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Robert Dumont (Traducteur)
EAN : 9782253064602
285 pages
Le Livre de Poche (06/04/1994)
4.27/5   382 notes
Résumé :
Dernière œuvre de Stefan Zweig, non publiée de son vivant, ce véritable testament romanesque nous transporte dans l'Autriche de l'entre-deux-guerres, déjà convoitée comme une proie par Allemagne nazie.
Christine, modeste employée des Postes, a vu mourir son père et son frère. L'invitation impromptue d'une tante d'Amérique, riche et fastueuse, achève de la révolter contre la médiocrité de sa vie, sentiment qu'elle partage bientôt avec Ferdinand, ancien combat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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Avec son Ivresse de la métamorphose, Stefan Zweig a, une nouvelle fois, su me conquérir. Quelle histoire torturée, quel drame psychologique !

J'ai aimé la multiplicité des histoires au sein de ce seul récit, car bien que l'on suive réellement un personnage principal – la jeune Christine Hoflehner, petite employée de poste, pauvre et sans rêves – il s'agit en réalité d'une véritable fresque de la société autrichienne de l'époque, société que Stefan Zweig se plait à disséquer sous nos yeux.
Concernant l'intrigue, donc, elle est centrée sur la vie de Christine. Sa tante a pu échapper à la misère – devenue la typique bourgeoise américaine grâce à un mariage heureux – suite à quelques évènements obscurs et chanceux, bref une tante qui n'est pas exempt d'un passé tumultueux, et qu'elle prend évidemment soin de dissimuler aux yeux de tous. Mais pour compenser son absence et son ingratitude envers les siens durant les longues années de prospérité qu'elle a connues, la providentielle Madame Claire von Boolen invite sa nièce pour quelques jours de vacances et de repos dans un lieu paradisiaque. S'ouvre alors sous les yeux de Christine un monde inconnu et irrésistible, le monde délicat, luxueux et enivrant de la haute société viennoise, ce monde inaccessible où ne règne qu'abondance, beauté, et où l'acte de vivre prend enfin tout son sens... Christine va alors goûter au plaisir du confort et du faste, faire la connaissance d'une société exquise et raffinée, au sein de laquelle elle se mue peu à peu, elle évolue et se transforme complètement jusqu'à devenir la reine de ce monde : adulée de toutes et de tous, Christine découvre enfin ce qu'est le bonheur.
Mais ce monde se révèle aussi superficiel et illusoire, sa cruauté et son égoïsme n'ont pas d'égal, et la reine d'un jour ne peut le rester éternellement : c'est ainsi que Christine va connaître le goût amer de la déchéance et l'abandon ; c'est avec indifférence qu'elle est dépouillée et rejetée par sa tante et ses nouveaux amis, et qu'elle doit s'en retourner à sa médiocre et anonyme existence …
L'ivresse qu'elle a connue lors de cette incroyable métamorphose, la prise de conscience de son existence, l'éveil des sens et de son être, est à la hauteur de la douloureuse chute qui s'en suit, véritable déchéance qui contraint une âme neuve à retrouver son ancien corps, son moi insignifiant et qui n'est plus suffisant pour la contenir toute entière, elle et ses émotions, ses envies, ses espoirs, ses promesses.
Comment pouvoir exister à nouveau dans l'étroit, la peur et la médiocrité, quand on a un jour pu vivre dans le vaste, l'insouciance et la richesse ?
C'est ainsi que la petite employée modeste, attentionnée et généreuse d'autrefois, devient peu à peu aigrie et frustrée, rejetant la haine de sa misérable condition sur tout ce qui lui suffisait auparavant… Comment sortir de cette impasse et lutter contre ce destin qui n'est plus le sien ? Comment renouer avec les nombreuses possibilités qu'offrent la richesse et échapper à cet enfer misérable quotidien ? Peu d'opportunités se présentent à elle, et sa rencontre avec Ferdinand – personnage brillant à l'image de son avenir, et pourtant entièrement brisé par la guerre – sera déterminante dans sa révolte et cette volonté d'échapper à la bassesse de sa condition.

