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Critique de Alcapone


On ne se lassera jamais de le dire : l'écriture de Stefan Zweig est somptueuse. Cette façon qu'il a d'étudier les profils psychologiques des grands de ce monde (voir aussi : Hommes et destins) est caractéristique de sa plume à la fois poétique et incisive. Friederich Nietzsche qu'il portait apparemment en haute estime, apparait dans son analyse tel un ovni de la pensée allemande, peut-être même de la pensée universelle pourrait-on dire. Personne, excepté peut-être Heinrich von Kleist et Friedrich Hölderlin, n'aurait accepté de souffrir l'enfer volontaire que le philosophe s'est choisi pour demeure. Sa santé fébrile et sa recherche incessante de la Vérité sont à la fois, sa force et sa faiblesse. Intransigeant envers les autres, mais avant tout envers lui-même, Nietszche ne souffre pas le confort d'une notoriété acquise et reconnue. Son combat se situe ailleurs. Bien au delà de ce que l'on peut imaginer avec toute la douleur et la solitude que cela exige. le parcours de Nietzsche est fait de mille souffrances imposées à lui-même comme autant de moteurs de réflexion de sa pensée...

Evoluant à l'inverse de ses pairs comme par exemple Goethe, Nietzsche obtient très jeune une chaire de philosophie à l'Université de Bâle. Mais sa révélation lui vient après qu'il ait décidé de la quitter et qu'il découvre l'Italie ("C'est seulement l'apparition de la nature démoniaque, l'épanchement de la liberté primitive qui font de Nietzsche une figure prophétique et transforment son destin en mythe. Et puisque ici, j'essaie de représenter sa vie, non pas dramatiquement mais comme une pièce de théâtre, comme une oeuvre d'art et une tragédie de l'esprit, son oeuvre véritable pour moi débute seulement au moment où l'artiste commence en lui et prend conscience de sa liberté."p.99). Luttant avec une force diabolique pour atteindre Sa Vérité, Nietzsche assume un destin tragique grâce à ses éternels "accouchements". Contraint toute sa vie à dénicher l'endroit idéal où parfaire sa réflexion et où ses douleurs seraient susceptibles de le laisser en paix, le philosophe tire paradoxalement de sa faiblesse physique (il est la proie de maux de tête insupportables et perd la vue), une incroyable force de travail... Nietzsche, ce penseur nomade assassin de Dieu, est enfin prêt à livrer l'ultime combat. Ni le confort d'une oreille amie, ni la douce présence d'une femme ne l'accompagne. C'est seul que Nietzsche deviendra ce qu'il est, et seul aussi qu'il affrontera l'adversité de ses propres démons. Tel un martyr de la pensée, Nietzsche durant ses derniers mois d'existence cède à la folie créatrice...

Ce merveilleux portrait dressé par Stefan Zweig est bouleversant tant il est bien "senti". Pendant la lecture, on le devine, l'esprit de Nietzsche est là, tout proche de nous. Et ce bel hommage rendu par Zweig, démontre bien que l'homme et son oeuvre ne font qu'un, car "seules les natures tragiques sont capables de nous faire percevoir la profondeur du sentiment et seule la démeusure permet à l'humanité de reconnaître sa mesure."p.152.
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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