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4,11

sur 6236 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Madame Henriette nous a quittés ? Oui, mais son mari et ses enfants sont toujours ici.
Elle est partie seule alors ? Non… Elle s'est enfuie avec le jeune homme, vous savez, celui qui est arrivé hier.
C'est scandaleux, abandonner sa famille et en plus pour un inconnu, un homme que l'on connait depuis vingt-quatre heures.
Vous ne comprenez pas... c'est la passion qui lui a fait perdre la raison, nous ne sommes pas toujours maîtres de nos sentiments.
Oui, vous avez raison monsieur, moi qui suis une vieille dame, j'ai eu il y a fort longtemps une émotion semblable pour un jeune homme, aujourd'hui encore je ne peux évoquer cet amour fulgurant sans en être profondément émue.
Je vous comprends madame. Votre histoire et celle de madame Henriette font partie de ces terribles embrasements qui vous surprennent et vous dévorent longuement.
Celles aussi, je le sais monsieur, dont on fait les meilleurs romans.
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Ce matin-là, après un rapide petit-déjeuner, petit café, petite tartine, même pas le temps pour une petite branlette, je dus prendre le train pour une destination inconnue, vers un quai de gare froid balayé par un vent à faire voler les pétales de roses d'un bouquet imaginaire. Il doit être 10h02, la précision se doit d'être importante parce qu'une partie de ma vie sera bousculer ce jour-là. « Je vous ai déjà dit que je voudrais vous raconter un seul jour de ma vie : le reste me semble sans importance, et ennuyeux pour tout autre que moi jusqu'à mes quarante-deux ans, il ne m'arriva rien que de tout à fait ordinaire. » Mais je n'en dis pas plus, il faut garder le mystère de ces instants. Certains ont une passion pour les mains, reconnaissables parmi mille surtout sur le tapis vert d'une table de casino, maniant les cartes avec préciosité comme certaines manieraient des aiguilles à tricoter. Mais moi, c'est surtout les jambes, longues et fines. Bien sûr, sur un quai de gare, cela ne saute pas immédiatement aux yeux, à moins que le vent soit complice de ma lubricité, faisant doucement voler les pans de sa jupe. J'ai une imagination fertile, et je les caresse de mes mains, à la vue de tous, c'est ça qui est si bon dans mon imagination c'est que je me permets tout, ni tabou ni retenue. Mais avant de voir ses jambes et de parcourir de mes dix doigts ses cuisses et son intérieur, un sourire m'éblouit, à m'en faire cligner les yeux tellement il est lumineux. « Tout me paraissait sans éclat, terne et effacé, tout me semblait obscur en comparaison du feu jaillissant de ce visage. […] Une lumière brutale étincela dans ses yeux. » Que j'aimerais plonger dans ce regard, sonder cette âme au moment où je la pénètre lentement y découvrir le feu de la passion. Alors pour le moment, je me contente de fermer les yeux, aveuglé par ce drôle de sentiment qui embrasse la passion chaude et déroutante insufflée par ce vent du Sud. « Déjà pendant toute la soirée, le vent avait rassemblé au-dessus de la mer de lourds nuages printaniers chargés de vapeur : on sentait, avec ses poumons et avec son coeur, que le ciel était lourd, oppressant. » le rythme battait à l'intérieur de ma cage thoracique. Les tambours du Bronx en version furieuse. Tout se déchainait à l'intérieur, l'estomac serré comme si un vieux loup de mer s'était exercé aux différents noeuds marins, l'afflux sanguin crépitant de ses millions d'hématies, les jambes qui flagellent, les aisselles qui coulent. Bref, les prémices d'une passion. « Et combien je brûlais de m'abandonner, de m'abandonner toute, je ne le sentis que lorsque je fus seule avec moi-même, lorsque la passion qui, un instant auparavant, exaltait encore son visage illuminé et presque séraphique, fut retombée obscurément dans mon être et se mit à palpiter dans le vide d'une poitrine délaissée. » M'abandonner comme je le ferai face à une bière, blonde brune ou rousse, ou devant un champ d'Edelweiss que je n'ose cueillir. S'asseoir à la terrasse d'un café, oublier le café viennois ou les viennoiseries autrichiennes, danser une valse ou chalouper sur un air de Krautrock. Plonger mon regard dans la mousse ou dans son décolleté, décoller les yeux de cette mousse pour fixer son regard dans le mien et ne pas en perdre une miette de ce croissant viennois et de cet instant intense où deux êtres se découvrent pour la première fois et se laissent envelopper par cette passion qui n'a de déraisonnable que son envie de bonheur. « Une sorte d'ivresse ravie et enthousiaste tourbillonnait dans mon sang ». Je titube de nouveau sur le quai de gare, le vent souffle toujours s'engouffrant entre les rails et faisant s'envoler les fleurs d'edelweiss sorties de ma bière blanche. L'heure de reprendre le train.

