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EAN : 9782072669774
240 pages
Joëlle Losfeld (24/03/2016)
3.27/5   68 notes
Résumé :
La narratrice tunisienne raconte sa mère. Comme le lui dit l'une de ses amies, il t'aura fallu une révolution (des jasmins) pour oser parler de tes rapports avec elle. Le sujet n'est pas tabou mais dévoiler, au sens figuré comme au sens propre, la personnalité maternelle n'est pas une affaire facile. D'autant que le silence familial a toujours été la règle. Raconter l'intime c'est mettre un sens à tout ce qui a été, est et sera. C'est essentiel aussi pour comprendre... >Voir plus
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La narratrice, écrivaine tunisienne vivant avec sa famille en France, est revenue voir sa mère dont l'état de santé s'est dégradé, pour sombrer dans le coma...Ses soeurs et frères évoquent alors les épisodes difficiles qu'ils ont dû gérer depuis que leur mère - Yamna - a été ramenée du village pour être installée chez la fille aînée, dans la capitale tunisienne. En regardant ce corps en sommeil, la narratrice aperçoit la chevelure de sa mère ainsi qu'un tatouage, deux détails qui lui font prendre conscience qu'elle ne connaît pas cette femme, son histoire, et qu'elle ne comprend pas sa dureté avec ses enfants. Sa seule interlocutrice sera NaÏma, la fidèle bonne et confidente, qui telle Shéhérazade, va lui raconter sa mère et reconstituer l'histoire familiale.

Un récit à plusieurs dimensions où l'on fait connaissance de Yamna, alors plongée dans le coma et que Naïma va faire revivre lors d'un long récit. L'évocation du destin des femmes berbères illustre la dureté de la vie dans les petits villages, cantonnées à la vie domestique, à l'éducation des enfants, surtout des fils, essayant d'évincer les co-épouses et garder son rang dans la famille. Entre contes, souvenirs idéalisés et légendes familiales, c'est un récit touffu et quelquefois confus, convoquant épisodes réels, superstitions ou fantasmes dont il n'est pas aisé de faire la part. Malgré la succession des aventures picaresques, je me suis perdue avec le nombre de personnages entre le père de Yamna, ses frères, son demi-frère, la co-épouse de son père et les frères et soeurs de la narratrice. Le corps de ma mère s'est avérée être une lecture mitigée, alternant épisodes décrivant la vie des femmes, souvent intéressant avec des histoires abracadabrantesques qui m'ont lassées, au point d'avoir par moments, une lecture en diagonale. Néanmoins j'ai apprécié l'écriture de Fawzia Zouari qui me donne envie de découvrir d'autres romans de cette écrivaine.  
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Le livre commence avec l'arrivée de Fawzia Zouari à Tunis au printemps 2007. Sa mère, Yamna est mourante. C'est pour l'auteure le moment de tenter de connaître mieux cette femme silencieuse, autoritaire, rétive à toute tendresse, qui a passé toute sa vie enfermée sous l'autorité d'une société patriarcale. Toute la famille se retrouve au chevet de Yamna. Soeurs et belle- soeur partagent leurs impressions et souvenirs sur cette femme digne et au fond assez mystérieuse. Pour la première fois de sa vie, sur ce lit d'hôpital Fawzia aperçoit les cheveux de sa mère et remarque un tatouage. le livre décrit le fossé entre campagne et grande ville en Tunisie, entre culture traditionnelle, religion, superstition, djinns, coutumes ancestrales, contes et modernisation. C'est, pour moi, un roman un peu long pour un style sans réel relief. Mais le travail des personnages est pointu : entre vengeance, haine et besoin d'exister, c'est avant toute chose le récit d'une femme hantée par la mort de sa mère et la crainte de la polygamie. Une femme qui exige une seule chose toute sa vie durant : la liberté d'aimer.
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Je me souviens encore enfant, en Tunisie, avoir de nombreuses fois croisé ces énigmatiques femmes couvertes de bracelets et de pendentifs, parfois de tatouages. Ma grand-mère maternelle qui, par son physique méditerranéen, aurait pu être l'une d'elles avait d'ailleurs conservé ces lourdes fibules et ces bracelets d'argent qui ressemblaient à de grosses menottes. On les craignait sans les connaître comme on craignait en France les lanceuses de sort.
Fawzia Zaouri a tenté de nous retracer l'existence de sa mère, fille d'un petit village du bled tunisien, cette mère que j'aurais pu rencontrer enfant.

