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Critique de Meps


Les livres pâtissent parfois des attentes que l'on a envers eux... et encore plus quand on a laissé passé trop de temps avant de les lire.

J'ai découvert Stefan Zweig l'an dernier par le biais du Joueur d'échecs et j'avais regretté le temps que j'avais mis à me lancer vers cet auteur... mais c'est en fait toujours ces Vingt-quatre heures de la vie d'une femme qui m'avaient fait de l'oeil.

J'ai toujours trouvé le titre accrocheur, et plus la question de la place des femmes dans notre société devenait prégnante, plus ce titre m'attirait, avec une certaine incohérence puisque publié en 1927, il ne pouvait évidemment pas contenir tout ce que l'actualité me faisait y mettre.

La lecture fut donc une déception presque programmée, mais intéressante évidemment. D'abord parce que le mode de narration choisi par Zweig, le récit dans le récit (et qui est le même que pour le joueur d'échecs, sans doute une marque de l'auteur) permet de profiter pleinement de l'anecdote racontée. L'auteur trouve dans le narrateur original un double qui lui permet de donner ses positions sur le sujet. Il peut ensuite s'incarner différemment dans la narratrice réelle de l'anecdote. Enfin, le rapport entre les deux narrateurs amène une atmosphère de confidence très agréable qui nous plonge dans l'histoire comme un psychanalyste dans le discours de son patient, un prêtre dans celui du confessé.
Ensuite, le style de Zweig est très riche, surtout dans l'évocation des sentiments, émotions ressenties. Il réussit le tour de force de raconter une histoire de femme de l'intérieur, sans que sa masculinité ne soit un obstacle à la vraisemblance.

Ce qui m'a finalement gêné ce n'est pas l'histoire en elle-même ni sa narratrice, touchante dans sa culpabilité. C'est bien plutôt le paternalisme de l'histoire cadre, qui devait pourtant faire figure d'audace à son époque. le premier narrateur défend devant ses congénères une femme qui a cédé à la passion et s'est enfuie avec un jeune amant. Mais sa position de défenseur pourrait être considérée aujourd'hui comme stigmatisante: il comprend tellement cette pauvre femme qui n'a pu résister à la passion qui l'a envahie. On n'interroge à aucun moment la responsabilité de l'amant, on évoque rapidement le morne ennui imposé par le mari, on s'empresse d'excuser surtout (ou de condamner en face) la faiblesse féminine qui cède aux emportements rapides. A quoi devais-je m'attendre d'autre comme engagement féministe pour l'époque ? Mais si j'essaie de varier mes angles d'analyse, comment serait aujourd'hui jugée une telle femme ? Deux camps resteraient opposés avec sans doute mis en avant par la défense plutôt le courage du choix de quitter un mari qui ne la satisfaisait pas plutôt que la faiblesse légendaire des femmes.

Au final, ne passons pas non plus sous silence la belle évocation de la passion du jeu d'argent, condamné d'autant plus fortement quand il est mis en parallèle avec la bien plus jolie et bien plus douce passion amoureuse. Les différents rebondissements, bien que plutôt attendus, tiennent malgré tout le lecteur jusqu'au bout de ce court roman, ou longue nouvelle selon la classification littéraire allemande.
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