Trouver un court essai sur la création artistique à la librairie du centre Pompidou, particulièrement fournie en ouvrages autour de l'art.
Découvrir qu'il s'agit du texte d'une conférence de Stefan Zweig rédigé et lu en 1939, puis publié en 1943, un an après son décès. Intéressant quand on apprécie comme moi ses oeuvres, son style, et qu'on ignorait l'existence de ce texte.
Feuilleter le livre avec curiosité.
Lire au hasard : « Recevant la visite d'un ami, Balzac l'accueille les larmes aux yeux, dans un état de grande émotion : « Rendez-vous compte, la duchesse de Langeais vient de mourir. »
Éprouver alors que l'artiste, le vrai, crée « hors de lui-même » au point de quitter la réalité pour réussir à nous entraîner dans sa fiction.
Lire ensuite, bien sûr, les quarante-cinq pages, admirer les dix reproductions d'oeuvres présentées en fin d'ouvrage et choisies pour leur lien avec la conférence. Du bel ouvrage, vraiment.
Admirer une fois de plus l'esprit d'analyse, le style impeccable, la clarté de raisonnement de Stefan Zweig, artiste lui-même, même s'il ne se met à aucun moment en avant parmi les nombreux exemples qu'il choisit pour tenter de répondre à La question passionnante du livre :
Comment le véritable artiste crée-t-il ?
Refermer doucement le livre en ayant compris qu'il n'y a évidemment pas qu'une seule réponse.
« Chacun crée dans des conditions différentes ».
« Une oeuvre d'art peut être un acte de pure inspiration » ou le fruit d'un long labeur.
Rencontrez des oeuvres, le plus d'oeuvres possible, cherchez à les comprendre grâce aux ébauches, esquisses, manuscrits quand ils sont disponibles. Alors, une « connivence de sensibilité » peut surgir, parfois, devant une oeuvre.
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L’homme ne livre son être véritable que dans ce qu’il fait. C’est là, et uniquement là, qu’il donne sa véritable mesure - c’est uniquement là, où se trouve son ultime secret, que nous connaissons un homme, que nous connaissons une œuvre d’art. Goethe, qui est un des hommes les plus sages de tous les temps, a trouvé la formule qui convient : « On ne connaît pas les œuvres d’art, quand on les voit uniquement achevées, on doit aussi les avoir connues dans leur devenir. » Il faut pénétrer le secret du faire d’un artiste, pour comprendre sa création.
Produire, pour l’artiste, signifie toujours réaliser, faire passer de l’intérieur à l’extérieur une vision intérieure, une image onirique que son esprit a vue dans une forme parfaite, la porter dans notre monde en recourant à ce matériau rétif qu’est la langue, la couleur ou le son. L’artiste commence par rêver sa vision.
Si nous voulons maintenant concentrer dans une formule ce qui a réellement lieu dans le processus créateur, nous ne devrions pas dire « l’inspiration ou le travail », mais « l’inspiration plus le travail ». La création est un perpétuel combat entre l’inconscient et la conscience.
Un extraordinaire état de totale concentration intérieure doit accompagner l’acte créateur. Quand il crée, le véritable artiste est immergé dans sa création comme l’homme pieux dans sa prière ou le rêveur dans son rêve. Il en résulte nécessairement que n’ayant de regard qu’orienté vers l’intérieur, il n’a aucune perception précise du monde extérieur et de lui-même. Aussi les artistes, les poètes, les peintres, les musiciens en train de créer ne savent-ils pas observer eux-mêmes comment ils créent, et ils sont encore moins capables de nous l’expliquer ensuite.
"Ainsi espérons-nous n'avoir pas manqué de respect en essayant ici d'approcher le secret de la création artistique, cet instant indescriptible, ou`finit la limitationn terrestre imposée aux mortels que nous sommes, et où commence l'éternité.
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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