J'aime la manière dont Stefan Zweig explore l'âme humaine, la dissèque et nous offre ainsi des personnages d'un puissant réalisme, aux émotions envahissantes et déterminantes d'un destin inéluctablement tragique. Je suis également continuellement fascinée par la souffrance qui se dégage de ses histoires et qui nous submerge tout entier. La dimension psychologique et le côté fataliste et pessimiste qu'il confère à son récit ont su créer une atmosphère particulièrement noire et désespérante, et l'on ressent par là même la souffrance de l'auteur, son dégoût, ses inquiétudes, ses doutes quant à la guerre et ses conséquences, qui est, dans l'Ivresse de la métamorphose, la cause de tous les maux… Son récit permet également la dénonciation à la fois subtile et violente de la société, froide et injuste envers les plus démunis, et où l'on comprend qu'il est impossible de vivre heureux dans la simplicité.
Et quelle écriture : à côté de la dureté du récit, je retrouve tant de grâce et de finesse dans les mots de l'auteur autrichien ! Un grand plaisir, comme d'habitude !

Bref, une découverte magnifique, et le huitième livre de Stefan Zweig qui ne me déçoit pas ! A lire absolument !
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"Non vi si pensa quanto sangue costa..."
(Personne n'a idée de combien de sang ça a coûté)
(Dante)

... telles pourraient être les pensées de Christine Hoflehner, cette "Cendrillon tragique", en regardant la nouvelle génération insouciante d'après-guerre, qu'elle a raté de peu.

Christine est née dans une mauvaise époque, comme tant d'autres. La guerre a traversé sa vie et lui a pris non seulement les membres de sa famille et son train de vie d'avant, mais aussi sa joie de vivre. Toute sa vie tourne autour de sa mère malade, son travail au bureau de poste, des calculs pour faire des économies...
Elle perd doucement toutes ses ambitions, toute son envie de découvrir encore des choses nouvelles. L'horloge de la poste tourne et compte les minutes, les heures et les années qui lui restent à survivre...
Mais arrive un moment (si bien décrit par Zweig) qui mélange l'incrédulité avec la joie, quand sa tante américaine l'invite à "prendre un peu de vacances" dans un luxueux hôtel suisse.
Dans un tourbillon d'opulence, nouvelles robes et le faux épithète "von", la petite souris grise se transforme en personne qui n'a plus rien à voir avec la Christine effacée d'avant. Elle est charmée et envoûtée par cette brillance, mais pour la première fois dans sa vie, elle peut enfin respirer librement, presque égoïstement... Les lunettes roses déforment son regard sur cette société superficielle et oisive, pleine de jalousie, soupçons et calomnies dans laquelle elle se trouve. La rumeur se propage vite, on s'en délecte, même, et elle devient la raison du départ précipité de sa tante et de la fin brusque de sa merveilleuse métamorphose. Elle doit retourner dans sa misère et sa grisaille...

Christine n'essaye même pas de minimiser cette déchéance, elle la laisse la traverser, déchirée par la colère intérieure de toute cette injustice. Ce n'est pas qu'elle ne souhaite pas du bien à son prochain, mais "si eux, pourquoi pas moi aussi ?"
La colère et le désir de se remémorer son "vrai moi" la font partir pour Vienne. Et c'est là qu'arrive le second moment tournant de l'histoire - sa rencontre avec Ferdinand.
Ferdinand, cet anarchiste plus par nécessité que par conviction, fier et honteux à la fois, va lui devenir, d'une certaine manière, fatal. Plus qu'un homme rêvé ou un amant, il est son alter-ego dans le désespoir, la juste colère contre cette époque et dans le désir d'avoir une vie meilleure. Une vie meilleure méritée, qui ne doit pas être réservée seulement aux autres.

Et tous les deux se laissent tenter pour la dernière fois par le faux, mais tellement prometteur image d'un futur sans soucis... Mais par leur choix de commettre l'irréparable, ils perdent leur liberté à tout jamais.
Leur pseudo-enthousiasme en préparant le "coup" est tellement triste et pathétique !
La fin ouverte peut sembler optimiste, mais je ne la vois pas de cet oeil...

