles invraisemblances sur les végétaux. Bref, le pauvre Émile a sombré dans le pitoyable remplissage dans sa seconde partie.
Pourtant, l'objectif pouvait paraître louable au départ, après deux romans parisiens (La Curée, le Ventre de Paris) et deux romans dans une petite ville de province (La Fortune Des Rougon, La Conquête de Plassans), il a voulu transporter ses Rougon-Macquart à la campagne.
Par contre, quel plantage (pardonnez-moi, c'était facile), aussi bien du point de vue de l'utilité pour son projet (absolument aucune valeur de généralisation à un pan de la société sous Napoléon III et il avait d'ailleurs déjà traité du monde ecclésiastique dans La Conquête de Plassans) que de la réussite purement littéraire qui annonce déjà, par certains côtés les pires livres du cycle, à savoir Une Page D'Amour et le Rêve. Heureusement qu'il y aura La Terre pour forger un vrai bon opus campagnard digne d'intérêt.
Pour conclure, si le scénario peut vous intéresser (au cas où les histoires de curés succombant à la tentation charnelle sont à votre goût, je vous conseillerais plus volontiers le Moine d'Antonin Artaud), il s'agit de Serge Mouret, le frère d'Octave Mouret qu'on verra à l'oeuvre dans Pot-Bouille et Au Bonheur Des Dames, le fils du couple Mouret de la Conquête de Plassans qu'on a vu entrer au séminaire à la fin de ce roman et qui maintenant vient de prendre une cure dans un petit patelin paumé non loin de Plassans (c'est-à-dire Aix en Provence) et qui dans la réalité se situe au pied de la Montagne Sainte-Victoire (si chère à son ami Paul Cézanne).
Là, notre ascète abbé va tomber, par un improbable accident, dans le piège de la tentation auprès d'Albine, une jeune fille "sauvage" vivant au Paradou, version provençale du jardin d'Eden et de la chute qui s'y produit dans la bible. Faites grincer les violons, c'est parti pour du mélo à deux balles façon La Symphonie Pastorale en moins bien.
Le frère Archangias, la Teuse et Désirée Mouret sont trois personnages hyper caricaturaux très loin de la finesse avec laquelle il sait parfois brosser des portraits percutants.
En somme, si vous aimez Zola, je ne vous le conseille pas, vous seriez déçus, si vous ne connaissez pas Zola, je ne vous le conseille pas non plus car il n'est pas du tout représentatif de l'oeuvre si puissante, si intéressante et si documentaire de son auteur.
Néanmoins, on peut lui pardonner à notre vieil Émile car il en a écrit tellement d'autres et de vraiment bons qu'on peut bien fermer les yeux sur ce que j'appellerais "La faute de l'écrivain Zola".
Et n'oublions jamais que ce n'est que mon avis, un parmi beaucoup, beaucoup d'autres, c'est-à-dire, très peu de chose en vérité.
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Un Zola qui manque de piquant pour moi... et pourtant le sujet est brûlant puisque c'est une critique du catholicisme.

Serge Mouret, jeune curé, prend ses fonctions dans un petit village à côté de Plassans. Il rencontre vite les habitant du crus, et les jeunes filles en fleur peu farouche. C'est aussi l'occasion pour lui de rencontrer un philosophe qui vit au Paradou , petit coin de paradis végétal.

J'avoue que j'ai eu beaucoup plus de mal avec ce tome qu'avec les précédents. Les moments ou le curé se morfond sont d'un profond ennui, ainsi que les longues descriptions du Paradou. Pourtant, j'aime en général les descriptions de Zola mais quand il s'agit de végétation... ça m'intéresse beaucoup moins. C'est assez bizarre parce que dans ventre de Paris ses descriptions avaient même des odeurs pour moi. Il faut croire que le jambon a plus d'attrait que le rhododendron !

J'ai par contre particulièrement apprécié la façon dont Zola avait grimé le frère Archangias. C'est une véritable caricature. Ce style de bonhomme m'agace au plus haut point. Ce rejet des femmes , alors que lui même est bien né de quelque part m'exaspère au plus haut point. Les gens qui se voilent la face et en arrive a ce point de dénigrement ne mérite aucun respect... Mais on pourrait penser que cela n'existe plus.. et bien grande erreur. Il n'y a pas si longtemps un homme est venu sonner à la maison pour parler à mon mari.. malheur c'est moi qui ai ouvert la porte. Cet homme pour des raisons religieuses ne supporte pas la vue d'une femme.. il a donc tourné le dos a vitesse grand V quand il a vu ma tête et m'a parlé de dos... et bien il a pu parler longtemps car j'ai gentiement refermé la porte sans faire de bruit. Quelques jours plus tard il a eu le toupet de ronchonner vers mon mari en lui signifiant que je lui avais manqué de respect... je me demande sincèrement qui de nous deux avait commencé !!

