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Critique de JeanPierreV


Il y a tellement à dire sur ce petit bijou écrit en 1936 : un grand livre toujours d'actualité de "Stefan Zweig" peu connu, il est resté en effet introuvable pendant près de cinquante ans.
Ce livre répond semble-t-il a une commande faite par un pasteur de la cathédrale Saint Pierre de Genève pour faire connaître Castellion, cette "mouche qui combattit un éléphant", Calvin.
Calvin qui arriva au pouvoir à Genève par un vote démocratique, et qui fit du protestantisme une religion d'État. Calvin qui n'hésite pas à excommunier ou à mener au bûcher tous ceux qui s'opposent à lui. "Il ne cessera de penser qu'on ne travaille au bien des hommes qu'en leur enlevant impitoyablement toute liberté individuelle". Un régime dans lequel des pasteurs protestants montrent du doigt et punissent tous ceux qui s'écartent du droit chemin qu'ils ont tracé mais incapables, cloués par leur peur de mourir, d'accompagner et de soulager des pestiférés mourant.
En faisant brûler vif sur le bûcher Michel de Servet à la suite d'un différent théologique qui a dégénéré en opposition frontale véhémente entre les deux hommes, Calvin a mobilisé des esprits libres.
Castellion est également un pasteur. Homme instruit, homme de liberté, il maitrise plusieurs langues, et souhaite écrire une nouvelle traduction de la Bible, ce qui provoque l'hostilité de Calvin, toujours sur des points de détail. Calvin organise un cabale contre Castellion, le prive de ses fonctions, censure ses livres, en interdit la publication, les met au pilon et le fait finalement accuser d'hérésie. "Mais cette atmosphère de prison intellectuelle, Castellion ne veut pas la respirer. Ce n'est pas pour se soumettre à une inquisition protestante qu'il a fui l'inquisition catholique en France, ce n'est pas pour être l'esclave d'un nouveau dogme qu'il a renoncé au vieux. Pour lui, l'Évangile n'est pas un code sévère et fige mais un modèle d'éthique que chacun doit s'efforcer humblement de suivre, à sa manière propre, sans prétendre pour cela être le seule connaître la vérité.". Seule la mort prématurée de cet homme lui évitera le bucher qui lui était promis.
Stefan Zweig a écrit un livre très documenté et passionnant sur cette époque, sur ces hommes, sur les débuts du calvinisme. En de très nombreuses occasions il montre du doigt la dictature instaurée à Genève par Calvin, censure, limitation des libertés, excommunications, exécutions... : "Aucune dictature ne peut durer ni même se concevoir sans violence. Qui veut garder le pouvoir doit avoir en main les moyens de contrainte. Qui veut commander doit pouvoir punir" (P. 40) - "Tous ceux qui se prononcent en faveur de la liberté de conscience sont dès maintenant menacés dans leur existence civile" (P. 43) - "Il faut toujours un certain temps avant qu'un peuple remarque que les avantages momentanés d'une dictature, que sa discipline plus stricte et sa vigueur renforcée sont payées par le sacrifice des droits de l'individu, et que, inévitablement chaque nouvelle loi coûte une vieille liberté" (P. 44) - "C'est la tragédie de tous les despotes, qu'ils craignent encore les esprits indépendants même quand ils les ont réduit à l'impuissance. Il ne leur suffit pas qu'ils se taisent, le seul fait qu'ils ne les approuvent pas et ne se joignent pas à la troupe de leurs courtisans donne à leur simple existence le caractère d'un scandale terrible" (P. 218).
A t-il voulu montrer du doigt, le régime hitlérien sans l'attaquer de front, a t-il souhaité mobiliser les esprits? Des divergences existent entre les historiens. ON peut le ire comme tel, ce qui dénoterait, une fois encore, le courage de Zweig, Castellion contre Calvin-Hitler.
Quoiqu'il en soit ce livre d'histoire, de réflexion est un livre passionnant. Zweig qui montre son opposition au régime de Calvin, à l'homme Calvin salue avec honnêteté et lucidité, dans la dernière partie de son livre l'évolution du calvinisme dans les siècles qui ont suivi la mort de son fondateur : ce sont des pays de religion calviniste qui ont accueilli des hommes pourchassés pour leurs idées "C'est justement là ou la religion de Calvin avait force de loi que l'idée de Castellion s'est réalisée. C'est dans cette même ville de Genève, où Calvin fit jadis brûler Servet...que se réfugie l'ennemi de Dieu, le vivant antéchrist de son temps, Voltaire ; et les successeurs en titre du réformateur, les pasteurs de son Église, viennent rendre aimablement visite à l'impie et philosopher avec lui le plus tranquillement du monde. D'autre part, c'est en Hollande, que Descartes et Spinoza qui ne trouvent nulle autre retraite au monde, écrivent leurs oeuvres qui libèrent la pensée humaine des liens de la religion et du traditionalisme...." Il salut la puissance économique (déjà en 1936...) de ces pays nés du Calvinisme, Etats Unis, Pays-Bas, Suisse....
Alors que de tous cotés on entend parler d'évolutions vers l'intégrisme de plusieurs religions, de dictatures, de limitations de nos libertés, ce livre intemporel, sera utile à tous ceux qui veulent prendre du plaisir dans leur réflexion, en se replongeant dans une partie trop méconnue de l'Histoire
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