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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Non vi si pensa quanto sangue costa..."
(Personne n'a idée de combien de sang ça a coûté)
(Dante)

... telles pourraient être les pensées de Christine Hoflehner, cette "Cendrillon tragique", en regardant la nouvelle génération insouciante d'après-guerre, qu'elle a raté de peu.

Christine est née dans une mauvaise époque, comme tant d'autres. La guerre a traversé sa vie et lui a pris non seulement les membres de sa famille et son train de vie d'avant, mais aussi sa joie de vivre. Toute sa vie tourne autour de sa mère malade, son travail au bureau de poste, des calculs pour faire des économies...
Elle perd doucement toutes ses ambitions, toute son envie de découvrir encore des choses nouvelles. L'horloge de la poste tourne et compte les minutes, les heures et les années qui lui restent à survivre...
Mais arrive un moment (si bien décrit par Zweig) qui mélange l'incrédulité avec la joie, quand sa tante américaine l'invite à "prendre un peu de vacances" dans un luxueux hôtel suisse.
Dans un tourbillon d'opulence, nouvelles robes et le faux épithète "von", la petite souris grise se transforme en personne qui n'a plus rien à voir avec la Christine effacée d'avant. Elle est charmée et envoûtée par cette brillance, mais pour la première fois dans sa vie, elle peut enfin respirer librement, presque égoïstement... Les lunettes roses déforment son regard sur cette société superficielle et oisive, pleine de jalousie, soupçons et calomnies dans laquelle elle se trouve. La rumeur se propage vite, on s'en délecte, même, et elle devient la raison du départ précipité de sa tante et de la fin brusque de sa merveilleuse métamorphose. Elle doit retourner dans sa misère et sa grisaille...

Christine n'essaye même pas de minimiser cette déchéance, elle la laisse la traverser, déchirée par la colère intérieure de toute cette injustice. Ce n'est pas qu'elle ne souhaite pas du bien à son prochain, mais "si eux, pourquoi pas moi aussi ?"
La colère et le désir de se remémorer son "vrai moi" la font partir pour Vienne. Et c'est là qu'arrive le second moment tournant de l'histoire - sa rencontre avec Ferdinand.
Ferdinand, cet anarchiste plus par nécessité que par conviction, fier et honteux à la fois, va lui devenir, d'une certaine manière, fatal. Plus qu'un homme rêvé ou un amant, il est son alter-ego dans le désespoir, la juste colère contre cette époque et dans le désir d'avoir une vie meilleure. Une vie meilleure méritée, qui ne doit pas être réservée seulement aux autres.

Et tous les deux se laissent tenter pour la dernière fois par le faux, mais tellement prometteur image d'un futur sans soucis... Mais par leur choix de commettre l'irréparable, ils perdent leur liberté à tout jamais.
Leur pseudo-enthousiasme en préparant le "coup" est tellement triste et pathétique !
La fin ouverte peut sembler optimiste, mais je ne la vois pas de cet oeil...

"Ivresse de la métamorphose" est une histoire excellente sur les désirs humains, les idéaux bafoués, et sur la génération privée des meilleures années de la vie, qui n'ose plus chercher le véritable bonheur, mais au moins un semblant de justice.
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