Bref tout ça pour dire que Zola n'était sans doute pas a son plus haut niveau en écrivant ce roman. Il m' a pourtant fait un peu penser à Voltaire... mais le sujet de fond reste intéressant.
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Avec ce cinquième opus de la saga des Rougon-Macquart, nous retrouvons Serge Mouret, dans une commune rurale peuplée de familles frustres dans leurs échanges et primaires dans l'expression de leurs sentiments . Il a réalisé son rêve, devenir prêtre, et exerce son sacerdoce avec dévotion et bonheur. Il voue un culte particulier à la pureté de la Vierge Marie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui mais voilà, son oncle le docteur Pascal le sollicite pour venir au chevet d'un mourant, une sorte de misanthrope qui squatte les dépendances d'un ancien domaine. Et qui héberge Albine , une sauvageonne belle comme le jour, qui ne cessera plus de hanter les pensées de l'abbé. Jusqu'à douter de l'existence de Dieu!

La faute, on la devine.

L'originalité du roman tient à la mise en scène de l'histoire amoureuse des deux personnages : elle a lieu dans le Paradou, là où la jeune fille règne au coeur d'un paysage sublime. Mais entre l'intitulé du lieu et les descriptions des espèces végétales qui en font un paradis terrestre, l'Eden et l'arbre de la connaissance du bien et du mal ne sont pas loin (d'ailleurs si vous n'avez pas quelques notions de botanique, il vaut mieux avoir Google accessible, pour visualiser les tableaux végétaux décrits, avec force détails). Là encore, comme dans le Ventre de Paris , la notion de saison n'est pas prioritaire devant la volonté de donner une impression de luxuriance et fleurs et fruits se côtoient dans un joyeux bazar.

Les personnages secondaires ne manquent pas d'intérêt :
Désirée la simplette est toujours présente, et toujours aussi passionnée par l'élevage des animaux de la création, de plus en plus volumineux et envahissant, La Teuse dirige la cure avec énergie et le Frère Archangias s'offusque avec force devant les frasques de l'abbé tout en crevant de jalousie.


Encore un superbe opus pour cette série , avec une langue riche (de nos jours on accuserait l'usage de Wikipedia) et un excellent rendu des tourments et des délires du pauvre abbé, dans un récit aux allures de parabole.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Dans la Conquête de Plassans, nous avons assisté à l'éclatement de la famille Mouret et la déchéance des deux parents Marthe et François. Pour continuer notre périple provençal, direction les Artaud, village pauvre et aride qui va être le lieu des événements de ce cinquième tome des Rougon-Macquart.

Quand nous avons quitté Serge Mouret, celui-ci entrait au séminaire sur les conseils de l'abbé Faujas. C'est dans sa fonction de prêtre que nous le retrouvons ici, affecté à la cure des Artaud qui est la plus pauvre de la région. Vivant avec sa soeur Désirée qui est simple d'esprit et sa fidèle Teuse, l'abbé Mouret mène une vie ascétique faite de prières et de dévotions. Un jour ou il doit faire une visite chez le maire du village, il croise sur la route son oncle, le docteur Pascal, qui le conduit au Paradou, domaine "maudit" qui suscite les commérages aux Artaud. Dans cette demeure, Serge fera la connaissance d'Albine, considérée par tous comme une sauvageonne qui suinte le péché. Peu après, Serge, de retour dans son église est victime d'un violent accès de fièvre qui lui fera perdre connaissance. Transporté au Paradou pour sa convalescence, soigné par Albine avec qui il tissera des liens très forts, Serge découvrira les mystères du domaine et de son jardin à la végétation luxuriante, lieu dans lequel il connaîtra la résurrection mais aussi la perdition...

