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EAN : 9782075203135
Gallimard Jeunesse (08/02/2024)
3.38/5   51 notes
Résumé :
Un ouvrier pris dans la tourmente de la Commune, déporté au bagne de Nouméa, s'évade et retrouve sa femme mariée à un autre... Mis à la retraite prématurément, un fonctionnaire se montre incapable de vivre en dehors du cadre étroit de l'administration... Sur son lit de mort, un riche paysan révèle sa double vie à son fils et lui demande de prendre soin de sa maîtresse...
Voici des histoires insolites contées par trois maîtres du naturalisme.
Que lire après Trois nouvelles naturalistes : Zola, Huysmans, MaupassantVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Paru dans un recueil, Une Farce ou Bohèmes en villégiature, est un petit texte mettant en scène le petit monde intellectuel de l'époque se retrouvant à la campagne : trois peintres dénommés Planchet, Charlot et Bernicard, un sculpteur, Chamborel et sa maîtresse Marguerite, un rédacteur, Morand, accompagné par Louise et un poète,Laquerrière. Tout ceci se déroule à une cinquantaine de kilomètres de Paris, sur les bords de Seine. Tout ce petit monde a décidé d'évincer Planchet qui semble les ennuyer. Louise a une idée : elle fera semblant d'être amoureuse de lui, ils s'enfuiront en train mais, au dernier moment, elle en sautera, le laissant filer seul vers sa destination.

Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu. Décidément, Zola multiplie les tableaux, les genres. On trouve ici du Maupassant et si l'on m'avait caché le nom de l'auteur, je n'aurais jamais deviné qu'il puisse s'agir de l'auteur des Rougon-Macquart. Cette petite farce très plaisante pourrait faire l'objet d'une morale... Mais je vous laisse la lire afin de deviner...
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Sous l'égide de Zola, des écrivains décidaient en 1879 de publier conjointement six nouvelles, ce volume devait évoquer la fameuse guerre de 1870. Cette version tumultueuse donnée de la guerre fut loin des récits patriotiques à la mode.

Les amis réunis au cours des soirées dites de Médan mettaient le cap sur les coulisses, les actions peu glorieuses, les faux exploits, donnant un éclairage bien pathétique de ces événements, ainsi page 141,
"On eût dit d'une Cour des miracles roulante; les estropiés sautaient à pieds joints, ceux dont les intestins brûlaient les arrosaient des lampées de Cognac, les borgnes ouvraient les yeux, les fiévreux cabriolaient, c'était inouï!" (Huysmans).


Les trois nouvelles principales sont l'oeuvre de Zola, Maupassant et Huysmans, du moins celles publiées par Hachette en 2013 puis par Flammarion en 2014.
Ces nouvelles pourraient figurer parmi les Contes Cruels" de Villiers de L'Isle-Adam, et notamment celle célèbre De Maupassant, " Boule de Suif".

Pour ma part j'ai adoré les deux premières, un peu moins la troisième nouvelle dont le style m'a semblé parfois un peu trop lissé s'agissant de soldats prêts à tout pour se payer à bon compte une virée.

L'intérêt historique de ces publications tient au dessein affiché par ces six trublions, qui furent perçus par la presse, comme les précurseurs d'une école nouvelle les médanistes, copieusement vilipendés par Paul Déroulède qui publia les chants patriotiques en 1882 après les chants du soldat.


Ces nouvelles sont très éloignées des scènes d'héroïsme, Zola et ses amis voulaient restituer les faits, certains dans toutes leurs ignominies, ils partageaient une même vision philosophique, les mêmes choix esthétiques, l'oeuvre se posait comme le manifeste du naturalisme, auquel Flaubert fut rattachée malgré ses réticences.

L'essor du journalisme, a permis une large diffusion de nombreux récits de nos meilleurs écrivains, contes, fables, nouvelles, dont la forme tenant à l'oralité de l'anecdote racontée, inspirée par des faits divers, rappelait étrangement le ton journalistique.

