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Stefan Zweig est toujours un bonheur, mêmes si certains sont plus ardus que d'autres…
L'Amour d'Erika Ewald est un recueil de quatre nouvelles dont l'auteur définit en ces termes l'unité ou le rassemblement : « notre vie possède des courants plus profonds que les éléments extérieurs, qui nous rapprochent et nous séparent. Une intense magie de la vie, accessible à notre seule émotion et non pas à nos sens, gouverne nos destins, même quand nous croyons les diriger nous-mêmes »… Vaste programme !
Une chose est certaine : chez Zweig, l'amour est source de souffrance…
L'héroïne de la nouvelle qui donne son titre au recueil est une jeune femme discrète et rêveuse, professeur de musique, amoureuse d'un violoniste. Malheureusement ses idéaux candides et sensibles se heurtent à la passion charnelle et aux assauts virils de son soupirant… Ce portrait de femme est complexe, dérangeant dans sa vie terne et insignifiante, sa démarche exaltée qui confond les réactions de l'être aimé avec l'écho de ses propres sentiments, son désir pathétique de vengeance… Mais l'écriture est poétique, métaphorique et Zweig magnifie ainsi cette histoire triste, simple et banale.
Dans la même veine, « L'Étoile au-dessus de la forêt » nous raconte l'amour impossible d'un serveur pour une belle comtesse… J'ai apprécié ici les points de vue en miroir, l'atmosphère tragique et l'annonce inéluctable du dénouement.
Deux histoires d'amour qui finissent plutôt mal, l'une dans la renonciation et la solitude résignée et l'autre, dans le suicide, la solitude angoissée et la communion de deux âmes opposées dans le scintillement d'une étoile.
Les deux autres nouvelles mettent en avant l'amour de l'art et la ferveur religieuse, nous emmenant à Anvers, au temps des guerres de religion et de la guerre d'indépendance des Pays-Bas, et à Jérusalem lors de la crucifixion de Jésus.
Ma préférence va à la nouvelle la plus courte, «
La Marche », l'itinéraire d'un rendez-vous manqué entre un jeune homme au coeur empli de foi et d'espérance et le Messie. Ici aussi, il est question de sensualité virile et fiévreuse, de tentation charnelle opposée à un idéal mystique.
«
Les Prodiges de la vie » aborde une problématique beaucoup plus complexe autour de la création artistique et de l'amour maternel sur fond d'antisémitisme et de violences religieuses. Un vieux peintre, chargé de réaliser un portrait de la Madone, se prend d'affection pour sa jeune modèle, une jeune orpheline juive, rescapée des persécutions et vivant en marge des réalités de la vie. Si j'ai bien aimé le lien qui se crée peu à peu entre l'artiste et la jeune fille, empreint de confiance et de respect mutuel, et la notion de destins croisés et d'incarnation, je reconnais que cette nouvelle m'a paru plus difficile à comprendre dans sa globalité, tant les thèmes développés sont denses et imbriqués.
Un recueil qui était dans ma PAL depuis longtemps…
Une pépite à savourer.
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