J'ai abordé ce roman avec des pincettes, à chaque fois que j'en ai parlé à une personne de ma connaissance, l'affirmation qui revenait sans arrêt c'est : "tu vas te faire chier ! ". Cela a au moins le mérite d'être clair, j'ai donc chamboulé mon planning de lecture pour donner la primeur à ce livre afin d'être fixée une bonne fois pour toutes.
Je n'ai pas été déçue, j'ai retrouvé tous les thèmes qui m'ont séduite quand j'ai commencé les Rougon-Macquart. Bien sûr, il y a certains passages qui sont chiants, notamment à la fin du livre premier quand l'abbé est pris dans son délire de Vierge Marie, je me suis dit "ça y est voilà qu'il nous craque sa soutane celui-là!" mais globalement l'ensemble est bon, voire même très bon. Zola sait manier ses personnages et nous offre une fois de plus une palette de protagonistes à la hauteur de l'ambiance générale du roman. Ce mythe du Jardin d'Eden revisité par l'auteur est un superbe moment de lecture. Entrez sans complexes dans le jardin du Paradou, vous aussi, vous pourriez bien succomber à cette perle de poésie qui ne laisse pas indifférent.
J'ai adoré, donc comme d'habitude, ce sera 5 étoiles de notation pour ce cher Emile.
A découvrir !
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♫ C'est un jardin.... extraordinaire....! ♬ ♬
Ici, dans ce cinquième volume du cycle des Rougon-Macquart, La faute de l'abbé Mouret, si l'on n'y prête guère attention, à première vue on pourrait y voir un Émile Zola reconverti en botaniste.
Que nenni ! Ici c'est tout simplement son talent de peintre de l'âme humaine, du désir et de l'appel de la chair aussi, qu'il déploie avec gourmandise et volupté, certes parfois dans un symbolisme qui peut paraître outrancier.
Contre toute attente j'ai aimé ce cinquième opus.
Je m'attendais au pire, ayant lu et apprécié quelques critiques bien étayées de quelques amis d'ici, disant que le malheureux Zola s'était égaré, peut-être même fourvoyé, au mieux dans une scène bucolique, naïve et désuète tout droit sortie d'un tableau du Douanier Rousseau, au pire dans un délire horticole. Sans doute ont-ils un peu raison, ou plus exactement, on peut le voir ainsi et on peut aussi s'accorder sur le constat que Zola n'a sans doute pas la main verte... J'y allais donc presque à reculons... Mais voilà, je suis parvenu à lire ce livre et figurez-vous que chez moi, ça a plutôt bien fonctionné... Ah ! Les mystères de la lecture... Allez comprendre !
Si j'en crois l'érotisme floral qui m'a été donné d'effeuiller durant un florilège de pages enivrantes et voluptueuses, je me demande si je ne devrais pas désormais fréquenter davantage les forêts et les parcs plutôt que les librairies et les médiathèques ! Et pourquoi pas les jardineries tant qu'à faire, histoire de m'initier au plaisir de la terre, de la prendre dans les mains, de la sentir, effleurer les pétales et les pistils, m'enivrer des effluves des fleurs les plus rares, de leurs fragrances inavouées, odeur de musc et d'aurores printanières, deviner sous l'échancrure des feuillages des choses incroyablement douces et surprenantes... Cela dit, les deux sont totalement compatibles...
Plus sérieusement, là où certains de mes amis avaient raison, c'est bien sûr de rappeler un point essentiel : le style incomparable de Zola, son génie narratif, sans pour autant perdre de vue le dessein qui anime le projet littéraire du cycle des Rougon-Macquart, celui de peindre une histoire naturelle et sociale sous le Second Empire. Il me semble qu'ici Zola n'a pas dérogé à la règle qu'il s'était établie. Certes ce roman n'est sans doute pas celui que je préfère de la série, il n'a pas le souffle social qu'on peut saisir dans l'Assommoir, ni dans Germinal. Il n'est pas non plus dans le registre de la tragédie populaire qu'on peut rencontrer dans La bête humaine. Mais ce roman est une oeuvre intéressante et atypique qui, de mon point de vue, trouve écho à cette force qui porte l'écriture du destin des Rougon-Macquart. Je vais tâcher de vous en convaincre un peu...
Alors, reprenons nos esprits et revenons à l'histoire...
Nous sommes dans le sud de la France, à quelques lieux de Plassans, ville imaginée par Zola pour accueillir la saga des Rougon-Macquart. le jeune abbé Mouret vient d'être nommé prêtre de la paroisse des Artaud. Orphelin depuis le terrible drame relaté dans le précédent récit de la conquête de Plassans, il s'installe avec sa petite soeur Désirée dont il a désormais la charge, fille simplette qui va vite s'attacher aux animaux de la basse-cour dans une candeur touchante. Il a à son service une servante, femme du pays, aussi fidèle que têtue, la Teuse, j'ai découvert dans cette femme un magnifique personnage haut en couleur.
C'est un paysage aride fait de pierres, de vignes et de landes, un coin de terre ou les habitants sont aussi secs que le sol. Avec médisance, on ne serait pas loin de penser que le vin tiré ici doit ressembler à une horrible piquette. Au milieu de ces gueux dont on dit qu'ils sont sans âme, l'abbé Mouret se démarque de son homologue le Frère Archangias, qui fustige sans arrêt la trivialité de la paysannerie locale et en particulier celle des jeunes filles dont il ne voit que lubricité et fornication parmi les champs ; l'abbé Mouret aspire, quant à lui, à une tendresse pure, une candeur divine, se gardant de prendre ces gens simples en mépris. Il voue par ailleurs une pleine dévotion à l'endroit de la vierge Marie, au grand dam du Frère Archangias qui trouve cette approche de la religion un peu trop féminine à son goût.
Un jour, son oncle, le docteur Pascal, le sollicite pour porter l'extrême-onction auprès d'un vieil homme, il fait ainsi la connaissance du vieux Jeanbernat, personnage misanthrope, un peu philosophe, totalement anticlérical, mais ce dernier n'est pas encore prêt de passer l'arme à gauche. Il vit avec sa nièce la toute jeune Albine, enfant presque sauvage, au milieu d'un domaine étrange et semblant coupé du reste du monde, propriété abandonnée à la nature, le Paradou.
C'est à cet endroit que, quelques temps plus tard, le docteur Pascal, dépêché pour soigner son neveu pris de fièvres, aura l'idée inspirée de l'amener en convalescence. La jeune Albine saura s'occuper de lui...
Voilà, le décor champêtre est planté, celui qui crée un hiatus entre quelques lecteurs que nous sommes, Zola renouant ici avec le mythe du jardin abandonné. Ce lieu est un personnage à part entière, presque le personnage central, sorte de transposition du jardin d'Eden, convoquant une joie pure, une nature ivre, terrain d'apprentissage d'une forme de vie buissonnière et d'amour sans entrave, lieu de passage des gestes innocents à ceux qui le sont moins...
Bien sûr il y a cette seconde partie du récit qui apparaît comme une parenthèse surprenante au premier abord.
Zola, pour notre plus grand plaisir, convoque avec sa palette de peintre la nature dans tous ses sens. C'est une débauche de couleurs, d'odeurs, de formes les plus suggestives, la nature ici est lascive, elle s'offre à nous, c'est une étreinte de la terre, une débauche de feuillages, il y a une puissance d'évocation, quelque chose de charnel et de torride, je ne regarderai plus un parterre de chrysanthèmes, d'ancolies ou de campanules comme avant...
Mais, me direz-vous, où l'auteur veut-il en venir ?
Car il y a un drame qui sous-tend cela...
Si cette seconde partie du roman fait autant contraste avec les deux autres qui la tiennent, permettant à l'abbé Mouret de redevenir Serge, c'est ici, je pense, que le fameux mythe du jardin d'Eden prend tout son sens, invitant aux choses premières, à l'essentiel, un territoire protégé du reste du monde, qui fait de la femme l'égale de l'homme.
N'est-on pas d'ailleurs davantage sur le mythe de la transformation, de la tentative de renaître, ce jardin faisant office de véritable révélateur... La faute revient peut-être alors à ce rendez-vous de verdure, pardi !