Villiers de L'Isle-Adam devait publier en 1883 les "Contes Cruels" dont plusieurs déjà diffusés dans la presse avaient gagné l'estime du public. On dit que Mallarmé et Flaubert ont apprécié l'éloquence et la qualité de l'écriture, Mallarmé estimant que plusieurs nouvelles sont d'une poésie inouïe.
Mais l'hommage le plus retentissant viendra de Huysmans, l'un des piliers des soirées de Médan.


Alors au-delà des éloges ou des critiques acerbes de certains organes de presse, quel est l'étrange mixture qui a fait le succès de ces nouvelles ?

Le réalisme alimente le piment du récit de Zola, ne reculant devant aucune précision fut elle, effrayante ou répugnante, l'attaque du moulin permet l'irruption de la violence et le pathétique de la situation de Françoise qui passe par toutes les bassesses possibles, "C'était l'âme du moulin qui venait de s'exhaler. Françoise, imbécile, entre les cadavres de son mari et de son père au milieu des ruines fumantes du moulin, le capitaine français entra, la salua galamment de son épée, en criant victoire ! "p 50.

Le sommet de ces nouvelles est la mise a nu du comportement cruel et indécent des notables prêt à tout pour sauver leur peau, leur bien, et leur peu d'honneur . La lâcheté portée à ce point devient hautement risible et leur petitesse est encore plus insolente. "Boule de suif se sentait noyée dans le mépris de ces gredins honnêtes qui l'avaient sacrifiée d'abord, rejetée ensuite, comme une chose malpropre et inutile. Page 117".


La roublardise des deux soldats de la 3ème nouvelle scelle le ton final de l'armée française en 70, une levée des troupes aléatoire, objet de trafics , la désorganisation de l'intendance, ou l'incompétence des généraux...

Pour la petite histoire un bataillon de zouaves pontificaux participait aux combat aux côtés de l'armée impériale. Un de mes amis en a fait un objet de recherche, documents, équipements, armes... Cette drôle de guerre nous a réservé bien d'étonnantes surprises.

Trois auteurs à consommer sans modération. A lire aussi « les Contes Cruels ».
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ATTENTION ! CETTE CRITIQUE NE CONCERNE QUE LA NOUVELLE "UN FILS" DE GUY DE MAUPASSANT

Etoiles Notabénistes : ******

ISBN : inconnu pour la nouvelle initialement paru dans le "Gil Blas" du 19 avril 1882 et inconnu aussi du volume Gallimard dont cette nouvelle est extraite

L'une des grandes peurs qui hanta la vie de Guy de Maupassant, c'est, nul ne l'ignore, d'avoir des enfants naturels dont il n'avait pas connaissance. (Il en eut effectivement trois de la même femme, qu'il ne reconnut pas, vraisemblablement par respect pour sa propre mère, mais sur lesquels il veilla autant qu'il le put. Quant à ceux qu'il dissémina, avec la complicité du hasard, au gré de ses innombrables aventures, c'est une autre affaire, et il en avait une conscience aiguë et, pour tout dire, plus aiguë que la majorité des représentants de son sexe.) Cette hantise reparaît souvent dans ses nouvelles et fait sans doute beaucoup pour le souvenir que l'on conserve de cet écrivain qui, en définitive, ne ressembla, ou ne voulut ressembler, à aucun autre.

"Un Fils", nouvelle qui parut pour la première fois en 1882 dans "Gil Blas" et devait être repris ensuite dans le recueil "Les Contes de la Bécasse", fait partie de cette thématique obsessionnelle de la culpabilité non des femmes - ce qui étonne, il faut bien le dire - mais des hommes. Quant on la lit, à plus forte raison quand on la relit, on constate qu'elle se range parmi les nouvelles les plus noires de son auteur. Comme on sait en outre que Maupassant, contrairement à ses habitudes, passa beaucoup de temps à remanier son texte, le lecteur est en droit de se demander si cette nouvelle ne repose pas sur des faits réels, que ceux-ci aient directement concerné l'auteur ou alors l'un de ses familiers.