Bref, je t'avais prévenu dès le début, la vie d'un bison n'est pas passionnante, surtout dans ses quarante-deux premières années. « Vieillir n'est, au fond, pas autre chose que n'avoir plus peur de son passé. » Une fois compris, je peux m'abandonner à la passion sans me retourner. Tu vois, 24 heures de la vie d'un bison n'a rien d'excitant hormis pour soi-même. Tu préféras certainement suivre les 24 heures de la vie de Jack Bauer ou les 24 heures de la vie d'une femme de Stefan Zweig.
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Vite lu, vite oublié (comme cette critique, vous verrez). Scandale dans une pension de famille : Une mère de famille dite « convenable » vient de partir avec un dandy, abandonnant sa famille. Peut-on réellement tomber amoureuse en 24 heures, ou faut-il être une fille facile ? Les regrets vont-ils l'accabler dès son coup de folie passé ? Aura-t-elle honte ou ne regrettera-t-elle rien ? Les langues des pensionnaires vont bon train : il y a ceux qui jugent, ceux qui condamnent, ceux qui comprennent, et ceux qui vont jusqu'à la défendre. le narrateur prend sa défense en argumentant au-delà de ses convictions pour rééquilibrer la balance. L'une des pensionnaires voit alors en lui le confident des 24 heures les plus intenses de sa vie à elle. 24 heures, est-ce trop court pour changer une vie ou bien au contraire, assez long pour la modifier à jamais ? En combien de temps se prennent les grandes décisions de nos vies ?


Une très jolie plume qui décrit avec brio l'agitation des mains des joueurs dans les casinos, s'enflammant au rythme de la boule sur la roulette ; Mais elle raconte avec plus de banalité les sentiments d'une femme « de bonne société » qui s'amourache d'un jeune homme, animé de la même passion mais envers le jeu. Au fond, ils jouent le même jeu pipé : sans suspense, la passion de la femme comme celle de l'homme est vouée à l'échec ; même sentiment de démence, même agitation qui, vécue, doit être intense, mais racontée devient vite plate et ennuyeuse, rappelant tellement celles des Miss Bovary, Karénine et compagnie que j'ai fini par lire ces passages en diagonale… Aucun des deux personnages n'en sort ni grandi, ni attachant, ni émouvant, ni intéressant - et je sais d'expérience (pour avoir lu les précités) que le nombre de pages qu'on pourrait y rajouter pour explorer une éventuelle profondeur ne changerait rien à mon ressenti. Réduits à leurs passions, ils sont juste possédés, donc dépossédés d'eux-mêmes et de ce qui les rend uniques. D'ailleurs le joueur de roulette rappellera à son tour le Joueur de Dosteïevski. Il reste la construction efficace, bien pensée et bien menée qui, alliée à la plume et aux personnages du départ, me donne envie de laisser une autre chance à l'auteur avec un autre roman que j'ai déjà en PAL (si j'arrive au bout comme il est plus long). Bref, en ce qui me concerne : Vite lu, vite oublié (comme cette critique). Je l'ai déjà dit ?
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La clientèle compassée du Grand Hôtel et de sa dépendance a trouvé matière à jaser, cancaner, s'épancher : Madame Henriette l'épouse d'un industriel lyonnais a mis les voiles , elle a suivi un beau jeune homme récemment arrivé dans le palace de la Rivera. Coup de foudre ou mise en scène d'une décision mûrement réfléchie, décidée depuis plus longtemps? En tout cas les langues se libèrent, exhalent de l'acidité , et bien sûr l'attitude de cette bourgeoise qui abandonne mari et enfants honteusement donne lieu à une condamnation sans appel, sauf pour le narrateur (Zweig sans doute qui transcrit ici un épisode réellement vécu ou qui transpose une anecdote recueillie) qui sans prendre tout à fait la cause pour cette madame Bovary , tente de la défendre. Parmi le petit groupe de clients qui commente cette désertion ignominieuse il y a Mrs C. un vielle anglaise fortunée.
Cette attitude qui se démarque de celles des autres clients, va favoriser des confidences. Elle va inviter le narrateur à la rejoindre dans sa chambre, et là , elle va se libérer d'un secret qui la hante depuis de très nombreuses années : elle aussi elle a vécu une folle passion , une courte parenthèse amoureuse de vingt- quatre heures, qui a bouleversé sa vie.
On retrouve ici les mêmes ingrédients , ceux qui peuvent expliquer l'irrationnalité de certains de nos comportements, qui nous font basculer dans des aventures improbables, ce sont ces forces obscures qui pourraient expliquer la confusion de nos sentiments