Chers lecteurs, n'avez-vous pas été saisi qu'à aucun moment, il n'est question de la foi religieuse de l'abbé Mouret dans cette seconde partie ? Tout lui semble oublié, car justement, depuis ses fièvres, il est victime d'une forme d'amnésie qui lui a permis de se délivrer de son habit sacerdotal et de tout ce qui va avec. Perdant sa lucidité ecclésiastique, l'abbé Mouret n'existe plus, Serge n'est plus l'abbé Mouret, il en est totalement délivré. Il redevient Serge, celui d'avant. Cette amnésie crée peut-être cet univers éthéré où il n'est plus dans son état normal,-où peut-être le redevient-il tout au contraire justement ! Peut-être regardons-nous alors l'invitation de ce jardin avec son regard dépouillé de tout ?
N'oublions pas d'où vient l'abbé Mouret : de ce récit précédent, La conquête de Plassans, où le jeune enfant Serge fut enrôlé, quasiment endoctriné vers le ministère religieux par l'abbé Faugas à la faveur d'une première fièvre. C'est toute la dégénérescence de la lignée infernale des Rougon et des Macquart qui est ici dite en filigrane...
Dans cette logorrhée autant bucolique que catholique, où le trait est bien appuyé, j'y ai vu une charge prodigieuse contre la religion et ses serviteurs, sa domination, ses dogmes, ses croyances illusoires et ostentatoires, son prosélytisme... et peut-être aussi un magnifique plaidoyer féministe...
Voilà, je vous livre ici une vision totalement subjective de cette lecture...
Mais peut-être ne faut-il y voir qu'une simple chronique rurale, sensuelle et triste, aux accents lyriques ?
En tous cas, me voilà désormais remis en selle pour la suite du cycle des Rougon-Macquart !
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♬ Voilà, c'est fini ♬
Ça y est, j'ai enfin terminé ce roman !
Si l'on m'avait dit qu'un jour je refermerais un livre de Zola en poussant un soupir de soulagement, je ne l'aurais pas cru.
C'est pourtant ce qui vient de m'arriver.
Jusqu'ici, j'ai toujours tourné la dernière page ravie, transportée, admirative de cet écrivain de génie, mais aussi un peu triste comme à chaque fois que je quitte un ouvrage prenant.
Après le ventre de Paris, j'ai poussé un soupir de satisfaction, ayant apprécié par les cinq sens toute la palette des victuailles que Zola nous y décrit.
Après La conquête de Plassans, j'ai poussé un soupir d'admiration devant le talent de l'auteur qui a créé un personnage diabolique et monté un incroyable scénario.
Mais ici, je suis soulagée !
Je suis soulagée d'en avoir fini parce que cette lecture, loin de m'avoir enthousiasmée comme l'ont fait tous les autres volumes des Rougon-Macquart que j'ai déjà lus, m'a globalement ennuyée.
Alors, oui, on reconnaît dans ce roman le style de Zola, mais...
Le thème était alléchant, mais...
Ce livre avait a priori tout pour me plaire, mais... il ne m'a pas convaincue.
Pourquoi donc ?
Tout d'abord, il y a les descriptions.
J'aime les descriptions, particulièrement dans Zola. Dans le ventre de Paris, je les ai trouvées époustouflantes. J'en ai savouré chaque phrase, chaque mot. À travers elles, l'auteur nous fait sentir, toucher, entendre, voir et même goûter toute la vie du quartier des Halles ; c'est la fête des cinq sens !
Mais ici, quand l'auteur dépeint un à un les arbres et les fleurs, le lecteur a droit à des pages et des pages qui semblent tout droit sorties du catalogue Vilmorin.
♫ Pour faire un arbre, mon Dieu que c'est long ! ♫ a chanté Hugues Aufray, et là, j'ai envie de dire : "Pour décrire un arbre, mon Dieu que c'est long !"
Trop, c'est trop. Quel ennui !
Et puis, il y a l'histoire et les personnages.
Le Paradou, sorte d'éden que le prêtre Serge Mouret découvre, va chambouler sa vie. Ce lieu paradisiaque va faire tourner la tête de l'ecclésiastique et causer sa perte. D'autant qu'il le visite en compagnie de la séduisante Albine...
Cela aurait pu être passionnant.
Le hic, c'est que je n'ai pas accroché, et que j'ai même trouvé de nombreux passages assez mièvres.
Après un début de roman que j'ai apprécié, des personnages qui me plaisent (La Teuse, particulièrement réussie), je me suis ennuyée à mourir dans ce Paradou. Il a beau être habité par d'innombrables plantes, sa traversée a été pour moi une véritable traversée du désert. J'ai donc tourné les pages sans grand plaisir, ayant hâte d'en sortir.
Dans la dernière partie du livre, mon intérêt a été, heureusement, un peu relancé.
J'ai même fini par y retrouver le Zola que j'aime. Ouf !
Conclusion ?
Dans ma lecture du cycle des Rougon-Macquart, je dirais que ce cinquième volume constitue un accident de parcours.
Je pardonne bien volontiers à Zola pour qui j'ai les yeux de Chimène, et vais poursuivre mon chemin avec lui... pourvu qu'il ne cherche pas à nouveau à m'emmener au Paradou.
Et maintenant, place à Son Excellence Eugène Rougon !
Mais avant cela, je vous offre un petit bout de Paradou pour que vous puissiez vous faire une idée. Ce n'est qu'un tout petit bout... à vous d'imaginer cela sur des pages et des pages...
"Le couple enjambait les obstacles, continuait sa marche heureuse entre les deux haies de verdure. À droite, montaient les fraxinelles légères, les centranthus retombant en neige immaculée, les cynoglosses grisâtres ayant une goutte de rosée dans chacune des coupes minuscules de leurs fleurs. À gauche, c'était une longue rue d'ancolies, toutes les variétés de l'ancolie, les blanches, les roses pâles, les violettes sombres, ces dernières presque noires, d'une tristesse de deuil, laissant pendre d'un bouquet de hautes tiges leurs pétales plissés et gaufrés comme un crêpe. Et plus loin, à mesure qu'ils avançaient, les haies changeaient, alignaient les bâtons fleuris de pieds-d'alouettes énormes, perdus dans la frisure des feuilles, laissaient passer les gueules ouvertes des mufliers fauves, haussaient le feuillage grêle des schizanthus, plein d'un papillonnage de fleurs aux ailes de soufre tachées de laque tendre. Des campanules couraient, lançant leurs cloches bleues à toute volée, jusqu'au haut de grands asphodèles, dont la tige d'or leur servait de clocher. Dans un coin, un fenouil géant ressemblait à une dame de fine guipure renversant son ombrelle de satin vert d'eau. Puis, brusquement, le couple se trouvait au fond d'une impasse ; il ne pouvait plus avancer, un tas de fleurs bouchait le sentier, un jaillissement de plantes tel, qu'il mettait là comme une meule à panache triomphal. En bas, des acanthes bâtissaient un socle, d'où s'élançaient des benoîtes écarlates, des rhodantes dont les pétales secs avaient des cassures de papier peint, des clarkias aux grandes croix blanches, ouvragées, semblables aux croix d'un ordre barbare. Plus haut, s'épanouissaient les viscarias roses, les leptosiphons jaunes, les colinsias blancs, les lagurus plantant parmi les couleurs vives leurs pompons de cendre verte. Plus haut encore, des digitales rouges, les lupins bleus s'élevaient en colonnettes minces, suspendaient une rotonde byzantine, peinturlurée violemment de pourpre et d'azur ; tandis que, tout en haut, un ricin colossal, aux feuilles sanguines, semblait élargir un dôme de cuivre bruni."
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Pour une lassitude naturaliste voilà un tome qui nous en donne...oufff!!! Un grand voyage dans la veine de la nature, on pourrait dire un retour à Eden mais d'une longueur massacrante que l'histoire se trouve stagner, et moi qui raffole ces descriptions de la nature, des lieux ou encore de la physionomie des personnages pour mieux agrémenter mon statut de grande voyageuse des livres...là c'en est trop, papa Zola m'a coupé le souffle! Tous ces détails sur son jardin de paradou engloberaient tous les programmes d'un professeur de Botanique dans une université pendant cinq ans ou encore c'est bien là la description d'un arbre du genre Baobab partant des racines(chaque racine bien sûr), du tronc, ensuite de chaque branche, de chaque feuille, de chaque fleur et de chaque fruit s'il y en a...c'est vraiment assommant! Au risque même de tout oublier à la fin!!!