L'action se déroule dans cette Bretagne en laquelle Gustave Flaubert, père "spirituel" (ou peut-être plus, aux dires de certains) De Maupassant ne vit jamais que saleté et indigence mais où son disciple, lui, dédaigna ces fâcheux détails pour admirer à loisir la beauté des lieux visités, de la mer éternelle et l'humanité qu'il découvrait autour de lui. Très précisément à Pont-Labbé, dans notre Finistère actuel, et en plein pays bigouden. Deux hommes, le narrateur et l'un de ses amis, ont décidé d'entreprendre à pied un tour de la Bretagne. Une indisposition de l'un d'eux les force à prendre pension dans une auberge, à Pont-Labbé. L'autre, le narrateur, continue à baguenauder de droite à gauche et à vivre heureux et insouciant, observant tout, voyant tout ou presque, ce qui lui permettra de nous restituer par-delà les siècles de magistrales et émouvantes descriptions aussi bien de la terre armoricaine que des coiffes des femmes de ce pays où il s'est vu contraint de faire une halte imprévue.

A l'auberge, il y a bien sûr, outre les maîtres, valets et servantes et le narrateur remarque, au départ sans malice, rien que pour la beauté de ses yeux très clairs, de sa chevelure blonde et de la finesse de ses traits, l'une de ces servantes, toujours aimable, toujours gracieuse, à laquelle il ne pourrait reprocher qu'une seule chose : elle ne parle que le breton. Encore n'est-ce pas bien grave si les Hussards Noirs de la IIIème République, qui nous manquent tellement aujourd'hui, ne font qu'entamer leur croisade laïque et nationaliste de l'unification de la France par celle de la langue. Sourires, oeillades, gestes, on finit toujours par se comprendre.

Evidemment, le narrateur et la servante sont jeunes tous les deux et, un soir, par jeu plus que par réel désir, le jeune homme pousse la jeune fille dans sa chambre. Mais là, la Nature fait entendre ses droits. Et ce qui n'était qu'une bousculade pas bien méchante au départ se transforme en lutte acharnée pour en arriver à ce que tout homme désire obtenir d'une femme, surtout quand elle est jeune et bien faite.

En dépit de la résistance acharnée de la petite servante, la Nature et l'endurance physique de l'homme finissent par l'emporter. La description qu'en donne un Maupassant aussi lucide qu'implacable, tient en une ligne et demie et insiste sur la brutalité et la rapidité de l'acte. Il faut dire que, en eût-il eu le désir, que le narrateur se fût trouvé dans l'impossibilité de câliner ensuite la jeune fille car celle-ci s'enfuit sur le champ.

Pendant tout le reste du séjour des deux amis, elle fuira d'ailleurs celui qui l'a violée. Toutefois, le soir qui précède son départ, elle se glisse en chemise dans sa chambre et lui manifeste tellement de tendresse et d'affection que l'homme en est touché. La description est ici plus longue et la brutalité de l'acte, bien oubliée. C'est avec douceur et mélancolie que le narrateur évoque ce moment qu'il continue, malgré tout, pour tenir privilégié.

Mais, bien entendu, au bout de huit jours, repris par la vie et son insouciance, il a oublié ...

Trente années plus tard, les circonstances le ramènent à Pont-Labbé, dans la même auberge que jadis. Il a désormais affaire au fils des aubergistes qu'il avait connus, lequel, à ses questions posées d'un ton volontairement léger, répond que la jeune servante était tombée enceinte, ce qui avait stupéfié tout le monde car, bien qu'elle fût fort jolie, on la savait sérieuse, et qu'elle était morte en mettant au monde un enfant de sexe masculin, en avance d'un mois sur les prévisions des matrones.

Et l'aubergiste ne se contente pas de conter cette triste affaire, il désigne à celui qu'il renseigne le fils de la servante, qui passe justement dans la cour. (Les anciens aubergistes avaient élevé l'orphelin par charité.) C'est un homme grand, osseux, vêtu comme l'as de pique et, qui pis est, sale comme un pou, à l'épaisse tignasse jaune plus que blonde, qui porte des seaux d'eau dans l'écurie en traînant derrière lui, non sans douleur, c'est visible, une jambe plus courte que l'autre.