Cette nouvelle a été adaptée au théâtre par Jean Pennec et a figuré à l'affiche du Festival Off d'Avignon, 2018 (Compagnie du Théâtre de la Boderie 61630 Sainte-Honorine-la-Chardonne )
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J'ai enfin pris le temps de lire l'une des nouvelles les plus plébiscitées de Stefan Sweig, "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme".

Texte court qui se lit d'une traite, phénomène que j'attribue pour ma part à l'excellence du style plutôt qu'à l'intérêt du récit. En effet, même en débutant ma lecture avec un a priori positif, je n'ai ressenti ni empathie pour Mrs C., l'héroïne de cette aventure (à plus d'un titre), ni compassion pour ses sentiments.

Toute la trame de cette histoire de sauvetage moral où une riche veuve tente d'annihiler en quelques heures la passion viciée pour le jeu et les pulsions suicidaires d'un jeune inconnu désargenté repose sur la logique, sur un enchaînement de gestes et de paroles qui l'entraînera hors de sa zone de confort et la poussera à commettre des actes non conformes à son comportement.

Ce que je n'ai pas apprécié dans ce récit, c'est avant tout la façon dont Mrs C. subit continuellement les événements et amplifie par cette posture le préjudice moral qui en découle. Je ne lui ai trouvé de l'intérêt que dans l'accablement alors que j'aurais préféré lui voir de la force dans l'adversité. A contrario, dès qu'elle se piquait d'agir, je la trouvais maladroite et présomptueuse et, au final, j'aurais volontiers uni mon cri à celui du jeune joueur lorsqu'il l'enverra balader à la fin du récit en lui demandant de lui ficher la paix et de le laisser à son triste sort.

Vers 1880, période à laquelle se déroule l'aventure de Mrs C., les moeurs bourgeoises sont toujours extrêmement rigides et l'on aurait tort de croire que le statut de veuve garantissait la liberté. Dans le récit de Sweig, on sent bien d'ailleurs combien pèse lourd le carcan des convenances sur les épaules de celle qui s'interdit d'aimer et couvre ses sentiments du voile décent de la charité. Bien que Mrs C. soit encore jeune, libre et riche, on la sent terriblement fragile, vulnérable et indécise.

Sa caste sociale - matérialisée en la personne de sa cousine qui lui fait involontairement manquer le train de la fuite - l'empêche finalement de commettre la folie qui l'aurait exclue de ses rangs pour de bon et, en même temps, elle la contraint à une lucidité crue(lle) pour détricoter une réalité que l'excentricité de son aventure lui avait un instant fait idéaliser. Emportée par ses sentiments au-delà d'elle-même jusqu'à l'aveuglement, Mrs C. sera en effet bien vite rattrapée par la vérité : le joueur est à nouveau à sa place, dévoré par sa passion, son vice et son immoralité. Tout ce qu'elle aura pu entreprendre et lui donner n'aura servi à rien...