Croyant à n'en plus finir avec ce jardin d'Eden rempli des rires innocents de la naïve Albine et de l'Abbé Mouret, un prêtre en sérieux conflit avec lui-même, donnés ici pendant un laps de temps comme Adam et Eve, mais une fois sortie de ce monde de rêve, de la tranquillité de l'âme, de l'homme réconcilié avec la nature, l'histoire va prendre une autre tournure, on sort d'un traitement au naturel qui s'avère en même temps un poison silencieux car une âme promue à la divinité chaste qui goute aux délices charnelles se trouve coincée dans une espèce de perdition, le déséquilibre devient plus qu'irréfutable...o quelles tortures pour ce jeune abbé! C'est de sa faute, après tout...non c'est la faute à son âme...non la faute à sa chair...mais face aux amours impossibles, elle est bien plus vibrante cette chair...

Oufff! Arriver au bout de ce livre ou plutôt traverser le jardin d'Éden avant de retrouver les troubles de l'âme comme c'est courant dans la famille Rougon-Macquart, c'est un grand respect pour le papy Zola, on adore toujours la finesse de son écriture!
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Tout juste sorti du séminaire, l'abbé Serge Mouret s'installe aux Artaud, un petit village, non loin de Plassans. Epanoui dans cette cure qu'il a choisie malgré son isolement et sa pauvreté, l'homme de Dieu vit en compagnie de sa sévère servante, la Teuse et de sa soeur Désirée, une simple d'esprit toute occupée à sa basse-cour. Pourtant, cette existence, entièrement dédiée à la prière et au culte de la Vierge, est quelque peu perturbée par ses ouailles, des villageois sans éducation, guidés par leurs seuls instincts. Les filles sont peu farouches et s'offrent sans compter aux solides gaillards qui ne demandent que ça. Même les bêtes de Désirée semblent forniquer à tout va et, cerné de toutes parts par le vice et la tentation, l'abbé Mouret tombe malade à force de lutter. Son oncle, le docteur Pascal, décide de le confier quelques temps à la jeune Albine, élevée par son oncle, un athée philosophe et décrite par les villageois comme une sauvageonne. Tous deux vivent au Paradou, un château en ruines et un luxuriant jardin, domaine entouré de légendes. Convalescent et amnésique, le prêtre se remet lentement, entouré des soins constants de la trop belle adolescente. le Paradou est un vaste jardin qu'ils explorent en toute innocence, seuls au monde, bienheureux et amoureux au point de commettre le péché de chair. Serge et Albine vivent un rêve éveillé jusqu'au jour où le frère Archangias les débusque. Immédiatement, l'abbé retrouve la mémoire, retourne aux Artaud et tente de faire pénitence pour laver son péché tandis qu'au Paradou Albine attend son retour.