Un viol commencé comme un jeu ... une seconde nuit, celle-là vouée à la tendresse ... l'oubli absolu de la jeune fille, abandonnée au bout de la terre par un homme qui, de toutes façons, ne parlait pas sa langue et était d'un statut social bien plus élevé ... trente années qui passent par là-dessus, non plus pour l'abandonnée puisqu'elle est morte, mais pour son séducteur et le fils qu'elle a eu de lui (le narrateur voit l'acte de naissance et le doute ne lui est plus possible) ... la vie ne fait pas de cadeaux ...

Maupassant nous montre alors son narrateur se creusant la cervelle pour essayer d'approcher l'homme, pour tenter d'établir un contact positif, pour voir si, par hasard, il est encore temps d'agir positivement envers ce fils si longtemps ignoré - et pour cause ...

Lecteur, vous connaissez Guy de Maupassant, son oeuvre et, si vous êtes un inconditionnel, sa vie. Vous vous doutez bon qu'il n'y a plus rien à faire pour "Un Fils." Mais vous prendrez néanmoins un plaisir doux-amer à lire cette nouvelle, nous n'en doutons pas, car l'auteur normand a su y déposer un peu plus qu'un petit brin de son coeur, qui revit et se remet à battre chaque fois que vous tendez un peu l'oreille pour l'entendre, par-delà les mots imprimés ... ;o)
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Fort comme la mort n'est pas le plus connu des romans De Maupassant - et, en effet, il se singularise au regard de ses oeuvres les plus réputées. On est loin ici d'un Bel-Ami ou d'un Boule de Suif. L'écrivain d'ordinaire si incisif lorsqu'il s'agit de dénoncer les hypocrisies, les lâchetés, les noirceurs des hommes de son temps a troqué sa plume trempée dans l'acide contre une autre parfumée à la violette. L'odeur est certes agréable et le style reste merveilleux à lire ; d'ailleurs, Maupassant sait peindre avec une finesse admirable les méandres silencieux des coeurs humains. Mais ceux qui ont dévoré par exemple Boule-de-Suif en enrageant sur le sort cruel réservé à cette héroïne si attachante et si digne d'éloges seront peut-être déroutés en lisant Fort comme la mort.

L'histoire : au sein de la meilleure société de Paris, le peintre Olivier Bertin est l'amant de longue date d'une femme mariée qui le chérit et qu'il aime avec constance. Une rencontre soudaine bouleverse à l'orée de la vieillesse l'équilibre intérieur de cet homme - et il se découvre déclinant, à la fois comme peintre et comme homme, alors que palpite encore en lui l'envie et la passion. Ainsi que le dit avec douleur la comtesse de Guilleroy, la maîtresse mise de côté : "C'est la faute de nos coeurs qui n'ont pas vieilli."

On le voit, l'analyse psychologique de sentiments humains tels que l'amour, la peur de la vieillesse, la solitude sont au premier plan de ce roman et Maupassant, peut-être plus inconsciemment que volontairement, n'égratigne qu'en passant les travers de cette société qu'il lamine d'ordinaire dans ses autres oeuvres. Mieux vaut le savoir en ouvrant ce livre : c'est une véritable histoire d'amour, ainsi qu'une réflexion amère sur la vieillesse, qui se dévoile au fil de ses pages.
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J'ai bien apprécié ces trois nouvelles qui toutes, font partager la vie d'un homme qui souffre, différemment pour chacun mais pour qui un shéma se répète.
Celle de Zola, Jacques Damour, permet de découvrir la vie des ouvriers après la défaite du second empire face à la Prusse et durant les espoirs, vains, suscités par la Commune. le personnage du père est touchant parce que ses actions sont sincèrement réalisées dans le but de parvenir à des idéaux, contrairement à son « ami » Berru. Sa vie d'exil et les retrouvailles avec sa femme et sa fille achèvent de nous brosser le portrait d'un homme brisé et qui essaie de vivre dans l'espoir et les chimères d'une vie plus juste.

