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Citations sur Stefan Zweig, tome 1 : Romans et nouvelles (54)

En bas je sentais les eaux qui bruissaient doucement, et au-dessus de moi, coulant avec une musique qu’on ne peut entendre, le flot blanc de ce monde. Et peu à peu ce bruissement s’enfla et me pénétra dans le sang : je ne me sentis plus moi-même, je ne sus plus si cette respiration était la mienne ou si c’étaient les battements lointains du coeur du navire, je m’écoulais et dérivais moi-même dans l’incessant bruissement du monde au milieu de la nuit.

AMOK
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ô enfance, étroite prison !
Que de fois j'ai pleuré derrière tes barreaux
Quand dehors, tout pailleté d'azur et d'or,
Passait l'oiseau inconnu.

ô nuits d'impatience, où je me déchirais les mains
Aux verrous, — quand je sentais bouillonner
Dans mon sang les désirs trop précoces —
Puis, rompant mes fers, je trouvai libre , l'espace devant moi !

A peine l'eus-je aperçu, que je pris mon essor :
Le monde était à moi ! Mon coeur se répandit,
Se consuma dans mille frissons ardents.

Et pourtant avec le souvenir vient souvent le regret :
ô délicieuse angoisse des premières aubes !
Si je pouvais y retourner ! Comme j'étais pur et frais !

[ p 39 ] ( traduction révisée )
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Tous les bruits se sont tus et même la voix tremblante du vent de la lande n'est plus qu'un chant berceur et apaisant ; on entend le léger chuchotement des flocons quand un obstacle met un terme à leur chute vagabonde...

DANS LA NEIGE
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On évalue toujours mal l'intensité d'un amour quand on l'évalue à son objet et non à l'aune de la tension qui y a préexisté, de cette vacuité sombre creusée par la frustration et la solitude et qui précède toujours tous les grands bouleversements du cœur. Il y avait là un sentiment lourd d'une vaine attente accumulée, prêt à se précipiter éperdument vers le premier objet qui lui semblait accessible.

BRÛLANT SECRET
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Dans le ciel, couraient ces turbulents nuages blancs qu'on ne voit qu'en mai et en juin, ces gais lurons, jeunes encore eux-mêmes et papillonnant, qui font la course sur la piste bleue pour se cacher soudain derrière de hautes montagnes, qui se rejoignent et s'échappent, tantôt se froissent en chiffon comme des mouchoirs, tantôt s'effilochent en minces rubans, puis finalement, facétieux, coiffent les monts de bonnets blancs.

BRÛLANT SECRET
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Ce ne sont pas les êtres bien portants, sûrs d'eux-mêmes, gais, fiers et joyeux qui aiment vraiment, - ils n'ont pas besoin de cela ! Quand ils acceptent d'être aimés, c'est d'une façon hautaine et indifférente, comme un hommage qui leur est dû. Le don d'autrui n'est pour eux qu'une simple garniture, une parure dans leurs cheveux, un bracelet à leur poignet, et non le sens et le bonheur de leur existence. Seuls ceux que le sort a désavantagés, les humiliés, les laids, les déshérités, les réprouvés, on peut les aider par l'amour. Et quand on leur consacre son existence, on les dédommage seulement de ce dont la vie les a privés. Et eux seuls savent aimer et se laisser aimer comme il faut : humblement et avec reconnaissance.

LA PITIE DANGEREUSE
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Si dépourvues de manière qu'elles paraissent, les pensées aussi ont besoin d'un point d'appui, faute de quoi elles se mettent à tourner sur elles-mêmes dans une ronde folle. Elles ne supportent pas le néant, elles non plus.

LE JOUEUR D ECHECS
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"Son visage aux yeux clos était tendu douloureusement; je m’aperçus,angoissé, qu’elle voulait s’éveiller et ne le pouvait pas, que ses sens égarés cherchaient de toutes leurs forces à s’évader de cette prison de ténèbres, à retrouver leur lucidité. Et le fait que, sous le masque de plomb du sommeil, quelque chose luttait pour se dégager de l’enchantement, suscitait en moi la dangereuse envie de la réveiller. Mes nerfs brûlaient du désir de la voir non plus en état de somnambulisme, mais éveillée et parlant comme un être réel. Ce corps aux jouissances sourdes, je voulais à tout prix le ramener à l’état conscient. Je l’attirai violemment à moi, je la secouai, j’enfonçai mes dents dans ses lèvres et mes doigts dans ses bras, afin qu’elle ouvrît enfin les yeux et fît consciemment ce que jusqu’alors seul un vague instinct l’avait poussée à faire. Elle se courba en gémissant sous la douloureuse étreinte. « Encore… Encore… » murmura-t-elle, avec une chaleur insensée qui m’excitait et me faisait perdre la raison. Je sentais que l’éveil était proche, qu’il allait percer sous les paupières closes, qui déjà tremblaient d’une manière inquiète. Je la serrai de plus en plus fort, je m’enfonçai plus profondément en elle; soudain une larme roula le long de sa joue et je bus la goutte salée. La terrible agitation de son sein augmentait sous mon étreinte, elle gémissait, ses membres se crispaient comme s’ils eussent voulu briser quelque chose de terrible, le cercle de sommeil qui l’emprisonnait; soudain — ce fut comme un éclair à travers le ciel orageux — quelque chose en elle se rompit. Elle fut de nouveau un poids lourd et inerte dans mes bras, ses lèvres se détachèrent, elle laissa retomber ses mains, et lorsque je la déposai sur le lit elle resta couchée comme morte. J’eus peur. Involontairement, je la touchai, tâtai ses bras et ses joues, tout était froid, glacé, pétrifié. Seules ses tempes battaient faiblement. Elle gisait là comme un marbre, les joues humides de larmes; une respiration légère caressait ses narines dilatées. De temps en temps un faible tressaillement la parcourait encore, vague descendante de son sang agité, mais les spasmes peu à peu s’apaisaient. De plus en plus elle ressemblait à une statue. Ses traits se détendaient et s’humanisaient, devenaient plus juvéniles, plus limpides. La crispation avait disparu. Elle s’était assoupie. Elle dormait."
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Dans ce monde déclinant où se fanaient les fleurs, où dépérissait le feuillage et où tarissaient les rivières, toute vie intérieure finissait par mourir et les heures coulaient, oisives et paresseuses.
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Quelque chose crissa dans le gravier chaud. Soudain ce bourdonnement s'insinua. Et soudain je compris, je sentis que c'était des gouttes, des gouttes qui tombaient lourdement de la grande, bruissante et rafraîchissante pluie. Ah, ça commençait ! Oui, cela avait commencé. Un abandon, une bienheureuse ivresse m'envahirent. J'étais en éveil comme jamais. Je fis un bon en avant pour attraper une goutte dans ma main. Lourde et fraîche elle s'écrasa sur mes doigts. J'arrachai ma casquette pour mieux sentir l'humidité voluptueuse sur mes cheveux et sur mon front, je tremblais déjà d'impatience à l'idée de m'abandonner à l'ivresse de la pluie, de la sentir sur moi, sur ma peau chaude et vibrante, dans mes pores dilatés, et jusqu'au plus profond de mon sang en émoi. Elles étaient éparses, ces gouttes qui s'écrasaient au sol, mais je présentais leur chute abondante, déjà j'entendais leur déferlement et leur vacarme, toutes les écluses étaient ouvertes, et je sentais venir le divin écoulement du ciel par-dessus la forêt, sur la touffeur de ce monde embrasé.
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