Quel soulagement de tourner la dernière page de ce roman interminable ! Zola a ici trempé sa plume dans la caricature, la niaiserie et le guide des plantes en dix volumes. Les ficelles sont grosses dès le départ opposant un ascète fou de Marie à un village de consanguins qui copulent derrière chaque caillou de la garrigue. le pauvre prêtre en attrape une fièvre de cheval et se réveille au jardin d'Eden. Là, Zola décrit chaque brin d'herbe, énumère chaque fruit, chaque fleur de cette luxuriante végétation, de façon à la fois répétitive et rébarbative. Et puisqu'Eden il y a, péché il y aura. Oui mais quand ? Quand donc ce grand dadais (qui au passage affiche vingt-six printemps alors qu'elle n'en a que seize) et cette enfant sauvage vont-ils passer à l'acte ? le suspens n'en finit pas, entre les ''je t'aime Serge, je t'aime Albine'', les ''tu es beau, tu es belle'' murmurés dans tous les recoins du jardin. On atteint des sommets niaiseries amoureuses des plus affligeantes. Bref, ces deux innocents finissent par découvrir le sexe pour leur plus grand malheur...Serge retrouve la mémoire, la foi, sa vierge, sa cure et ses paroissiens tandis qu'Albine se meurt d'amour.
On sent bien la critique de l'Eglise catholique qui oblige ses serviteurs à une vie d'abstinence si peu naturelle; Mouret en vient à se flageller pour combattre la tentation, pendant que l'odieux frère Archangias cache la sienne sous une haine exacerbée des femmes. Mais le procédé manque de finesse et la métaphore du Paradis est filé durant des pages et des pages jusqu'à saturation. On en ressort écoeurée de toutes ses plantes en pâmoison, avec une envie de routes bétonnées, goudronnées, asphaltées.
Bref, cette lecture fut un chemin de croix.
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Avec le recul, je me félicite d'avoir laissé de côté cet opus quand j'ai entrepris la lecture de l'ensemble des Rougon Macquart il y a quelques années. Attirée par la frénésie séculière de la saga, je sentais que dans le flot l'abbé Mouret allait créer une rupture que je n'allais pas savoir apprécier (comme ça a été le cas pour "Le rêve", d'ailleurs, qu'il va me falloir relire).
Attendre le bon moment et la bonne disposition d'esprit a payé : "La faute de l'abbé Mouret" se savoure, ébaudit, pénètre son lecteur, mais d'une manière bien différente des autres romans.

