Révélation inattendue d'un métier est une nouvelle dédiée à un métier méconnu du profane, et en particulier des touristes, que dis-je un métier! Un art, une science, qui nécessite l'adresse manuelle de l'artisan, la préparation d'esprit de l'athlète, la maîtrise de soi du joueur, la patience du chercheur, et le courage du soldat. Cette activité de péripatéticien aux revenus aléatoires est, vous l'avez deviné - ou pas-, le noble métier de pickpocket.
Paris, avril 1931. L'averse a cessé et la vie reprend sur les grands boulevards parisiens. Un étranger, fraîchement débarqué de la Gare de l'Est, s'adonne à une bienheureuse flânerie, le cigare aux lèvres, à un café à l'angle de la rue Drouot et du Boulevard de Strasbourg. L'esprit vagabond et curieux, il observe le déferlement du fleuve humain. Fatigué bientôt de cette cohue, il s'apprête à partir quand il remarque le curieux manège d'un personnage efflanqué, au regard fuyant, à la mise calamiteuse, visiblement myope car se heurtant aux passants et dont l'agitation évoque vaguement celle d'un rongeur. Prenant l'attitude fureteuse du passant pour celle d'un détective ou d'un policier, il se rend compte de sa méprise; cet homme est un vide-gousset! Dès lors un curieux lien d'empathie, d'identification se tisse entre le spectateur-voyeur et l'acteur-voleur : peur de l'arrestation, prospect d'un oeil investigateur des victimes potentielles, envie de réussite pour l'inconnu, encouragements en un tutoiement fraternel, puis invective contre son manque d'audace, et finalement, pressentiment angoissant que l'homme va à sa perte : notre touriste vit par procuration la vie périlleuse et aventureuse du malfrat.
Il semble que dans cette nouvelle la passion que met en scène le conteur viennois soit plutôt que celle du lucre, la passion du voyeur, tant le narrateur semble être lié par le regard, tel le harpon du pêcheur, à l'objet de sa vive curiosité. Un bon Zweig, avec en toile de fond les 9ème et 10ème arrondissements de Paris et la scène finale ayant pour théâtre l'hôtel des ventes Drouot, avec sa faune particulière d'acheteurs, de brocanteurs, de commissionaires et la geste virevoltante de l'huissier priseur.