Presque ethnographique si on ne s'attache qu'à la seule substance des informations retrouvées, souvent poétique et lyrique, le récit de cette femme expatriée maintenant en France est exceptionnel. Car s'ill est bien une communauté au monde fermée à toute divulgation intime, c'est bien celle des femmes musulmanes.

Le personnage haut en couleurs de cette mère s'affirme au fil du livre pour nous livrer une femme courageuse et pragmatique mais baignant aussi dans l'obscur monde des Djinns et des mannes ancestrales. Loin de la soumission aux hommes que l'on imagine, souvent manipulatrice, cette mère obligée laisse exploser, la maladie venant, ses frustrations et ses désirs. Médiatrice entre un monde que l'on croyait heureusement perdu et le modernisme libéré dont sa fille vivant en France est la brillante image, elle confie ses souffrances et ses rêves à une élue mais pas aux siens.

Ces femmes, dignes et maltraitées par l'Islam car Allah ne les aime pas et s'en défie, persiflent les Imams, ont fait, font et feront la Tunisie de demain. Un roman riche d'enseignements.
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" Elle s'appelle Yamna. Elle est l'arrière-arrière-petite fille de Noé, elle dit bien Noé, parce qu'il ne faut pas confondre avec Adam, celui-là, c'est l'ancêtre de son mari... Elle est venue au monde l'année où un gros morceau de ciel s'était détaché pour foncer tout droit sur son village." (p 111)

Voilà qui débute la deuxième partie du récit. Dans la première partie, comme la narratrice pendant très longtemps, nous n'avons pas appris grand chose sur cette mère extrêmement pudique, qui n'a jamais montré ne serait-ce que ses cheveux à ses enfants et ne leur a absolument jamais raconté quoique ce soit de sa vie.
Une femme qu'il faut donc ré-inventer si on veut la raconter, une femme fière, autoritaire et courageuse, qui ne s'asseyait jamais, qui ne dormait jamais, qui n'embrassait jamais... Mais une femme qui a rempli la jeunesse de ses huit enfants de contes et de légendes et qui ouvrait la porte à l'étrange en croyant aux êtres invisibles.

A quatre-vingt douze ans, diabétique et aveugle, elle qui a dû quitter son sol pour les soins offerts par la capitale, lâche prise...

Pour l'heure, quand la narratrice arrive à Tunis - elle a fait sa vie en France - la mère est dans le coma, un corps sur un lit d'hôpital... ce n'est plus vraiment elle. Cette femme inconsciente, faut-il lui parler ou au contraire parler d'elle pour la maintenir en vie se demande celle qui écrit le récit.
Elle retrouve toute sa fratrie, une famille de huit enfants dont les deux filles aînées ont été élevées à l'ancienne : enfermées jeunes dans la maison sans autorisation de sortir, analphabètes, adolescentes tournant en rond dans l'attente de celui qui viendra demander leur main... Les deux autres filles et les garçons bien sûr ont pu faire des études et gagner leur liberté.

Alors qu'elle passe une dernière nuit dans l'appartement de sa mère, Naïma, la servante, lui fera part de tout ce que sa maîtresse lui a raconté depuis tant d'années qu'elle est à son service : l'histoire de ses ancêtres, les traditions de la tribu, la réputation de sa mère au village, l'amour entre les époux... une existence inconnue dont la clé appartenait à la bonne et qu'elle est maintenant prête à livrer.
A toute heure du jour ou de la nuit, la mère disait : " Écoute donc ! Toi qui es mes yeux des derniers jours et le témoin de mon exil. Je te fais don de mes récits comme j'ai toujours donné aux pauvres et aux malheureux. Et parce que tu as vu et soigné mon corps, tu es devenue mon ayant-droit et mon héritière. Il était une fois ma vraie vie." (p 107)

C'est l'occasion aussi pour l'auteure de raconter des histoires à la "Mille et une nuit" dans lesquelles une ancêtre acculée par un homme amoureux se transforma en hirondelle, des ânes sont volés, repeints la nuit pour être revendus, et une ville naît à l'endroit où des oiseaux prennent soin d'un voyageur ; cette Tunisie, entre traditions et modernité, au moment de la révolution de janvier 2011, se livre à nous à travers ce récit de la vie d'une femme qui n'existait que dans les rites et les coutumes de son village d'Ebba.
Récit poétique et inspiré, c'est un bel hommage d'une fille "actuelle" à une mère quasiment inconnue.