"Ivresse de la métamorphose" est une histoire excellente sur les désirs humains, les idéaux bafoués, et sur la génération privée des meilleures années de la vie, qui n'ose plus chercher le véritable bonheur, mais au moins un semblant de justice.
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Je me suis replongée dans les affres de la psychologie tourmentée des personnages de l'auteur que j'adore : Stefan Zweig.

Cette fois, c'est la vie d'une jeune employée des Postes que nous partageons, pauvre, s'occupant de sa mère très malade dans un réduit quasi insalubre. Elle a l'occasion de connaitre une expérience exaltante : des vacances avec sa tante d'Amérique, en Suisse, dans un hôtel luxueux. le changement de son existence étriquée en quelques jours merveilleux l'a métamorphosée, et ce, jusqu'à ce qu'arrive à nouveau un retournement de situation. Les rêves évanouis vont-ils interférer dans sa vie, au point de la bouleverser à nouveau ?

Ce roman en deux parties parle essentiellement de la pauvreté et de la richesse.
Dans cette société des années vingt, le fossé est énorme entre les privilégiés et les autres.
Stefan Zweig nous fait connaitre de l'intérieur les tourments des moins nantis, leurs réactions devant la richesse qui s'étale, ou même simplement devant une vie un peu moins dure que la leur.
C'est extrêmement fouillé, très clair, très lucide. Cela se lit lentement, car tout a un poids. L'action n'avance pas beaucoup, donc la stagnation dans ces eaux boueuses de la pauvreté, après une parenthèse passionnée et fiévreuse dans la richesse, n'en est que plus dure.