Tout est à part dans celui-ci, à commencer par la construction narrative qui s'affranchit des codes du roman rythmé pour laisser place à une organisation en trois livres qui se présentent chacun comme une vaste fresque que Zola prend le temps de peindre, insistant ici sur les ombres, là sur la couleur avec des oppositions très lourdement marquées entre le sacerdoce de Serge fait de piété mortifère (première partie), le paradis du Paradou dans sa luxuriance angélique (la deuxième), et enfin l'expiation ou la tempête sous une soutane (la dernière).

A part également sur la lignée présentée: "queue de la bande, dégénérescence finale" des Rougon Macquart, Serge le prêtre abimé dans la religion par peur de la vie et Désirée sa soeur simple d'esprit au sens le plus pur du terme, forment contrairement aux autres personnages de la saga une branche morte, sans descendance.
Très peu de personnages d'ailleurs peuplent le roman à leurs côtés, sept en tout comme dans une pièce de théâtre : la lumineuse Albine, celle qui comme une nouvelle Eve conduira l'abbé Mouret à la faute; Jeanbernat, personnage que j'ai adoré, vieil athée acariâtre fuyant la compagnie des hommes; l'épouvantable frère Archangias, par lequel Zola fait la caricature grossière des dévots bornés; le rationnel docteur Pascal, oncle de Serge que l'on retrouvera dans l'avant dernier tome; la Teuse enfin, qui par sa bonhomie râleuse et sa lourde silhouette met paradoxalement de la légèreté aux pesantes scènes religieuses. Une économie de personnages qui laissent en fait la place à une nature foisonnante, gorgée de sève et d'instincts, dans le Paradou merveilleux comme dans la basse-cour de Désirée.

A part enfin dans l'outrance avec laquelle Zola souligne son propos: la lutte de la religion contre la vie, la première étant clairement présentée comme une construction mortifère destinée à éteindre les plus beaux élans vitaux. Une outrance qui donne tantôt lieu à des pages sublimes (à ma grande surprise ce sont celles sur la ferveur quasi délirante de Serge qui m'ont le plus "littérairement" éblouie), tantôt à des excès et une obésité de mots sur la partie du Paradou que j'ai trouvée d'abord sublime, puis trop longue, saturée de naturalisme un peu niais et de métaphores parfois trop appuyées.

Sur ce roman du combat entre la religion et la vie, du prêtre déjà mort de par sa prêtrise contre, tout contre la rayonnante Albine, je ne vous dirai pas qui sort vainqueur mais quiconque connait Zola sait que ces histoires se finissent rarement bien. de celle-ci je retiens en dernière image le visage en larmes d'un docteur Pascal désabusé, pleurant sur cette hérédité délétère.