La Présentation du livre, rédigée par Boualem Sansal commence ainsi : " Fawzia Zouari nous livre un récit familial extraordinaire, shakespearien dans sa trame, son ampleur et son style, dont on ne sort pas indemne." Car en effet, qui ne se posera pas les mêmes questions sur la vie de sa mère ? Les gens les plus proches de nous sont souvent ceux que nous connaissons le moins...



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Ce livre me parait très remarquable: l'auteure, une femme très cultivée installée en France, rapporte un témoignage sur la vie de sa mère, Yamna. Celle-ci a vécu dans un bled reculé de la Tunisie, volontairement cloitrée pendant cinquante années dans sa propre maison – sans qu'elle éprouve une sensation de frustration. Puis, malade, elle s'est trouvée déracinée à Tunis, où ses enfants voulaient qu'elle soit soignée. A l'hôpital moderne où elle va mourir, elle est accompagnée par ses filles, qui sont confrontées à ses bizarreries et à ses dissimulations. Car « Allah a recommandé de tendre un rideau sur tous les secrets, et le premier des secrets s'appelle la femme ».

La partie centrale du livre, qui m'a semblé assez extraordinaire, est la transcription du témoignage que la vieille femme a voulu confier exclusivement à sa domestique. Il lève le voile sur toute l'existence de Yamna, que ses enfants connaissaient très mal. Nous pénétrons dans un monde géographiquement proche, et pourtant extrêmement éloigné de nos références culturelles. Si l'Islam pur et dur est totalement accepté, d'autres croyances probablement préislamiques – les djinns, les ancêtres, etc – restent très vivaces. Un implacable conservatisme règne sur le village. Il s'appuie sur les préjugés, la soumission à la tradition, la peur du qu'en-dira-t-on, l'honneur de la famille (qui se situe principalement entre les cuisses des vierges) et la fermeture absolue aux « Nazaréens » venus coloniser le pays.

Pour le lecteur français que je suis, il est difficile de réfréner un sentiment de supériorité par rapport à une société à la fois naïve et sévère, que l'on considère spontanément comme "primitive". Mais ce témoignage, qui relève de l'ethnographie autant que de la piété filiale, est précieux. En fait, je ne l'ai pas trouvé très facile à lire, l'une de mes difficultés provenant de l'enchevêtrement des protagonistes dans le récit. La dernière partie de ce livre est empreinte d'émotion, celle de l'auteure qui retrouve ses racines en perdant sa mère.

Un excellent livre qui captivera les personnes s'intéressant aux cultures traditionnelles qui demeurent en marge de notre société mondialisée.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Impossible de songer à ma mère sur une chaise, il serait plus aisé d'imaginer le pape sur un kilim. Pas question non plus d'espérer la surprendre dans son lit. Maman ne dormait pas. Ne dormait jamais. Sinon, qui aurait défendu ses enfants de la maladie, des ogres, des voleurs, des djinns et des sorcières reconnaissables à leurs pieds en forme de sabots de chèvres ?
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Elle savait sûrement qu'une fois sortie de chez elle, elle ne serait plus que...ce que tu as vu à l'hôpital !
C'est-à-dire une chose simple à manipuler, une peau à inciser de piqûres, des veines branchées à des tuyauteries, un morceau de chair estampillé de plaies, comme des bêtes de boucherie .
Comment peut-on laisser faire ça à sa mère ?
p.78
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C'est ainsi que la femme qui avait l'allure des reines, qui sentait le henné et le musc, perdit peu à peu de sa présence charnelle. Telle une silhouette accrochée à la corde du souvenir, elle se déplaça partout avec le couffin à médicaments, quelle finit par vider de son contenu pour y mettre sa boîte à tabac, son dentier et sa ceinture en coton glissée sur son bassin désormais sans contours.
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Écrivez, vous voilà au rang des traîtres. Je comprends maintenant pourquoi maman, qui a concédé des youyous à mes réussites scolaires, et consulté les voyantes sur mon destin de futur épouse, ne m'a jamais félicitée pour aucun de mes livres, ni éprouvé le besoin de se renseigner sur mes éventuels succès d'auteur.
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Je m'étais faite à l'idée que maman souffrait depuis des années de diabète et de cécité, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle tombe aussi soudainement dans le coma. Je savais qu'à quatre-vingt douze ans elle pouvait à tout moment rendre l'âme, j'ignorais que c'est à son corps que j'allais être confrontée.
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