Le roman est inachevé, puisque Zweig s'est suicidé, et c'est à nous d'interpréter la suite possible. En tout cas, l'état d'esprit de l'auteur se reflète complètement dans ce roman de la désespérance.
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Coup de sang à la lecture, je reste sous le choc.
Je ne l'avais pas lu, celui-là. Il est extraordinaire.
Les critiques et les notes ont l'air de dire qu'il est inachevé, mais ce n'est pas sûr. En tout cas, il fut abandonné en l'état en 1938, et non relu. Il est composé de deux parties très distinctes, rédigées à deux périodes différentes, et cela se sent. Une première partie rédigée en 1930-1931,et l'autre 1937-1938, puis laissée de côté, je me répète.
Nous sommes en 1926. La première partie est centrée autour du personnage de Christine Hoflehner. C'est une jeune employée des postes dont la famille a été ruinée par la première guerre mondiale. le frère et le père sont morts, elle végète avec sa mère très malade dans un trou autrichien. Elle a 28 ans, sa jeunesse a été ravagée par le conflit, elle survit avec son travail abêtissant dans une semi pauvreté. Un jour, miracle, la riche tante d'Amerique en visite au pays l'invite à passer une quinzaine dans un grand hôtel de luxe en Suisse...ivresse de la métamorphose...en quelques chapitres éblouissants, nous assistons à la transformation de la petite souris grise en "charming girl" séduisant un vieux lord et bijou du palace...Et puis...minuit sonne et Cendrillon doit rentrer chez elle...Je ne dis pas tout bien sûr. Tout cela est passionnant.
Deuxième partie : Ferdinand. C'est lui qui attire à présent la lumière, mais une lumière sombre et inquiétante. La guerre et la pauvreté en ont fait une âme jumelle de Christine. Quel avenir pour ces deux écorchés vifs ? Tout cela se passe entre l'été et l'automne 1926...
Je n'ai pas pu lever le nez du texte tant j'étais fascinée par le destin des deux héros, et submergée par la réflexion de Zweig sur les conséquences de la guerre en Autriche, ses ravages sociaux, la pauvreté des vétérans, l'indifférence de l'État à leur égard, la catastrophe qui s'annonce, bien que non nommée, il est trop tôt en 1926. C'est aussi dans l'âme de Zweig que la tragédie s'annonce, car autant dans la partie rédigée en 1931 affleurent légèreté et satire, autant la deuxième partie de 1938 suinte l'angoisse et les ténèbres. Cette schizophrénie du roman est en elle-même fascinante. On a peine à reconnaitre le même monde, voire les mêmes personnages. C'est un témoignage fondamental sur l'état d'esprit des Autrichiens pendant l'entre-deux guerres. Une génération sacrifiée, ruinée, attirée par le néant et la mort.
Là, vraiment, j'ai l'impression d'avoir lu un grand livre.
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Un roman bien sombre et désespéré que cette Ivresse de la métamorphose, qui m'a surpris de la part de Stefan Zweig car je ne m'attendais pas à le trouver, si tranché et véhément, sur le registre de la dénonciation des inégalités sociales. Est-ce parce que ce dernier roman, dont la deuxième partie fut travaillée dans ces dernières années, reflète en miroir l'état d'un homme qui a tout perdu, de sa place dans le monde à ses illusions ?
Car le monde de Zweig, son « monde d'hier » en tout cas ainsi qu'il a intitulé son autobiographie, c'est plutôt celui que la grise et pauvre Christine découvre quand elle est arrachée pour un court temps par sa tante à sa misérable vie dans l'Autriche de l'après-guerre : un monde de richesse, de beauté, d'insouciance et de bien-être, monde réservé à une élite dont elle ne comprend pas dans l'instant qu'elle ne fera jamais partie. L'avoir gouté avidement, s'y être identifiée et cru autorisée à le réclamer comme un du ne rendra que plus amer le retour à son triste univers. Amenée à prendre conscience du caractère indépassable de sa condition sociale par Ferdinand, un jeune homme brisé dans ses ambitions, Christine ruminera son désespoir jusqu'à l'identification d'une échappatoire, nécessairement extrême.
Enragé, amoral, définitif, ce récit crépusculaire du grand Zweig est d'autant plus envoutant qu'il rejoint aujourd'hui l'actualité d'un monde de plus en plus polarisé.
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Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
La vitesse de l’étincelle électrique, plus rapide que notre pensée, nous semble toujours inimaginable. Car ces simples mots, déchirant comme la lueur d’un éclair l’atmosphère lourde d’un bureau autrichien, avaient été écrits quelques minutes auparavant, à trois contrées de distance, dans l’ombre fraîche des glaciers sous un ciel d’Engadine d’un pur bleu gentiane, et l’encre n’était pas encore séchée sur la formule de l’expéditeur que déjà son message et son appel bouleversaient un cœur.
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Et, pour la première fois, à ce moment, un être, objet d'une révélation bienheureuse qui l'ébranle dans ses profondeurs, commence à entrevoir de quelle étoffe mystérieusement délicate et malléable notre âme est constituée, puisqu'un seul évènement suffit pour l'agrandir à l'infini et lui faire englober dans son espace minuscule un univers entier.
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Combien de temps cela va-t-il encore durer ? et qu'attendre ? J'ai trente ans et je n'ai encore rien pu réaliser de ce que je souhaitais. Toujours embauché, débauché, et chaque mois, je vieillis d'une année. Je n'ai rien vu du monde, rien obtenu de la vie si ce n'est cet espoir : cela viendra, c'est le commencement. Mais, je le sais maintenant, cela ne viendra plus, je n'ai rien de bon à attendre.
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La force mystérieuse de la métamorphose agit dans un nom ; comme un anneau au doigt, il semble de prime abord pur hasard, sans conséquence, mais avant que l’on ait conscience de sa puissance magique il se développe en vous, sous votre peau, et s’unit, sceau du destin, à l’existence spirituelle d’un être.
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« Ah, une nuit magnifique… Voyez les étoiles… » […] Mais Christine, toujours tremblante, ne l’entend pas. Que lui font les étoiles, la nuit ? Elle n’a intérêt que pour elle-même, pour son pauvre moi étouffé, oppressé, opprimé depuis des années qui soudain se soulève monstrueux dans sa douleur et déchire sa poitrine.
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Vidéo de Stefan Zweig
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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