La retraite de M. Bougran (de Huysmans), quant à elle, nous fait la satire douce amère du milieu du travail et plus particulièrement de celui des fonctionnaires. La narration conduit le lecteur à éprouver tour à tour de la sympathie, de l'empathie pour le personnage malheureux et même dépressif que devient M. Bougran lors de sa retraite forcée mais aussi de l'hostilité devant son incapacité à prendre du recul sur tout ce qu'on lui a inculqué, devant son comportement d'automate et qui refuse de remettre en question ses préjugés sur les autres fonctionnaires qu'il connaît et sur les autres professions qu'il juge inférieures à celle qui, semble-t-il, se confondait pour lui avec son identité même. Son obsession pour son ancien travail et ses formules protocolaires intrigue et fascine tout à la fois, puisqu'elle devient une déraison qui le mènera loin…

Dans Hautot père et fils De Maupassant, nous plongeons dans la vie somme toute banale de paysans fortunés, qui possèdent plusieurs terres et où sont dévoilés lors d'un drame les petits arrangements que l'on doit faire dans une époque où la vie amoureuse des uns et des autres est épiée et où la religion a encore un grand poids, la vie de couple hors mariage étant proscrite. Mais suite au drame, et c'est cela qui rend l'intrigue passionnante et malsaine, la vie du fils et de son père vont se confondre progressivement. Cette nouvelle recèle une grande part psychologique et aborde ce qu'on appellerait aujourd'hui le transfert, mais sans expliquer, sans détailler l'enchaînement des causes et des effets et ce qui se joue au niveau psychique pour les personnages, tout y est simplement montré, les premiers jalons sont posés et le lecteur comprend de lui-même ce qui se trame car la suite est habilement effleurée et magnifiquement suggérée. C'est pourquoi c'est vraiment la nouvelle que je vous conseillerais de lire si je devais n'en choisir qu'une (et pour laquelle j'aurais mis quatre étoiles).
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Mais, depuis qu’on se moque de « cette grande andouille de Planchet », comme disent les dames, les discussions du soir cessent parfois, et Morand entre en scène. Il raconte ses duels. À l’entendre, il a déjà couché dix hommes sur l’herbe, toujours pour des affaires de femmes. Il faut l’écouter raconter chaque duel avec des détails effrayants. Il a embroché l’un de part en part ; il a fendu le nez à l’autre ; il a crevé les deux yeux à un troisième. Chaque fois, c’est un raffinement de vengeance à donner froid au plus brave. Et, pendant ce temps, Louise affecte de chercher la main de Planchet, ou bien elle lui jette une jambe en travers des siennes. Le malheureux, grelottant de peur, a beau se reculer. Il ne veut pas paraître trop lâche, il tient bon. Cette Louise est si jolie ! Alors, on se décide aux grands moyens.
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Jacques Damour de Emile Zola in Naïs Micoulin et Autres Nouvelles

Là-bas, à Nouméa, lorsque Jacques Damour regardait l’horizon vide de la mer, il croyait y voir parfois toute son histoire, les misères du siège, les colères de la commune, puis cet arrachement qui l’avait jeté si loin, meurtri et comme assommé. Ce n’était pas une vision nette des souvenirs où il se plaisait et s’attendrissait, mais la sourde rumination d’une intelligence obscurcie, qui revenait d’elle-même à certains faits restés debout et précis, dans l’écroulement du reste.
À vingt-six ans, Jacques avait épousé Félicie, une grande belle fille de dix-huit ans, la nièce d’une fruitière de la Villette, qui lui louait une chambre.
Lui, était ciseleur sur métaux et gagnait jusqu’à des douze francs par jour ; elle, avait d’abord été couturière ; mais, comme ils eurent tout de suite un garçon, elle arriva bien juste à nourrir le petit et à soigner le ménage. Eugène poussait gaillardement.
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Citation ne concernant qu'"Un Fils" :

[...] ... Et, tendant la main vers la cour où un homme maigre et boiteux remuait du fumier, il ajouta :

- "Voilà son fils."