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Serge Mouret, fils de François Mouret et de Marthe Rougon, quitte sa bourgade natale de Plassans pour mener une vie de prêtre dans le petit village voisin des Artaud à l'âge de vingt-cinq ans. C'est un saint envoyé dans une débauche de lupanar. Bien qu'il soit reclus dans une vieille église, étroitement surveillé par une servante plus pieuse et austère que lui, les paysans autour de lui ne cessent de l'intriguer. Ils mènent une vie plus primaire que celle des habitants de Plassans. La nature elle-même exhale une force plus puissante qui commence par troubler l'abbé Mouret avant que celui-ci ne se réfugie cependant bien vite dans la foi, qu'il avait déjà profondément ancrée en lui. En effet, Serge Mouret est un garçon pieux qui ne connaît pas le vice. Connaît-il pour autant la sainteté ? Reste à voir. La réclusion n'est peut-être qu'introversion, la prière n'est peut-être que paresse, et la dilection n'est peut-être rien d'autre que l'amour chaste et abstrait de la figure mariale. On reconnaît ici les ombres d'une philosophie nietzschéenne de la vertu par méconnaissance : « […] Il n'a point vécu, il ne sait rien, il n'a pas la peine à être sage comme un chérubin, ce mignon-là ». Emile Zola ne nous le cache pas : l'abbé Mouret va faillir à ses principes et sa dilection insensée n'est qu'une première étape marquant la dégénérescence de ses conceptions. Entre sa servante et lui-même évolue la jeune Désirée, incarnation de l'âme pure et innocente, loin des conceptions religieuses, entièrement tournée vers les beautés et les mystères d'une nature considérée par-delà le bien et le mal. Si elle ne représente pas la version définitive du surhomme, elle en est toutefois une ébauche puissante. le débordement vital de son énergie se mêle à une force qui semble sans limites, à une compréhension et à un respect de soi qui ne se cantonne pas au seul égotisme satisfait mais qui suit la logique des sentiments qu'elle éprouve vis-à-vis de la nature. le docteur Pascal s'enthousiasme lui-même de cette force, comme il s'enthousiasmerait pour l'idéal de santé vers lequel tend tout son exercice :


« Oui, des brutes, il ne faudrait que des brutes. On serait beau, on serait gai, on serait fort. Ah ! c'est le rêve !... Ca a bien tourné pour la fille, qui est aussi heureuse que sa vache. Ca a mal tourné pour le garçon, qui agonise dans sa soutane. Un peu plus de sang, un peu plus de nerfs, va te promener ! »


C'est le même docteur Pascal qui s'occupe de l'abbé Mouret lorsque celui-ci tombe d'inanition. Il demande alors à le faire transférer au Parandou, une maison abandonnée tenue par l'athée Jeanbernat et sa nièce Albine. Lorsque l'abbé reprend conscience, il souffre d'une amnésie partielle et d'une impotence presque complète. Il s'ouvre surtout à une nouvelle existence. L'abbé Mouret a délaissé ses fonctions et redevient Serge, petit enfant craintif et renfrogné, qui refuse d'abord de voir toute lumière et de sortir à l'extérieur, avant de s'éveiller –voire de se réveiller- à la vie, aidé dans sa progression par la petite Albine, de dix ans sa cadette. le contraste entre l'abbé Mouret et Serge, le village des Artaud et la vie dans le Parandou, est si frappant qu'on peine parfois à croire que la même histoire les relie. Surtout, on se demande si le clivage effectué, il sera possible à nouveau de faire se rejoindre les deux aspects de Serge Mouret. Emile Zola s'exalte autant que son personnage à virevolter dans la nature foisonnante du Paradou –on connaît ses exercices stylistiques et descriptifs, ils s'amusent ici à rendre l'âme des prairies vierges, de la flore désordonnée et de la faune sauvage qui entourent la demeure abandonnée. La nature se suffit à elle-même et devient souffle divin plus puissant que la croyance mariale –mais de même que la dilection poussée à son extrême est motif de faute, l'exaltation provoquée par la force brute de la nature peut endommager les caractères trop faibles.


Dans cette histoire de déchéances et de renaissances successives, Emile Zola es intarissable de réflexions. Son histoire n'est pas seulement une allégorie de ces quelques étapes bibliques importantes que sont la Création et la Chute, c'est aussi une synthèse des idées pessimistes qui influencèrent beaucoup la fin du 19e s. Emile Zola reste toujours en retrait et s'essaie successivement à considérer l'influence que peuvent avoir ces idées sur différents caractères. Son verdict semble être le suivant, qui nous en rappelle un autre : le monde est représentation. Zola attribue moins la faute à la nature de Serge Mouret qu'aux fluctuations de ses représentations, symptômes d'une maladie de l'âme latente.


« Des coins les plus reculés des nappes de soleil, des trous d'ombre, une odeur animale montait, chaude du rut universel. Toute cette vie pullulante avait un frisson d'enfantement. Sous chaque feuille, un insecte concevait ; dans chaque touffe d'herbe, une famille poussait ; des mouches volantes, collées l'une à l'autre, n'attendaient pas de s'être posées pour se féconder. Les parcelles de vie invisibles qui peuplent la matière, les atomes de la matière eux-mêmes, aimaient, s'accouplaient, donnaient au sol un branle voluptueux, faisaient du parc une grande fornication. »


La faute de l'abbé Mouret n'éblouit pas tout de suite par la force de son propos. Au contraire, Emile Zola souhaite d'abord nous faire croire qu'il n'a rien à dire. Il prend ce risque pour mieux installer la logique rigoureuse de son développement théorique qui ne commence à prendre son élan qu'à partir de la seconde moitié du roman. Emile Zola se fait sans doute le vecteur –conscient ou inconscient- des nombreuses philosophies de son époque. Voici donc la manne qui s'ajoute aujourd'hui à l'intérêt dramatique : l'intérêt historique que suscite cette synthèse inspirée et originale des engouements d'une époque.

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