« Sali-salut les Babélionautes ! Aujourd'hui on va faire du classique avec un Mimi, un Zozo, un Mimi Zozo, un Némile
Zola ! le texte s'appelle
Pour une nuit d'amour.
-C'est quoi, cette intro ? T'as bouffé un Ned Flanders ou quoi ?
-J'ai un week-end de deux jours, ça me rend euphorique. Deux jours ! Tu te rends compte ? Quelle fabuleuse fin de semaine ! Mais je m'égare, là. Hem-hem !
Or donc Julien, jeune homme sans famille, vit tranquille son existence de petit employé dans une petite ville de P***. Son unique fantaisie, sa seule passion est la flûte dont il a appris à jouer seul. Un jour, la fenêtre d'en face s'ouvre : derrière elle il y a Thérèse, sortie du couvent. Julien tombe amoureux d'elle et lui joue sa musique, hélas, la belle l'ignore superbement…
Alors, le récit est très court, si les classiques vous font peur, celui-là ne devrait pas vous effrayer longtemps !
-Ouais, bon, alors si vous voulez vous y mettre, sachez que ce n'est pas le meilleur, hein. Vous pouvez trouver mieux que ça.
-Peut-être, mais j'ai été très impressionnée par la beauté et la délicatesse de la prose ! Tiens, regarde le travail sur le décor :
Zola s'amuse à le personnifier sans cesse. Les maisons « dorment », par exemple. Tout ce qui entoure Julien et Thérèse devient le témoin muet de l'histoire. L'inanimé vit de son côté autour d'eux, sans pour autant se comporter en étranger. Non, les maisons, le village, la rivière ressemblent à des voisins dont tu connais les habitudes. Repérer ces effets de style tout le long du texte m'a bien amusée !
Quant au portrait de Julien, je l'ai trouvé très beau, plein de sensibilité. Et Thérèse, quel perso intéressant !
-Manque de bol, il s'est planté avec elle, ton Mimile !
-Hein ?
-Ben oui ! Complètement à côté de la plaque, le
Zola ! Je mets ici en masqué parce que je suis obligée de divulgâcher si je veux vous dire pourquoi.
Je vais le redire pour ceux qui n'ont pas compris : non, le viol n'est pas une activité appréciée par celles ou ceux qui le subissent. Non. Même quand on est une monstresse comme Thérèse.
Thérèse maltraite et torture Colombel, son compagnon d'enfance, n'est-ce pas ? Et le texte ne montre aucune ambiguïté sur le sujet : Colombel subit et se venge en la violant. Il renverse le rapport dominant/dominé. Et Thérèse n'y voit aucun inconvénient et elle n'hésite pas une seconde à le revoir et à remettre ça. Zola décrit par la suite leur couple ainsi : la jeune femme remporte les combats physiques, le jeune homme reste vainqueur sur le plan sexuel.
En quoi ça me gêne ?
En ce que cela entretient le bon vieux mythe : elles ne sont pas d'accord, mais au fond elles aiment ça, puisqu'elles l'acceptent ou tolèrent qu'on recommence.
J'aurais préféré autre chose de Zola. J'aurais compris que leurs rapports soient brutaux, qu'ils continuent à s'entredéchirer jusque dans le sexe parce qu'ils sont tous les deux pervers, mais non : Zola fait de Thérèse une femme que le viol ne dérange pas, dont le viol n'a aucune conséquence sur sa vie (bon, si, le viol apporte la conséquence suivante : elle a désormais un amant. Ah, et elle pâlit davantage aussi. Quelle blague, j'vous jure) et ça m'énerve. L'imagination, ce n'est pas le mensonge* !
-C'est vraiment dommage, parce que, d'un côté, j'ai été fascinée par les descriptions des lieux, la musique même m'a donné envie d'écouter des menuets pour voir à quoi ça ressemblait. le texte se révèle splendide et touchant…
-… et d'un autre, consternant. »
*
Daniel Pennac.