On trouve entre les pages de ce récit de belles descriptions, de beaux portraits psychologiques, une peinture fine de la "bonne société" castratrice de la fin du XIXème siècle et encore bien d'autres éléments intéressants qui mériteraient une analyse plus poussée mais, personnellement, je n'y ai pas trouvé l'élan particulier qui me le rendrait mémorable. Au final, c'est heureux qu'il ait été si court car, plus étoffé, il m'aurait sans nul doute rapidement ennuyée.
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Je termine 24 heures de la vie d'une femme.
Je découvre l'histoire d'une grande bourgeoise qui se permet de décrire le désir qui l'habite l'espace d'un instant, d'un jour... Un escapade amoureuse dans le monde bourgeois du 19ème siècle ou les convenances sont de mise... Un faux pas ou un désir de sortir du rang... Un questionnement autour de l'amour et des sentiments exacerbés.
La description commune et anodine d'un coup de foudre qui emporte loin... Elle a du style cette héroine. Merci Monsieur ZWEIG de délivrer les femmes de cet aveu, de rendre le féminisme grand...
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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme contient avant tout des portraits d'hommes.
Mais quelle belle écriture !
C'est vrai qu'il y a cent ans, on peut dire que tout le monde écrivait bien.
On prenait alors son temps pour chercher le mot rare ou l'expression juste, pour gratter jusqu'à l'os afin de mettre à nu la confusion des sentiments, pour mettre tout ça en scène avec un luxe de détails, on pratiquait l'hypotypose ("un procédé stylistique qui consiste à rendre tellement frappante une description qu'on croit être transporté dans la scène évoquée", merci Hélène…!)
Bref, une belle écriture.
En revanche l'histoire est vraiment sans intérêt.

Traduction d'Olivier Bourlac et Alzir Hella.
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Tout quitter pour un coup de foudre...On en a tous rêver. ..Un grand roman magnifiquement écrit. Cette fiction se passe en une journée. ..Mais quelle journée !!!. Je vous le conseille.
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CHALLENGE ABC 2013/2014 (6/26)

Dans le cadre du challenge, n'ayant pas dans ma PAL d'auteurs en Z (Zola et sa "bête humaine" ont été écartés pour deux raisons : trop de pages et écriture microscopique), mon regard, dans les rayonnages de la médiathèque, s'est posé sur Stefan Zweig dont je n'avais lu aucun titre. Je n'ai donc pas refusé l'occasion d'élargir encore mon horizon littéraire d'autant plus que je ne m'engageais que pour 178 pages (toujours la même excuse, 2 challenges commencés tardivement, à assurer en même temps).
Je suis ravie de cette belle rencontre et même si ce n'est pas du tout mon genre de lecture, l'écriture très élégante de l'auteur m'a séduite. La confession de cette vieille dame anglaise est pleine de dignité et de pudeur tout en nous parlant de passions. Que ce soit celle du coeur qui fait voler en éclat toutes les convenances jusqu'alors respectées ; que ce soit celle du jeu qui entraine la dépendance et peut devenir destructrice.
Je garderai principalement en mémoire la magistrale description du jeu des mains des joueurs au Casino, qui en dépit du masque d'indifférence affiché sur leur visage, en traduit toutes leurs émotions.
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Une nouvelle intimiste intéressante.
Le point fort de cette histoire est que l'auteur, un homme, donne la parole à une femme dans la peau de laquelle il se glisse pour nous raconter ses espoirs, ses frustrations et surtout l'humiliation que lui a fait subir un homme.

Mrs C..., une dame de la haute société qui se comporte selon le code de conduite des femmes dite respectables sauf une fois, où elle va vivre une aventure atypique. C'est avec un art consommé dans la description des sentiments que Zweig décrit les atermoiements de cette femme, ses pensées, son ressenti, les difficultés qui se posent à elle dans ses choix. Son aventure a aussi un caractère assez particulier, peu ordinaire qu'il n'est pas simple de deviner. Perso, je n'avais pas vu l'issue.

Seulement voilà, bien qu'assez touchante, cette nouvelle m'a agacé par d'autres points. La scène où elle essuie le rejet de son amant m'a laissé perplexe, sans doute parce que j'aurais aimé qu'elle fasse preuve de plus de caractère (même s'il est vrai qu'elle lui rappelle qu'il s'est parjuré). Mais comment faire face à un possédé, comme elle le dit elle-même, du jeu ? Car Zweig, ici, se penche sur un de ses thèmes de prédilection les démons du jeu.

Je suis donc un peu déçue de voir que les intentions et les actes serviables de cette femme soient raillés sans qu'elle montre une opposition plus dure et qu'elle-même, en rajoute à cause d'un sentiment de culpabilité déplacé (Plus que de se sentir coupable, n'est-ce pas la colère d'avoir ainsi été jouée qui devrait l'animer ?). Par contre, je comprends que l'amour ne soit pas partagé. Je suppose qu'il n'y a pas vraiment de règle à ce sentiment là. J'ajouterais aussi que Mrs C..., s'était un peu trop enflammée, qu'elle s'était trop rapidement donnée et qu'elle était bien plus âgée que le jeune homme....
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