Je me mis à rire. "Il n'est pas beau et ne ressemble guère à sa mère. Il tient du père sans doute."

L'aubergiste reprit : "Ça se peut bien ; mais on n'a jamais su à qui c'était. Elle est morte sans le dire et personne ici ne lui connaissait de galant. Ç'a été un fameux étonnement quand on a appris qu'elle était enceinte. Personne ne voulait le croire."

J'eus une sorte de frisson désagréable, un de ces effleurements pénibles qui nous touchent le cœur, comme l'approche d'un lourd chagrin. Et je regardai l'homme dans la cour. Il venait maintenant de puiser de l'eau pour les chevaux et portait ses deux seaux en boitant, avec un effort douloureux de la jambe plus courte. Il était déguenillé, hideusement sale, avec de longs cheveux jaunes tellement mêlés qu'ils lui tombaient comme des cordes sur les joues.

L'aubergiste ajouta :"Il ne vaut pas grand chose, ç'a été gardé par charité dans la maison. Peut-être qu'il aurait mieux tourné si on l'avait élevé comme tout le monde. Mais que voulez-vous, monsieur ? Pas de père, pas de mère, pas d'argent ! Mes parents ont eu pitié de l'enfant, mais ce n'était pas à eux, vous comprenez."

Je ne dis rien.

Et je couchai dans mon ancienne chambre ; et toute la nuit je pensai à cet affreux valet d'écurie en me répétant : "Si c'était mon fils, pourtant ? Aurais-je donc pu tuer cette fille et procréer cet être ?" C'était possible, enfin !

Je résolus de parler à cet homme et de connaître exactement la date de sa naissance. Une différence de deux mois devait m'arracher mes doutes. ... [...]
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Citation ne concernant qu'"Un Fils" :

[...] ... J'avais fait cela en riant ; mais, dès qu'elle fut chez moi, le désir de la posséder m'envahit. Ce fut une lutte longue et silencieuse, une lutte corps à corps, à la façon des athlètes, avec les bras tendus, crispés, tordus, la respiration esoufflée, la peau mouillée de sueur. Oh ! elle se débattit vaillamment ; et parfois nous heurtions un meuble, une cloison, une chaise ; alors, toujours enlacés, nous restions immobiles plusieurs secondes dans la crainte que le bruit n'eût éveillé quelqu'un ; puis nous recommencions notre acharnée bataille, moi l'attaquant, elle résistant.

Epuisée enfin, elle tomba ; et je la pris brutalement, par terre, sur le pavé.

Sitôt relevée, elle courut à la porte, tira les verrous et s'enfuit.

Je la rencontrai à peine les jours suivants. Elle ne me laissait point l'approcher. Puis, comme mon camarade était guéri et que nous devions reprendre notre voyage, je la vis entrer, la veille de mon départ, à minuit, nu-pieds, en chemise, dans ma chambre où je venais de me retirer.

Elle se jeta dans mes bras, m'étreignit passionnément, puis, jusqu'au jour, m'embrassa, me caressa, pleurant, sanglotant, me donnant enfin toutes les assurances de tendresse et de désespoir qu'une femme nous peut donner quand elle ne sait pas un mot de notre langue.

Huit jours après, j'avais oublié cette aventure commune et fréquente quand on voyage, les servantes d'auberge étant généralement destinées à distraire ainsi les voyageurs;

Et je fus trente ans sans y songer et sans revenir à Pont-Labbé. ... [...]
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Ce n'était pas la joie franche de poser le pied sur ce coin de terre regretté ; c'était un mélange de tendresse, où chantaient des refrains de romance, et d'inquiétude sourde, l'inquiétude de l'inconnu, devant ces vieilles choses connues qu'il retrouvait. Son trouble grandit encore, lorsqu'il approcha de la rue des Envierges. Il se sentait mollir, il avait des envies de ne pas aller plus loin, comme si une catastrophe l'attendait. Pourquoi revenir ? Qu'allait-il faire là ? Emile Zola, Jacques Damour.
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